(Québec) Le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) se tiendra à l’écart du débat sur le choix du mode de scrutin et formulera plutôt une série de recommandations très techniques pour parvenir à déployer un tel chantier du système électoral québécois. C’est ce qui ressort du mémoire qu’Élections Québec soumettra mercredi en commission parlementaire sur le projet de loi 39, que La Presse a pu consulter.

Plus aux régions, moins à Montréal

Le DGEQ s’abstient de critiquer le choix du mode de scrutin proposé par le gouvernement, mais note que le mécanisme de répartition « a tendance à allouer un nombre de sièges plus élevé aux régions peu populeuses par rapport à leur poids électoral ». Ainsi, des régions comme la Côte-Nord et l’Abitibi-Témiscamingue obtiennent un siège de plus que leur poids électoral, alors que Montréal en perd trois et la Montérégie, deux. La réforme proposée par le gouvernement Legault prévoit une répartition des 125 sièges actuels de l’Assemblée nationale en 80 sièges de circonscription (uninominal à un tour) et 45 sièges de région (distribués selon les résultats par formation). Ces places seront réparties en 17 régions électorales calquées sur les 17 régions administratives.

Deux bulletins de vote

Si la réforme du mode de scrutin se réalise, les électeurs feront leur « X » sur deux bulletins de vote séparés le soir des élections générales d’octobre 2026. On votera pour un candidat sur le bulletin de « circonscription électorale » et pour une formation politique sur le bulletin de « région électorale ». Cela peut paraître anodin, mais le DGEQ devra donc imprimer deux fois plus de bulletins de vote. Le projet de loi 39 « ne s’accompagne pas d’une période plus longue pour réaliser cette impression, note-t-il, ce qui peut causer un risque » pour la livraison des bulletins de vote à temps. Il suggère que la période pour le dépôt des candidatures se termine deux jours plus tôt.

Flexibilité pour informer

Le DGEQ souligne dans son mémoire que la réforme anticipée « implique plusieurs changements importants » et qu’il devra « prendre soin » de les communiquer adéquatement. Selon lui, la Loi électorale actuelle ainsi que les changements prévus dans le projet de loi 39 « ne sont pas suffisants pour lui permettre de remplir adéquatement son rôle en matière d’information ». Il réclame « une plus grande latitude » en proposant que les moyens de communication à sa disposition ne soient plus précisés dans la loi, ce qui lui offrirait davantage de flexibilité. Selon lui, la loi actuelle l’empêche « de suivre l’évolution normale » des moyens de communication.

« Vitrine d'information »

Dans la même veine, le DGEQ recommande de modifier la Loi électorale pour permettre la création d’une « vitrine d’information » en ligne qui réunirait, en un seul lieu, les candidats, leurs priorités et leur programme électoral. Les candidats de partout au Québec pourraient présenter un texte, qu’ils rédigeraient eux-mêmes, ainsi qu’une photographie pour mieux se faire connaître des électeurs. Un sondage commandé par le DGEQ après les élections de 2018 révèle que 37 % des électeurs admissibles qui ont fait le choix de ne pas voter au dernier scrutin provincial ont évoqué le manque d’information pour expliquer leur décision.

On se couchera tard !

Dans le contexte de la réforme du mode de scrutin, le DGEQ prévoit des « activités de dépouillement plus complexes » qui nécessiteront plus de temps. Ainsi, il faudra attendre plus longtemps avant de connaître le nom de tous les candidats qui siégeront à l’Assemblée nationale. On pourrait même aller au lit sans savoir le nom de ceux qui occuperont les sièges de région. Ces derniers sièges dits de « compensation » sont distribués selon un calcul assez complexe qui tient compte notamment des résultats finaux obtenus dans les circonscriptions d’une région. Une demande de dépouillement judiciaire pourrait par exemple ralentir la proclamation de ces élus.

Le DGEQ réclame une modification à la loi pour autoriser – sans le recours à une décision spéciale – le dépouillement des votes par anticipation dès 18 h.

Embauche dès 16 ans

C’est déjà un défi bien connu pour le DGEQ que de pourvoir les quelque 55 000 postes de personnel électoral nécessaires « à l’administration du vote », souvent dans des délais brefs et dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre. La réforme viendra « complexifier la tâche du personnel » et la « journée de travail sera aussi plus longue », et donc augmentera les « défis liés au recrutement », prévient le DGEQ. Il réclame, entre autres, une modification à la loi pour permettre l’embauche d’employés âgés de 16 ans, comme il est permis de le faire lors d’élections municipales. Pour l’heure, le personnel d’élections provinciales au Québec doit avoir « la qualité d’électeur », c’est-à-dire être majeur.

Élections et référendum

Bien que l’idée de tenir un référendum sur la réforme du mode de scrutin le même jour que les prochaines élections générales, le 3 octobre 2022, en chicote plusieurs, le DGEQ affirme que la tenue de scrutins simultanés « ne pose pas d’enjeux majeurs d’application ». Reste que de conjuguer les deux votes « posera un défi additionnel en matière d’information » aux électeurs. « Les expériences canadiennes démontrent que la campagne référendaire sur la réforme du mode de scrutin tend à être éclipsée dans le débat public par la campagne électorale et ses enjeux », souligne-t-il. Mais il ajoute que le fait que la période référendaire débuterait plusieurs semaines avant celle électorale « est susceptible de favoriser » la connaissance des enjeux de la réforme. Le projet de loi 39 devra être adopté et sanctionné par le gouvernement au plus tard le 1er février 2021, prévient le DGEQ, pour être en mesure de déployer la tenue d’un référendum d’ici deux ans.