Il y a deux fois plus sans-abri à Montréal depuis le début de la pandémie de COVID-19, selon Valérie Plante.

La crise a jeté à la rue des milliers de personnes qui vivotaient d’un divan d’ami à l’autre, faisant passer d’environ 3000 à 6000 le nombre de personnes qui ignorent souvent où elles pourront passer la nuit suivante, a dit la mairesse.

« Ce sont les chiffres que nous recevons et ils sont compatibles avec le fait que les 200 lits qu’on vient d’ouvrir sont déjà pleins », a-t-elle affirmé. « On pense qu’il y aurait à peu près 6000 personnes en situation d’itinérance. Ils ont des profils très, très, très différents. »

Selon Mme Plante, cette augmentation a été « très rapide » et a été d’abord détectée par les banques alimentaires. « La situation a complètement changé et une deuxième vague pourrait pousser plus de gens dans la précarité. [...] Nous sommes très inquiets. »

La face visible de cette crise se trouve rue Notre-Dame Est, où des dizaines de personnes campent depuis l’été. Mme Plante a déjà affirmé qu’elle ne comptait pas demander leur évacuation de force et qu’elle voulait plutôt continuer à discuter avec eux. Des incidents ont été dénoncés par des habitants du quartier, dont un début d’incendie.

« Il y a différentes organisations qui travaillent sur place et qui essaient d’emmener les gens vers des refuges. Mais la situation, c’est que tous les refuges que nous avons mis en place il y a trois semaines à peine sont aujourd’hui remplis à capacité », a-t-elle ajouté. « Je ne veux pas les priver de leur toit. Même si c’est une tente, au moins ils ont un toit au-dessus de la tête. »

Mais ces tentes ne sont pas faites pour résister à l’hiver montréalais, qui donne des maux de tête à l’hôtel de ville.

« Présentement, malgré les ressources hivernales supplémentaires qu’on a mises en place, on pense qu’il va nous manquer à peu près 300 lits », a-t-elle continué. « Je suis inquiète pour l’hiver, parce que les mesures d’urgence qu’on met habituellement en place ne seront pas suffisantes avec l’augmentation qu’on voit. »

Portrait nuancé

Sam Watts, dirigeant de la Mission Bon Accueil, a affirmé que l’augmentation du nombre de Montréalais qui se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité a définitivement augmenté, mais a ajouté qu’il était difficile de savoir à quel point. La multiplication par deux du nombre de personnes sans domicile fixe découle d’une impression plus que d’un calcul savant, selon lui.

« C’est certain qu’il y en a plus. C’est certain qu’il y a beaucoup de gens qui vivent dans la précarité, même s’ils sont logés », a affirmé M. Watts. L’épicerie communautaire tenue par l’organisme a vu sa clientèle augmenter de façon importante. « J’ai peur qu’avec la fin de la Prestation canadienne d’urgence (PCU), on voie plus de précarité. »

Véronique Laflamme, du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), a souligné que la pandémie est arrivée à bien mauvais moment pour les locataires au bord du précipice.

« On est à moitié surpris : le fait que ça ait doublé est effarant, c’est assez gros », a-t-elle dit. « Mais ça ne nous surprend qu’à moitié parce qu’en plus de la pandémie, la crise du logement mettait déjà un poids sur les locataires qui ont des petits revenus, qui vivent du salaire minimum, d’une retraite ou de l’aide sociale. » « Pour plusieurs, l’alternative, c’est la rue ou l’itinérance invisible », a-t-elle dit.

Entente de principe

La mairesse de Montréal était vendredi en matinée avec le maire de Québec et de Gatineau pour souligner la conclusion d’une entente de principe entre le gouvernement provincial et Ottawa concernant le logement. C’est lors de ce point de presse que Mme Plante a commenté l’augmentation du nombre de Montréalais en situation d’itinérance.

Après de longues négociations, Ottawa et Québec avaient annoncé jeudi soir s’être entendus sur le versement d’une enveloppe importante pour lutter contre la crise du logement. Toutes les autres provinces s’étaient déjà entendues avec Ottawa il y a deux ans.

Les détails de l’entente de principe doivent toujours être annoncés, mais ils devraient inclure le transfert de 1,8 milliard. Un débat persistait quant à la nécessité pour Québec et ses grandes villes de respecter les critères d’investissement du fédéral lorsque viendra le temps de dépenser cet argent.

« Il était temps », a dit Maxime Pedneaud-Jobin, le maire de Gatineau. « Ça fait trois ans qu’on attendait cette entente. »

« C’est nous qui savons où sont les gens démunis dans nos communautés et on sait quoi faire parce qu’on est sur le terrain », a dit Régis Labeaume, qui disait attendre que « l’encre sèche » sur l’entente avant de crier victoire. Le maire de Québec a affirmé que sa ville utiliserait cet argent pour acheter des maisons de chambres, pour fournir un toit aux jeunes adultes qui ont grandi dans des familles d’accueil et pour les aînés qui commencent à manquer d’autonomie.

Mme Plante a prévenu la population : la construction de logements sociaux ou abordables prend du temps et les nouveaux projets ne sortiront pas de terre à brève échéance.

« J’aimerais pouvoir dire que cette entente solutionnera les problèmes des gens qui vivent dans des tentes [rue Notre-Dame] en ce moment, mais malheureusement ce n’est pas le cas. Quand on parle de constructions immobilières, on parle habituellement de délais de cinq ans. »