(Ottawa) Même si la COVID-19 a envoyé deux chefs de parti en isolement préventif, le Parlement doit reprendre ses travaux la semaine prochaine afin de permettre aux élus de remplir leur rôle démocratique, plaide Justin Trudeau. Et s’il réitère qu’il ne veut pas d’élections cet automne, le premier ministre estime que les institutions démocratiques ont les reins assez solides pour assurer la tenue d’un scrutin malgré la pandémie.

Après le caucus du Bloc québécois, y compris le chef Yves-François Blanchet, c’était au tout du dirigeant du Parti conservateur Erin O’Toole d’annoncer, mercredi, qu’il se voyait contraint de se retirer de façon préventive et de subir un test de dépistage. Dans les deux cas, il y a eu exposition avec un employé politique ayant contracté la COVID-19 lors de déplacements liés à leurs fonctions.

Le premier ministre a vu là des arguments en faveur de la reprise des travaux en format hybride, et un incitatif à la mise à l’essai du vote électronique.

Je pense que c’est clair qu’on ne peut pas avoir 338 députés converger à Ottawa pour siéger dans une même salle. Ce ne serait pas responsable.

Le premier ministre Justin Trudeau

Et un député ne peut se soustraire à son « privilège fondamental de voter pour représenter [ses] commettants », a soutenu Justin Trudeau en conférence de presse à l’issue de la retraite de son cabinet.

Et « on voit avec la situation à laquelle nos amis du Bloc sont confrontés que si on devait avoir des gens en personne pour voter, ils ne pourraient pas du tout se faire entendre », a-t-il avancé. La première occasion de s’exprimer surviendra alors que le gouvernement se soumet à un vote de confiance dans le cadre de la présentation du discours du Trône, qui sera lu mercredi prochain. Selon la Santé publique, il faut s’isoler 14 jours après un contact avec une personne infectée, même si on reçoit un résultat de test négatif.

Les partis étaient toujours à discuter, mercredi, des modalités du retour au Parlement, qui est fermé depuis que Justin Trudeau l’a prorogé il y a environ un mois. Dans le camp conservateur, on est réfractaire à l’idée du vote « virtuel ». Samedi dernier, le whip Blake Richards a déclaré sur les ondes de CBC que la présence du quart des élus, soit 86, semblerait satisfaisante pour le parti. Chez les libéraux, on considère qu’il s’agit d’un nombre trop élevé.

Mais sur le fond, les parlementaires doivent impérativement reprendre le collier compte tenu de l’ampleur de la tâche qui les attend, a insisté le premier ministre. « Je pense que le retour du Parlement est une chose importante, parce qu’on a beaucoup d’enjeux qu’il faut discuter pour pouvoir mieux servir les Canadiens », a-t-il offert. Et s’il espère que les élus resteront dans leurs banquettes – ou à la maison devant un ordinateur – plutôt que de se retrouver sur les chemins d’une campagne électorale, il affirme être persuadé que la machine est suffisamment bien huilée pour pallier toute éventualité.

Élections : faisables, mais pas souhaitables

« Je pense que ce serait irresponsable de dire que des élections seraient irresponsables. On a des institutions assez fortes pour pouvoir gérer un processus électoral en temps de crise », a-t-il tranché. « Les partis d’opposition vont prendre leur décision, mais pour ma part, je suis axé entièrement sur la nécessité de continuer à protéger et à appuyer les Canadiens dans ces moments difficiles », a martelé Justin Trudeau, qui doit s’entretenir au cours des prochains jours avec les chefs des autres partis afin de discuter du contenu du discours du Trône.

À en croire ce qui a fuité dans les médias ces derniers jours, on devrait entendre la gouverneure générale Julie Payette parler de relance économique et verte et étayer un « plan ambitieux » visant à permettre au Canada de se remettre sur pied après des mois de pandémie. Les ministres auront par ailleurs de nouvelles lettres de mandat, a signalé le premier ministre, mercredi.

Si le gouvernement Trudeau veut survivre au vote de confiance, il doit rallier au moins un parti de l’opposition. Mardi, le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a semblé ouvrir la porte à un appui en minimisant l’importance de l’exercice. Notons qu’il peut s’écouler plusieurs jours, voire des semaines, avant la mise aux voix du discours du Trône.

Entreprises fédérales et loi 101 : Trudeau flou

Assujettir ou ne pas assujettir les entreprises de compétence fédérale sises au Québec à la loi 101 ? Alors que conservateurs, bloquistes et néo-démocrates disent oui en chœur, le premier ministre n’a pas d’appétit pour en discuter en ce moment. « Les gens savent très bien que le Parti libéral du Canada sera toujours là pour protéger la langue française. Mais ces jours-ci, notre priorité, c’est de protéger les personnes, les individus, ceux qui sont en train de vivre dans la peur de la COVID-19, et c’est ce sur quoi nous nous concentrons en tant que parti et en tant que gouvernement », s’est-il contenté d’offrir mercredi. Sa ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, n’a pas non plus voulu trop s’aventurer sur ce terrain au cours des derniers jours. Il y a quelques jours, à Montréal, le chef conservateur Erin O’Toole a déclaré qu’il était favorable à cette idée à l’issue d’une rencontre avec le premier ministre François Legault. Quant aux bloquistes et aux néo-démocrates, ils mènent cette bataille depuis plusieurs années, notamment par le dépôt de projets de loi aux Communes.