(Québec) La pression s’accentue sur la directrice des poursuites criminelles et pénales, Annick Murphy, afin qu’elle explique publiquement les raisons de son départ hâtif.

Jeudi, le Parti libéral du Québec (PLQ) a joint sa voix à celle de Québec solidaire (QS) et du Parti québécois (PQ) pour demander des éclaircissements, sinon la situation continuera de semer le doute dans la tête des gens, a-t-il dit.

Me Murphy a annoncé publiquement mardi qu’elle quitterait ses fonctions en février 2021, afin de prendre sa retraite, environ un an avant la fin prévue de son mandat. L’annonce a été faite en début de soirée électorale américaine, en pleine éclipse médiatique.

PHOTO SYLVAIN MAYER, ARCHIVES LE NOUVELLISTE

Annick Murphy

La situation n’est pas sans rappeler le départ de l’ex-grand patron de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), Robert Lafrenière, qui avait annoncé qu’il quittait son poste sans explication le 1er octobre 2018, jour des élections provinciales.

« Encore une fois, ça soulève des questions, a déclaré en point de presse la cheffe libérale Dominique Anglade. Le mieux, c’est de clarifier la situation : “Dites-nous pourquoi vous (partez), dites-nous ce qui s’est passé”. »

Mercredi, Me Murphy a refusé les demandes d’entrevue. Le PQ a déposé jeudi une motion l’invitant à venir s’expliquer sur plusieurs dossiers, notamment celui de son départ surprise, en commission parlementaire avant le 11 décembre.

Le gouvernement Legault a refusé de donner son consentement afin de débattre et d’adopter cette motion.

La porte-parole du PQ en matière de justice, Véronique Hivon, a affirmé qu’il pesait à l’heure actuelle sur le système de justice québécois un « énorme nuage à multiples couches d’épaisseur de brouillard ».

Avec le co-porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, Mme Hivon a brossé le portrait d’une situation inquiétante, où le cynisme de la population à l’égard des institutions augmentait, et la perte de confiance s’installait.

Bordel

Dans le passé, Me Murphy avait demandé à la sous-ministre de la Sécurité publique une enquête du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) concernant les fuites d’informations confidentielles à l’UPAC.

Plus récemment, elle s’est retrouvée sous les projecteurs relativement aux agissements du directeur général de la Sûreté du Québec (SQ), Martin Prud’homme.

Une faute déontologique aurait été commise par M. Prud’homme lorsqu’il a fait un appel à la directrice des poursuites criminelles et pénales en octobre 2017. M. Prud’homme a depuis ce temps été blanchi de toute allégation criminelle.

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a indiqué le mois dernier que la Commission de la fonction publique enquêtera sur les agissements de M. Prud’homme, suspendu avec solde depuis plus de 18 mois.

« Le bordel permanent dans la gestion des corps policiers, dans la gestion de l’UPAC, le bordel perpétuel des conflits entre la SQ, d’autres corps policiers, et là, en plus, le DPCP, honnêtement, je ne sais plus quoi en dire tellement c’est exaspérant, a déclaré M. Nadeau-Dubois. Il y a une culture à casser, là. »

Legault et Jolin-Barrette réagissent

Interpellé en Chambre à ce sujet, le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a tenté de calmer le jeu. Il a affirmé que son gouvernement avait assaini le milieu en adoptant en 2019 la loi 1 sur les nominations aux deux tiers de l’Assemblée nationale.

« Il n’y aura plus de politique mêlée avec la police ni avec la justice, M. le Président », a-t-il déclaré.

Il a par ailleurs confirmé l’information selon laquelle Me Murphy célébrera bientôt ses 40 ans de carrière, ce qui expliquerait sa décision de quitter.

« (Elle) m’a annoncé lundi lors d’un échange téléphonique qu’elle quittait pour des raisons personnelles. Je tiens à la remercier pour le travail qu’elle a accompli. […] Il relève de sa décision de quitter ses fonctions une année plus tôt », s’est-il limité à dire.

Le premier ministre François Legault a plus tard convenu que plusieurs questions restent en suspens. Mais selon lui, le gouvernement n’a pas à intervenir auprès d’une directrice des poursuites criminelles et pénales, par exemple, qui est indépendante.

« J’irai pas commencer à poser des questions : “Pourquoi vous avez pris telle ou telle décision”, a-t-il dit en conférence de presse. Ils sont indépendants et ils doivent rester indépendants. »