(Ottawa) Critiqué de toutes parts pour avoir affirmé la semaine dernière qu’il existe des limites à la liberté d’expression alors qu’il était invité à commenter les attentats islamistes en France, le premier ministre Justin Trudeau a tenté de corriger le tir mardi en faisant une profession de foi sans équivoque en faveur de cette liberté.

Alors que le premier ministre du Québec François Legault s’est dit « totalement en désaccord avec son homologue fédéral » et a publicisé avoir reçu un appel du président français Emmanuel Macron mardi matin pour le remercier de son soutien, M. Trudeau a affirmé que le Canada est solidaire de la France en ces moments difficiles.

« Comme je l’ai dit vendredi, les actes terroristes, les actes haineux qu’on a vus en France sont absolument inacceptables et absolument injustifiables. Il n’y aucune justification pour cette violence et c’est ce que j’ai dit et c’est ce que je continuerai de dire. Comme je l’ai aussi dit, nous sommes de tout cœur avec nos cousins français. J’ai exprimé mes condoléances et mon appui », a affirmé M. Trudeau.

Précisant ne pas avoir reçu d’appel du président français au cours des derniers jours, M. Trudeau a fait valoir qu’il travaille étroitement avec M. Macron sur une panoplie de dossiers d’intérêt commun comme la lutte aux changements climatiques

« Nous partageons énormément de valeurs. Nous allons toujours être là pour lutter contre le terrorisme, pour défendre nos valeurs, pour travailler pour la protection de l’environnement, pour protéger les femmes. On est de grands alliés, le Canada et la France. Et nous allons continuer d’être là les uns pour les autres », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse pour faire le point sur la situation de la COVID-19 au pays.

Accusé par le Bloc québécois et le Parti conservateur de défendre mollement la liberté d’expression, M. Trudeau a affirmé que cette liberté comprend aussi le droit de publier des caricatures sur les religions. Ce sont des caricatures de Mahomet qui ont servi de prétextes à des attaques sanglantes en France au cours des dernières semaines.

« Il est important que l’on continue de défendre la liberté d’expression. C’est toujours important et nos artistes et nos chroniqueurs nous font réfléchir, nous mettent au défi et ils apportent une contribution extrêmement importante à notre société. Nous allons toujours défendre la liberté d’expression », a dit le premier ministre.

Les propos de M. Trudeau tranchent avec ceux qu’il a tenus vendredi dernier. Le premier ministre avait alors comparé la publication de ces caricatures à l’acte de crier « au feu » dans un cinéma bondé. Tout en disant défendre la liberté d’expression, il avait insisté sur la nécessité de mettre des limites à cette liberté, dans un souci de sécurité publique.

Lundi, le premier ministre du Québec François Legault s’est dit « totalement en désaccord » avec son homologue fédéral.

« Non. Je ne suis pas d’accord avec Justin Trudeau. Je suis d’accord avec Emmanuel Macron. On ne peut pas accuser des personnes qui ont fait des caricatures… De justifier de cette façon-là de la violence… Je suis, vraiment, totalement en désaccord avec M. Trudeau. Il faut protéger la liberté d’expression », a lancé M. Legault.

Le président français, depuis la décapitation, le 16 octobre, d’un enseignant en pleine rue, revendique le droit de se moquer des religions et clame la nécessité de protéger la liberté d’expression avant tout.

Samuel Paty, un enseignant d’histoire, avait montré des caricatures de Mahomet dans un de ses cours. Jeudi, à Nice, deux femmes et un homme ont été égorgés dans une église par un jeune Tunisien.

La sortie de M. Trudeau, vendredi, a suscité des réactions — peu favorables — jusqu’en France.

Samedi, le quotidien Le Monde titrait « le soutien mesuré et ambigu de Justin Trudeau à la France ». Vendredi, le rédacteur en chef, politique et économie, de Paris Match, Bruno Jeudy, relayait la déclaration de M. Trudeau sur son compte Twitter, y ajoutant en commentaire : « Avec des amis comme ça #Trudeau ».

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a pris à partie M. Trudeau lundi.

En ce qui nous concerne, au Québec, cet attentat terroriste est totalement injustifiable. Nous dénonçons sans équivoque les attaques terroristes perpétrées et nous supportons résolument la France dans sa lutte contre le terrorisme ainsi que dans sa défense de laïcité et de la liberté d’expression », a déclaré le chef bloquiste.

« En évoquant la provocation par les caricatures en cause, en laissant croire qu’il pouvait s’agir là d’une explication, d’une circonstance atténuante, le premier ministre a cautionné le pire et a manqué à son devoir de dénonciation absolue des assauts terroristes contre la France, alliée et amie du Canada, et contre nos valeurs communes », a-t-il ajouté.

Le leader de l’Opposition en Chambre, le député conservateur Gérard Deltell, a aussi dénoncé la position de M. Trudeau à la Chambre des communes lundi.

-Avec La Presse Canadienne