(Ottawa) Si les adversaires politiques des conservateurs se sont franchement amusés dimanche des ennuis techniques ayant retardé l’annonce du résultat de la course au leadership, multipliant les sorties ironiques sur les réseaux sociaux, lundi, le ton pour accueillir Erin O’Toole a repris du sérieux.

Ainsi, la première salve libérale a pris la forme d’un communiqué signé par la présidente du parti.

« Nous espérons [...] que M. O’Toole reconsidérera l’idée de faire adopter les politiques — calquées sur l’approche de Stephen Harper et d’Andrew Scheer — qu’il a prônées durant sa campagne à la chefferie. Ces politiques, notamment la réduction des services sur lesquels les Canadiens comptent, l’affaiblissement des lois canadiennes sur le contrôle des armes à feu et l’annulation de nos mesures de lutte contre les changements climatiques, feraient reculer le Canada », a écrit Suzanne Cowan.

Le lieutenant québécois de Justin Trudeau, Pablo Rodriguez, a tapé sur le même clou lors d’une entrevue téléphonique.

« C’est un nouveau chef, mais c’est le même parti. Ils avaient l’opportunité d’aller un peu vers le centre avec M. MacKay, mais ils ont décidé de rester très à droite », a-t-il lancé.

Et il a tenu à souligner, plus d’une fois, que M. O’Toole doit en partie sa victoire aux seconds choix des deux candidats qui ont fait campagne contre l’avortement.

PHOTO SEAN KILPATRICK, AGENCE FRANCE-PRESSE

Erin O’Toole est devenu le nouveau chef conservateur dans la nuit de dimanche à lundi.

« Il est très redevable à l’aile sociale conservatrice. Si on regarde le premier tour, il y avait 35 % des voix qui sont allées à des candidats très, très, très à droite qui, d’ailleurs, ne parlent même pas un mot de français », a fait remarquer M. Rodriguez.

Dans un élan plus diplomatique, Justin Trudeau a téléphoné à son nouveau vis-à-vis, lundi midi, pour le féliciter. Une conversation « assez positive », a-t-on rapporté au bureau du premier ministre.

Selon le bureau de M. Trudeau, les deux hommes ont parlé de l’unité du pays et de la nécessité de collaboration en temps de pandémie malgré les différends politiques. On indique également que M. O’Toole est revenu sur la prorogation du Parlement, geste posé la semaine dernière par M. Trudeau.

Dans son compte-rendu de l’appel, le bureau du nouveau chef de l’opposition officielle a noté « une discussion cordiale sur la famille et […] l’engagement envers le service public ».

« M. O’Toole a soulevé la question de l’aliénation de l’Ouest et a pressé M. Trudeau de présenter un plan pour répondre aux graves et bien réelles préoccupations sur l’unité nationale dans le discours du Trône », a-t-on écrit dans un communiqué diffusé en fin d’après-midi, lundi.

« M. O’Toole a également souligné l’importance de la reprise des travaux des comités parlementaires le plus rapidement possible après le discours du Trône, pour que les députés puissent poursuivre leurs enquêtes sur le scandale Trudeau WE Charity et nombre d’autres études importantes », a-t-on poursuivi.

Le Bloc réserve son jugement

Le chef bloquiste Yves-François Blanchet a félicité son nouvel homologue dans un gazouillis sur son fil Twitter. Et il s’est montré impatient de voir la suite. « Les positions conservatrices seront ainsi clarifiées et alimenteront des débats utiles afin que les Québécois fassent des choix dans la perspective du temps qu’il reste au gouvernement Trudeau », a-t-il ajouté.

Réagissant à une autre publication sur Twitter, le néo-démocrate Alexandre Boulerice a choisi le mot-clic #dinosaures pour commenter la position d’Erin O’Toole sur la construction de pipelines.

Elizabeth May, l’élue du Parti vert qui a longtemps dirigé sa formation, a choisi de tendre la main. « Essayons de mettre la partisanerie de côté », a-t-elle écrit sur Twitter. « Les Canadiens veulent un bon gouvernement pendant la pandémie », a-t-elle insisté.

Le chef néo-démocrate a adopté le même ton. « En ces temps difficiles, j’espère que nous pourrons travailler ensemble à la Chambre des communes sur ce qui est le plus important : se battre pour les gens », a écrit Jagmeet Singh.

Le chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, a convoqué la presse, à Ottawa, en avant-midi pour y ajouter son grain de sel.

Il a ouvert les portes de son parti aux « vrais conservateurs » déçus qui voudraient quitter le navire après l’élection d’Erin O’Toole.

« Je veux leur dire aujourd’hui : il y a un endroit où vous pouvez vous battre ouvertement pour vos valeurs. Où elles ne seront pas dénigrées ou bannies, mais au contraire fièrement défendues », a-t-il dit.

M. Bernier a créé son parti après avoir perdu la précédente course au leadership du Parti conservateur du Canada. Le Parti populaire n’a fait élire aucun candidat aux élections de 2019.

Est-ce que l’un de ses « vrais conservateurs » bienvenus dans le parti de M. Bernier pourrait être Derek Sloan, arrivé quatrième ?

Le chef du Parti populaire dit ne pas avoir discuté de cela avec M. Sloan, qui siège comme député conservateur et dont la campagne à la direction a mis de l’avant des positions contre le droit à l’avortement, contre le mariage des conjoints de même sexe, contre un plus grand contrôle des armes à feu.

« Si on regarde la plateforme que M. Sloan a proposée, elle ressemble étrangement à la plateforme du Parti populaire. Donc, on a des atomes crochus ensemble », de l’avis de M. Bernier.