(Montréal) La mobilisation contre la réforme du Programme de l’expérience québécoise se poursuit, malgré la nouvelle série d’ajustements annoncée plus tôt cette semaine par la ministre de l’Immigration, Nadine Girault.

Quelques dizaines de manifestants se sont donné rendez-vous au centre-ville de Montréal, sous une pluie battante samedi avant-midi, pour ensuite se rendre à Saint-Agathe-des-Monts, devant le bureau de circonscription de la ministre.

Nadine Girault a dévoilé jeudi une troisième mouture de la réforme – « de la poudre aux yeux » selon les manifestants.

Les députés du Parti libéral et de Québec solidaire Gaétan Barrette et Andrés Fontecilla ont abondé dans le même sens, en s’adressant à la petite foule réunie à la place de la Paix.

Tous deux porte-parole de leur formation en matière d’immigration, ils ont invité les étudiants et travailleurs étrangers à ne pas baisser les bras.

« Le gouvernement a le pouvoir de changer n’importe quand », a rappelé Gaétan Barrette.

Andrés Fontecilla a souligné une certaine déception au sujet de la position de Nadine Girault, qui a récemment succédé à Simon Jolin-Barrette à la tête du ministère de l’Immigration. « Nous nous attendions à un changement de ton. »

Simon Jolin-Barrette avait déjà présenté une deuxième version du programme à la fin du mois de mai, après le cafouillage qui avait forcé le gouvernement de François Legault à présenter ses excuses à l’automne dernier et à retourner à la table à dessin.

Le Programme de l’expérience québécoise (PEQ) permet à des étudiants internationaux et à des travailleurs étrangers temporaires déjà établis dans la province d’obtenir rapidement un certificat de sélection du Québec, en vue d’accéder à la résidence permanente.

Sa réforme prévoit des règles plus astreignantes sur le plan de l’expérience de travail requise et de la maîtrise du français, entre autres. Le délai de traitement des demandes sera pour sa part considérablement prolongé.

En plus de décrocher leur diplôme – ce qui suffisait auparavant pour les qualifier –, les étudiants internationaux devront dorénavant acquérir de 12 à 18 mois d’expérience de travail à temps plein.

En ce qui concerne les travailleurs étrangers, cette exigence passe de un à deux ans et ne pourra être remplie que dans certains domaines, ce qui exclut des travailleurs moins qualifiés.

Une clause de droit acquis réclamée

En vertu des modifications présentées jeudi, les étudiants étrangers qui obtiendront leur diplôme avant la fin de l’année pourront finalement avoir accès au PEQ selon les critères qui prévalaient avant la réforme, dont l’entrée en vigueur est prévue le 22 juillet.

Mais ceux qui termineront leurs études à partir de l’année prochaine devront toutefois passer par le nouveau programme, même s’ils ne sont pas arrivés au Québec sous ces termes.

C’est notamment le cas de Cristina Falconi. L’étudiante franco-péruvienne devait décrocher son diplôme en soutien informatique en décembre prochain. Mais avec la pandémie de COVID-19, impossible pour elle de terminer ses études avant mars 2021.

« C’est injuste que pour deux ou trois mois, on n’ait pas droit à ce droit acquis là. Ça nous tue vraiment le moral. »

La jeune femme songe maintenant à quitter le pays, mais tous ses camarades de classe n’ont pas cette latitude. Certains ont investi des sommes trop importantes et même déménagé leur petite famille en misant sur la voie rapide du PEQ, souligne-t-elle.

Xiang Wang, qui étudie en infographie, a elle aussi vu l’obtention de son diplôme être repoussée par la crise sanitaire. « On voudrait appliquer l’ancien droit au PEQ pour tous les étudiants qui ont déjà commencé leurs études au Québec, fait valoir l’étudiante chinoise. Une promesse, c’est une promesse. »

Le Parti libéral et Québec solidaire réclament à tout le moins l’ajout d’une telle clause de droit acquis.

« L’avenir de ces personnes-là est sérieusement compromis, se désole Andrés Fontecilla. Tout découle de la décision arbitraire et démagogique, selon moi, de baisser les seuils d’immigration. »

Ce serait donc par volonté de restreindre le nombre de nouveaux arrivants que le gouvernement de François Legault aurait mis la hache dans un programme ayant pourtant fait ses preuves.

Cette analyse est partagée par Gaétan Barrette, qui estime que la réforme est « indéfendable » et « basée exclusivement sur l’idéologie ».

« On nuit au Québec. On nuit à notre réputation. On nuit à notre réseau académique », déplore-t-il.

Le ministère de l’Immigration maintient pour sa part qu’une réforme s’imposait afin d’« assurer une meilleure adéquation avec les besoins de main-d’œuvre du Québec et pour atteindre un équilibre avec nos programmes d’immigration ».

Au cours des dernières années, « la grande majorité » des travailleurs qualifiés ont été sélectionnés grâce au PEQ, ce qui « limite le nombre d’invitations qui peuvent être faites par Arrima », un système par lequel des travailleurs qualifiés désirant immigrer au Québec remplissent une « déclaration d’intérêt ».