(Ottawa) La Chine menace le Canada de représailles après que le premier ministre Justin Trudeau a condamné la récente loi sur la sécurité nationale, qui renforce le contrôle de Pékin sur Hong Kong.

Lors d’une conférence de presse, lundi, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré que le Canada avait « gravement violé le droit international et les normes fondamentales régissant les relations internationales, et s’était immiscé gravement dans les affaires intérieures de la Chine ».

Zhao Lijian a plaidé que les questions qui touchent Hong Kong constituent des affaires intérieures chinoises et que les autres pays n’ont pas le droit de s’en mêler. Le porte-parole a ajouté que la Chine se réservait le droit de réagir.

« La Chine exhorte la partie canadienne à corriger immédiatement ses erreurs et à cesser de s’ingérer dans les affaires de Hong Kong et dans les autres affaires intérieures de la Chine, de quelque manière que ce soit, afin d’éviter de nuire davantage aux relations sino-canadiennes », a déclaré M. Zhao, dans une transcription traduite publiée sur le site internet du ministère chinois.

La nouvelle « loi sur la sécurité nationale » confère à Pékin un contrôle beaucoup plus strict sur les manifestations et autres formes de dissidence à Hong Kong, au motif que ces activités constituent des menaces extérieures à la sécurité de la Chine.

Réprobation occidentale

Le Canada s’est joint la semaine dernière à d’autres pays pour restreindre les exportations vers Hong Kong, notamment les ventes d’armes. Les pays occidentaux soutiennent que la nouvelle loi adoptée par les autorités chinoises viole le principe « un pays, deux systèmes » à Hong Kong, qui est censé régir la place de l’ex-colonie britannique au sein de la Chine continentale. Le Canada a également suspendu son accord d’extradition avec Hong Kong.

M. Trudeau a aussi déclaré vendredi dernier que le Canada envisagerait davantage de mesures, notamment des assouplissements à l’immigration pour les résidents de Hong Kong. La Grande-Bretagne, par exemple, a créé une « voie réservée » vers la citoyenneté pour les résidents de Hong Kong qui détiennent déjà certains documents datant de l’époque où le territoire était britannique, avant sa rétrocession à la Chine en 1997.

Les relations entre le Canada et la Chine étaient déjà au plus mal depuis l’affaire Meng Wanzhou, directrice financière du géant chinois Huawei, interpellée à Vancouver en décembre 2018 sur un mandat d’extradition américain. Pékin a, tout de suite après, arrêté les Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor, qui sont toujours détenus depuis.

Un an et demi après leur arrestation, les deux hommes ont été formellement accusés récemment d’atteinte à la sécurité nationale. Le Canada et ses alliés qualifient ces détentions d’arbitraires et de pures mesures de représailles de Pékin.

Les exportations canadiennes de canola et de viande vers la Chine ont également été entravées à la suite de l’arrestation de Mme Meng.

Le nouvel ambassadeur Rae

Bob Rae, qui venait d’être nommé lundi nouvel ambassadeur du Canada auprès des Nations unies, a promis que sa priorité absolue serait d’obtenir la libération de Michael Kovrig et Michael Spavor. Il soutient par ailleurs la position de M. Trudeau, qui refuse d’échanger la libération des deux Canadiens contre l’abandon des procédures judiciaires visant Mme Meng. M. Rae est d’accord pour dire que cet échange récompenserait le comportement de Pékin.

M. Rae a aussi écarté d’un sourire les mises en garde du gouvernement chinois à ses ressortissants contre tout voyage au Canada. « Je suis un avide lecteur de George Orwell, et je pense que pour vraiment apprécier le monde d’aujourd’hui, vous devez lire 1984. Il se passe des choses étranges », a déclaré M. Rae.

« Il est franchement bizarre qu’un pays suggère que le moment est mal choisi pour venir au Canada. Ils ont leurs propres raisons de le dire, je ne pense pas que nous devrions le prendre entièrement au sérieux : parfois, l’humour est un bon soulagement quand vous faites face à ces moments. »

Le Canada entretient des relations avec Hong Kong depuis des siècles, a rappelé M. Rae, notamment en défendant le territoire britannique des attaques japonaises pendant la Seconde Guerre mondiale.

« Nous y avons des intérêts […] De nombreux Canadiens sont d’origine hongkongaise. On ne peut donc pas dire qu’on se mêle des affaires des autres. Nous parlons de nos affaires, de nos relations, qui sont importantes pour nous, et nous ne devons pas hésiter à exprimer notre point de vue », a déclaré le nouvel ambassadeur du Canada à l’ONU.