(Ottawa) Le Canada consacre 8,9 millions en nouvelle aide internationale pour assurer aux femmes et aux filles du monde entier un accès sécuritaire à l’avortement et aux services de santé de la reproduction pendant la pandémie de COVID-19.

La ministre du Développement international, Karina Gould, a déclaré mardi que cette pandémie avait rendu dans certains pays l’accès plus difficile aux contraceptifs, aux services d’avortement et aux soins de santé génésique pour les femmes et que le Canada voulait faire sa part.

« Nous pensons qu’il est important, particulièrement en ce moment, de faire cette annonce de financement pour démontrer que nous sommes toujours attachés à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, même pendant une pandémie — et en soulignant le fait que ces besoins existent et sont, en fait, exacerbés par la pandémie actuelle », a soutenu la ministre Gould en entrevue. « Ce financement contribuera à garantir la prestation de ces services. »

Sur les 8,9 millions annoncés mardi, 4,9 millions iront à l’organisme « Marie Stopes International », qui fournit des contraceptifs et des services d’avortement dans 37 pays. La contribution du Canada servira à garantir l’accès à des avortements sans risque et à la contraception ; la télémédecine et la sensibilisation en ligne, et une plateforme de téléphonie mobile destinée aux jeunes isolées et à celles qui ne sont pas scolarisées.

Un montant supplémentaire de 2 millions ira à un autre organisme international, Ipas, qui travaille avec les gouvernements pour plaider pour un avortement légal et sécuritaire, et pour rendre la contraception largement disponible.

Plus d’obstacles

Les experts qui œuvrent sur le terrain affirment que la pandémie a multiplié les obstacles qui existaient déjà pour de nombreuses femmes et filles en ce qui concerne l’accès aux services d’avortement médicalisé, aux soins postnataux et à d’autres besoins en matière de santé génésique.

Laura Neidhart, d’Action Canada pour la santé et les droits sexuels, soutient que la pandémie a rendu les soins de santé génésique plus difficiles à obtenir au Canada et à l’étranger : les chaînes d’approvisionnement pour les médicaments et le contrôle des naissances ont été perturbées, des cliniques sont fermées et les médecins sont plus difficiles à voir.

Un certain nombre de pays utilisent par ailleurs la pandémie comme prétexte pour faire reculer l’accès à l’avortement, a déclaré Mme Neidhart.

Les membres d’un groupe de travail des Nations unies ont publié le mois dernier une déclaration exprimant leur préoccupation au sujet de certains États américains — notamment le Texas, l’Oklahoma, l’Alabama, l’Iowa, l’Ohio, l’Arkansas, la Louisiane et le Tennessee — qui « semblent manipuler la crise » de la pandémie pour mettre en œuvre des restrictions sur l’avortement. Ces nouvelles restrictions augmentent la pratique d’avortements à risque, selon Mme Neidhart, qui félicite le gouvernement de Justin Trudeau d’avoir souligné la nécessité de considérer ces initiatives comme prioritaires en pleine pandémie.

Diana Sarosi, directrice des politiques et des campagnes chez Oxfam Canada, s’est dite encouragée par ces nouveaux fonds. Elle a toutefois noté que cette somme de 8,9 millions était bien loin des 1,4 milliard promis l’an dernier par le premier ministre Trudeau pour l’aide internationale à la santé des femmes, dont la moitié était consacrée à garantir l’accès à des avortements sans risque et à des services de santé génésique dans le monde entier.

Mme Sarosi a soutenu que cet investissement « historique » n’avait pas encore commencé à être déployé. « Il ne s’agit donc pas seulement, à l’heure actuelle, de maintenir les services qui existaient avant la pandémie, mais aussi de renforcer réellement les capacités des systèmes de santé pour traiter toute une gamme de domaines négligés, comme les soins contraceptifs ou les services d’avortement », a-t-elle déclaré.

« Nous espérons vraiment que le gouvernement intensifiera la mise en œuvre de cet engagement massif, pour lequel il a reçu de nombreuses distinctions dans le monde. »

Sur les 8,9 millions annoncés mardi, 2 millions iront au Fonds d’affectation spéciale des Nations unies pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. La ministre Gould a estimé mardi que les restrictions liées à la COVID-19 avaient provoqué une augmentation « alarmante » de la violence contre les femmes.