(Ottawa) Si l’intrus de Rideau Hall avait été une personne de couleur, l’issue de l’opération policière aurait été plus dramatique, a estimé mercredi le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh.

M. Singh, s’adressant à des journalistes sur la colline du Parlement, a déclaré que cet évènement contrastait avec d’autres au cours des dernières semaines ayant vu des policiers canadiens tuer des Autochtones et des personnes de couleur, et qu’il nous rappelait « tous à quel point le racisme systémique est réel ».

Corey Hurren fait face à 22 chefs d’accusation liés aux armes à feu, mais aussi de menaces à l’endroit du premier ministre Justin Trudeau. Le réserviste et homme d’affaires du Manitoba est détenu dans une prison d’Ottawa en attendant la suite des procédures.

PHOTO MOHAMED KADRI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Selon la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Corey Hurren a été arrêté le matin du 2 juillet à environ 200 mètres de la porte d’entrée de la résidence temporaire du premier ministre à Ottawa.

Selon la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Corey Hurren a été arrêté le matin du 2 juillet à environ 200 mètres de la porte d’entrée de la résidence temporaire du premier ministre à Ottawa. Il aurait auparavant enfoncé avec sa camionnette des grilles de la propriété de Rideau Hall, puis aurait couru avec une arme chargée en direction de la résidence des Trudeau, qui n’étaient pas présents à ce moment-là.

Les policiers ont indiqué avoir eu des pourparlers avec Corey Hurren, qui était toujours armé, pendant une heure et demie avant son arrestation sans incident.

M. Singh a dit qu’il était heureux que M. Trudeau et sa famille aient pu être en sécurité — ils n’étaient pas à la résidence à ce moment-là — et a déclaré qu’il considérait l’évènement comme du « terrorisme intérieur ».

Et lorsqu’il s’est fait demander s’il pensait que l’incident aurait pris une tournure tragique si le suspect avait été une personne de couleur, M. Singh a simplement répondu : « Oui. »

M. Singh a mentionné Ejaz Choudry, un homme âgé de 62 ans qui a été abattu par la police à Mississauga, en Ontario, le 22 juin, après que sa famille a appelé une ligne d’aide non urgente, préoccupée que M. Choudry ne prenne pas ses médicaments. L’homme a reçu un diagnostic de schizophrénie, a déclaré sa famille après sa mort.

« Ce contraste — quelqu’un s’est présenté pour potentiellement tuer le premier ministre du Canada ou avec des armes à son domicile, et cette personne a été arrêtée sans violence et vous avez l’autre cas d’une personne qui a été tuée chez elle, a déclaré M. Singh. Pour moi, c’est ce dont il s’agit lorsqu’on parle de racisme systémique dans la police, cette disparité. »

Parmi les autres interventions récentes impliquant des policiers qui se sont soldées par des décès figurent :

— Chantel Moore, une Autochtone âgée de 26 ans qui a été abattue par un policier qui avait été envoyé à son domicile pour vérifier son état de santé à Edmundston, au Nouveau-Brunswick, le 4 juin ;

— Rodney Levi, un Autochtone âgé de 48 ans aux prises avec des problèmes de santé mentale qui a été tué par des policiers près de Miramichi, au Nouveau-Brunswick, le 12 juin ;

— Regis Korchinski-Paquet, une femme noire de Toronto âgée de 29 ans, décédée après avoir chuté d’un balcon du 24e étage alors que la police se trouvait dans l’appartement pour un conflit familial à la suite duquel Mme Korchinski-Paquet se trouvait en détresse.

La députée du Parti vert Elizabeth May a prononcé certains de leurs noms dans le compte rendu officiel des débats de la Chambre des communes mercredi alors qu’elle demandait s’il était temps de reconsidérer la manière dont les soi-disant « contrôles de bien-être » sont effectués en déclenchant une enquête fédérale.

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, a soutenu que la plupart du temps, de tels incidents se terminent pacifiquement, mais il a déclaré qu’Ottawa travaillait avec tous les ordres de gouvernement pour créer des normes nationales sur le recours à la force par la police et pour fournir de la formation sur la désescalade.

M. Singh a également déclaré que M. Trudeau devait réellement faire quelque chose pour régler le problème du racisme systémique au sein de la GRC. Il a rappelé que l’automne dernier, lorsque des images de M. Trudeau en « blackface » sur plusieurs anciennes photos ont émergé, M. Trudeau a demandé à être jugé par ses actions contre le racisme.

Ces actions, a tranché M. Singh, ont été inexistantes.

« Le plus qu’il a fait, c’est une vague référence aux caméras corporelles (pour les policiers) », a lancé M. Singh.

« Le fait que le président Trump, qui a été un désastre sur cet enjeu, qui a dit des choses haineuses et j’ai dénoncé cela, a fait plus en termes de changements concrets de politiques que le premier ministre du Canada, qui dit qu’il est un allié, cela me dérange vraiment. Il n’a littéralement rien fait. »

À la mi-juin, alors que des manifestations ont éclaté partout aux États-Unis après que George Floyd est mort asphyxié par un policier agenouillé sur son cou, M. Trump a signé un décret interdisant la « prise d’étranglement » à moins que la vie d’un policier ne soit en danger.

M. Singh a soutenu que le premier ministre devait poser des gestes clairs, y compris une révision du budget de la GRC pour transférer certaines ressources aux services communautaires afin que ce ne soit plus la norme que les policiers interviennent pour des crises de santé mentale. Il souhaite également la collecte de données sur le recours à la force et l’engagement de mettre fin au profilage racial par les forces de l’ordre.

Peu de temps après les propos tenus par M. Singh, M. Trudeau a déclaré que son cabinet avait établi un plan de travail pour l’été afin de prendre des mesures concrètes pour lutter contre le racisme systémique.

Des ministres ont été chargés d’explorer les réformes du système de justice, les structures policières et le recours à la force ; d’améliorer l’accès au capital financier ; d’examiner de meilleures protections pour les travailleurs étrangers temporaires et d’élaborer une législation pour reconnaître les services de police des Premières Nations comme un service essentiel.

« Nous avons du pain sur la planche, a dit M. Trudeau. Nous sommes prêts. La lutte contre le racisme systémique, les préjugés inconscients et la discrimination est une priorité absolue pour notre gouvernement. »