(Ottawa) Justin Trudeau et ses ministres, réunis lundi matin pour discuter des voies ferrées bloquées, assurent que les derniers développements ne nuiront pas aux efforts de réconciliation si chers à leur gouvernement.

« Nous sommes encore tout à fait engagés profondément […] dans la voie de la réconciliation et nous allons continuer », a assuré le premier ministre aux Communes, lundi après-midi.

« Nous ne mettons nullement en danger notre engagement pour la réconciliation », a dit le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, à sa sortie de la réunion matinale. « Mais, en même temps, l’impact de ces interruptions de services ferroviaires et de ces barricades est intenable », a-t-il poursuivi du même souffle.

« Une fois que les barricades seront levées, revenez à la table. Nous avons tellement de travail à faire », a-t-il également offert.

Le premier ministre, lui, affirme qu’il n’avait pas le choix de « changer de posture » une fois qu’il a constaté que les chefs héréditaires de Wet’suwet’en ne négociaient pas « de bonne foi ».

Vendredi, M. Trudeau a déclaré que les barricades devaient tomber et que les injonctions ordonnant le dégagement des voies devaient être appliquées.

Lundi matin, la police provinciale ontarienne (PPO) a effectué plusieurs arrestations dans la région de Belleville. En réaction à cette intervention policière, les Mohawks de Kahnawake se sont employés à ralentir le trafic sur une route québécoise, en avant-midi, lundi. Un autre barrage a été érigé près d’Oka.

Une manifestation de quelque 300 personnes en appui aux Wet’suwet’en a nui à la circulation autour de la colline parlementaire à Ottawa. Cette manifestation a d’ailleurs provoqué un resserrement de la sécurité. Des policiers ont été postés à tous les accès à la colline parlementaire. Aucun incident n’a été rapporté.

Au cours de la réunion matinale dans les bureaux du premier ministre, le ministre Blair a confirmé que depuis vendredi, 15 h, heure du Pacifique, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a « terminé la relocalisation de sa base des opérations vers le détachement de Houston » en Colombie-Britannique, selon un compte-rendu de cette réunion.

On ignore si ce mouvement de la GRC suffira aux chefs héréditaires de Wet’suwet’en.

En fin de journée, lundi, le ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller, n’avait toujours pas de réponse de leur part. Il a noté que sa collègue Carolyn Bennett et lui avaient tenté pendant toute la fin de semaine de convaincre les chefs héréditaires et les gens qui ont érigé la barricade, « preuves à l’appui », que la GRC avait quitté le territoire.

Il a ajouté qu’une rencontre avait lieu entre les chefs héréditaires et les représentants de la GRC de la Colombie-Britannique lundi.

Vendredi, les chefs héréditaires résistaient encore, même si depuis la veille, la GRC offrait de se déplacer. « Évidemment, il y a une certaine méfiance, méfiance à laquelle nous faisons face depuis des décennies », a noté le ministre Miller.

Les efforts d’Ottawa

Depuis la semaine dernière, le CP permet au CN de faire circuler des trains qui contiennent des « commodités importantes » — comme du propane, des produits chimiques nécessaires pour le traitement de l’eau potable et des produits agricoles essentiels — sur ses voies ferroviaires en Ontario.

« On est […], depuis plusieurs jours, en train de travailler avec CN et les autres transporteurs ferroviaires pour s’assurer qu’on puisse faire parvenir le plus de marchandises et de biens possibles. On est en train de regarder les alternatives et on peut assurer qu’il n’y a pas eu de pénurie jusqu’à présent », a déclaré M. Trudeau à son arrivée aux Communes, lundi après-midi.

L’opposition conservatrice lui reproche de ne pas avoir démontré assez de fermeté depuis le début de cette affaire. Andrew Scheer veut même voir dans la décision de la compagnie Teck Resources d’annuler son projet d’exploitation de sables bitumineux, en Alberta, « la conséquence directe du faible leadership de Justin Trudeau » face aux barricades sur les voies ferrées.

« Est-ce que le premier ministre reconnaît, avec ce qu’on voit aujourd’hui, qu’il a peut-être empiré et prolongé la crise », a lancé, durant la période des questions, Yves-François Blanchet. Le chef du Bloc québécois estime que l’intervention policière dans la région de Belleville était prématurée.

Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, lui, a interpellé M. Trudeau en Chambre pour lui demander pourquoi il ne s’est pas employé à « réduire les tensions ».

« Malheureusement, quand on a vu que les négociations n’étaient pas en train d’être faites de bonne foi, il a fallu changer de posture », lui a répondu le premier ministre.

Alors qu’en Ontario, la police est intervenue, le premier ministre du Québec avait du mal à cacher son exaspération.

De passage dans sa circonscription de L’Assomption, François Legault a une fois de plus demandé à ce que les barricades sur les voies ferrées soient démantelées. « Ça dure depuis 19 jours. Je pense que les Québécois ont assez souffert », a-t-il déclaré.

M. Legault dit qu’il fait « confiance aux policiers pour agir en temps et lieu ».