(Québec) Malgré les beaux discours qui en émanent et son aura de respectabilité, l’Assemblée nationale du Québec n’est pas un lieu de travail à l’abri du harcèlement, tant psychologique que sexuel.

La dernière année a donné lieu à une nouvelle série de signalements et de plaintes sur ce qui se trame parfois derrière les portes closes des bureaux parlementaires. Au total : 11 plaintes formelles de harcèlement psychologique ont dû être examinées. Un cas de harcèlement sexuel a aussi été signalé.

Les représentants du peuple ne donnent pas toujours l’exemple : un élu de l’Assemblée nationale, député ou ministre, a fait l’objet d’une plainte formelle de harcèlement psychologique, dans le cadre de ses fonctions, au cours des derniers mois.

L’élu mis en cause est-il un homme ? Une femme ? Simple député d’arrière-ban ou ministre en vue ? Membre de l’équipe gouvernementale ou de l’opposition ? Impossible de le savoir. Et quels faits lui reproche-t-on ? On n’en saura pas davantage. Et la victime alléguée, quel était son lien d’emploi avec le présumé harceleur ? Pas de réponse.

Le rapport annuel 2020 du harcèlement au travail produit par l’Assemblée nationale et rendu public récemment se contente de fournir le strict minimum d’informations sur les faits rapportés, sous prétexte de garantir la confidentialité absolue aux personnes impliquées.

Ce rapport, qui s’appuie sur la politique de prévention du harcèlement à l’Assemblée nationale, est d’une opacité totale. Une firme a d’ailleurs reçu récemment le mandat de revoir les fondements de cette politique, adoptée en 2015, et de formuler des recommandations à l’Assemblée, d’ici décembre.

En attendant, qu’on se le tienne pour dit, « toute autre information au sujet de la nature des plaintes, des personnes plaignantes ou des personnes mises en cause sont des renseignements personnels de nature confidentielle et l’Assemblée ne peut donc y répondre », a commenté la porte-parole de l’Assemblée nationale, Julie Champagne, en réponse à une demande de précisions formulée par La Presse canadienne cette semaine.

Cette année, l’Assemble nationale a dû aussi traiter un signalement de harcèlement sexuel, dossier qui n’a cependant pas donné lieu au dépôt d’une plainte en bonne et due forme. Comme il se doit, le rapport ne dit rien de la nature des gestes reprochés et ne fournit aucune indication sur la personne visée par cette allégation.

Les signalements et les plaintes peuvent provenir d’un employé de cabinet (de ministre ou de député) ou d’un membre du personnel de l’Assemblée nationale.

S’il y a plainte, le processus d’examen est assumé par une firme externe, qui doit évaluer si elle est recevable. Au besoin, une enquête sera instituée.

Au total, durant l’année, 10 personnes reliées à l’Assemblée nationale ont affirmé avoir fait l’objet d’une forme ou d’une autre de harcèlement, possiblement de la part d’un élu. De ce nombre, la plupart du temps (7 cas sur 10) il s’agissait de dénoncer le fait d’avoir subi du harcèlement psychologique. On a relevé un seul cas de dénonciation de harcèlement sexuel. Les deux autres portaient sur d’autres types de comportements.

Au total, par la suite, 11 plaintes formelles ont été déposées, toutes ayant trait à du harcèlement psychologique. Deux de ces dossiers sont toujours sous enquête.

Formation : des députés fautifs

Pendant ce temps, plusieurs élus se font tirer l’oreille, remettant sans cesse à plus tard la formation offerte, pourtant obligatoire, visant à prévenir toute forme de harcèlement au parlement.

En tant qu’employeurs, les députés doivent suivre une formation sur la prévention du harcèlement en milieu de travail, tant psychologique que sexuel. Cette formation ne dure que deux heures.

Or, il s’est écoulé 20 mois depuis l’élection d’octobre 2018 et près de 14 % des députés (soit 17 sur 125) ne l’ont toujours pas suivie, la plupart appartenant au groupe parlementaire formé par la Coalition avenir Québec (CAQ). En novembre, le gouvernement s’était pourtant engagé à ce que tous les députés caquistes aient reçu la formation au plus tard en février dernier.

Une nouvelle session de formation, qui comporte un volet théorique et des mises en situation, est prévue à l’automne pour accommoder les retardataires.

Au cours de l’année, deux ministres ont défrayé la manchette en raison de relations difficiles avec leurs employés.

Du côté de la ministre déléguée au Développement économique régional, Marie-Ève Proulx, Québecor a rapporté que 14 employés de son cabinet avaient démissionné en un an, en dénonçant un climat de travail toxique.

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a dû présenter des excuses publiques après avoir annoncé qu’elle avait congédié certains de ses employés pour incompétence. Blessées, les personnes en cause avaient réagi en réclamant des excuses.

Par ailleurs, Québecor a rapporté cette année que l’ancien député et ex-président de l’Assemblée nationale Jacques Chagnon a été visé par des allégations d’attouchements sexuels, qui se seraient produits en 2011 au parlement. Comme il n’y a pas eu de plainte déposée par la députée belge à l’origine de l’histoire, l’Assemblée nationale n’a pas ouvert d’enquête. M. Chagnon a nié catégoriquement les allégations.