C’est du jamais-vu à l’Assemblée nationale : tous les partis rivalisent désormais pour occuper le terrain de l’environnement. Pendant que le gouvernement Legault négocie un virage vert, les aspirants chefs du Parti libéral et du Parti québécois, tout comme Québec solidaire, en font un enjeu prioritaire. Mais ce n’est pas le seul dossier qui marquera la session parlementaire à compter de mardi. Aperçu.

« L’année de l’environnement »

Le premier ministre François Legault veut faire de 2020 « l’année de l’environnement » pour son gouvernement. Tout un virage pour un parti qui avait à peu près ignoré ce thème en campagne électorale. L’élargissement de la consigne, annoncé la semaine dernière, n’est que le début d’une série d’initiatives. Le ministre Benoit Charette s’attaquera à la collecte sélective pour répondre à la crise du recyclage, puis à la valorisation des matières organiques, comme la biométhanisation, et enfin au plastique. Une pièce maîtresse est très attendue : le nouveau plan de lutte contre les changements climatiques. Le gouvernement mise surtout sur les transports collectifs. Des projets de tramway ou de train électrique sont dans ses cartons — pour le boulevard Taschereau à Longueuil, la Rive-Sud, l’est de Montréal, la couronne nord et Gatineau.

Chefs recherchés

L’environnement s’imposera aussi dans les courses à la direction du Parti libéral et du Parti québécois. Chez les libéraux, Dominique Anglade et Alexandre Cusson se sont dits prêts à faire de la protection de l’environnement la neuvième valeur libérale. Mme Anglade a promis un « nouveau pacte économique sur le climat », alors que son adversaire fait de la « transition énergétique » une priorité. Au PQ, Sylvain Gaudreault et Paul St-Pierre Plamondon veulent conjuguer la souveraineté et l’environnement. Bien que les deux formations soient à la recherche d’un nouveau chef, on assure qu’elles n’offriront pas de « partie gratuite » au gouvernement. De son côté, Québec solidaire réclame que François Legault augmente ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre pour 2030 en les faisant passer de 37,5 % (cible fixée par Québec) à 45 % (la cible minimale fixée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). La formation somme également François Legault d’abandonner les projets de GNL Québec et du troisième lien.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre de la Santé, Danielle McCann

Santé : priorité à la première ligne

Après avoir conclu avec les médecins spécialistes une entente qui ne respecte pas sa promesse électorale, le gouvernement Legault négocie maintenant avec les médecins de famille. Il n’est pas question de réduire leur rémunération, mais plutôt d’en revoir le mode. Ils seraient payés pour la prise en charge d’un certain nombre de patients, donc par capitation, plutôt qu’à l’acte. La ministre de la Santé, Danielle McCann, doit également faire avancer ses projets de loi donnant plus de pouvoirs aux pharmaciens et aux infirmières praticiennes spécialisées. Toutes ces mesures seraient susceptibles de désengorger les urgences. La Coalition avenir Québec a promis en campagne électorale de réduire à 90 minutes le temps d’attente pour voir un médecin aux urgences. Or, le délai est autour de 2 heures 30 minutes et n’a pas bougé depuis les élections.

Éducation : vers un bâillon ?

Assistera-t-on à un quatrième bâillon du gouvernement Legault en un an et demi de pouvoir ? En 2019, il a suspendu les règles normales de procédure à l’Assemblée nationale pour faire adopter à toute vapeur trois lois : sur l’immigration, la laïcité de l’État et les tarifs d’Hydro-Québec. Cette fois, il a du fil à retordre avec l’opposition concernant le projet de loi qui abolit les élections scolaires et transforme les commissions scolaires en centres de services aux écoles. Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a brandi la menace d’un bâillon la semaine dernière, rappelant qu’il souhaite que la nouvelle gouvernance du réseau scolaire soit opérationnelle dès le 1er juillet, donc que les membres des conseils d’administration des centres de services soient nommés et formés à cette date.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre de la Justice, Sonia LeBel

Plusieurs fers au feu pour LeBel

La ministre de la Justice, Sonia LeBel, va poursuivre ses consultations sur la réforme du mode de scrutin, mais elle a bien d’autres fers au feu. Elle doit déposer quelques projets de loi au cours de la session. Elle dépoussiérera les lois sur la protection des données personnelles dans les secteurs privé et public. Elle abolira le délai de prescription pour les agressions sexuelles. Elle compte également réformer le droit de la famille afin de revoir le régime des conjoints de fait, un dossier laissé de côté par le gouvernement Couillard malgré le dépôt en 2015 du rapport d’un comité présidé par le professeur Alain Roy. Un autre projet de loi est attendu pour reconnaître et encadrer le recours aux mères porteuses.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Simon Jolin-Barrette

Jolin-Barrette 2.0

Le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, tire des leçons de la controverse sur la réforme avortée du Programme de l’expérience québécoise. Une affaire qui avait amené François Legault à déclarer à Infoman que son « robot » était « cassé »… Cette fois, il prendra le temps de mener des consultations avant de proposer une nouvelle mouture. Il n’y aura pas d’empressement sur le front linguistique non plus. Le ministre responsable de la langue française consultera d’abord avant de rouvrir la loi 101. Simon Jolin-Barrette a un autre chapeau : celui de leader parlementaire. À ce titre, il prépare une réforme parlementaire, une révision du fonctionnement de l’Assemblée nationale.

Question d’argent

Le ministre des Finances, Eric Girard, laisse entrevoir des surplus plus importants que prévu. Avec une croissance économique légèrement supérieure aux prévisions, « ça pourrait donner un petit peu de marge » pour le budget de mars, disait-il récemment à La Presse. François Legault a prévenu qu’aucune baisse d’impôt n’est envisagée. Les coffres bien garnis de l’État gonflent les attentes des syndicats du demi-million de travailleurs de l’État, dont les conventions se terminent le 31 mars. Les négociations sont au point mort. Le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, a proposé de créer trois forums de discussion, une idée que les syndicats ont aussitôt rejetée. Il offre des augmentations salariales de 7 % en cinq ans, inférieures au taux d’inflation. Il n’y a pas de front commun syndical à ce jour : la FTQ réclame 4,1 % par année, contre 7,2 % pour la FIQ et l’APTS, pour une période de trois ans, par exemple.

Pesticides : un rapport sans recommandations

Tout porte à croire que la commission parlementaire sur les pesticides, réclamée dans la foulée de l’affaire Louis Robert, se soldera par un rapport sans recommandations, au grand dam des partis de l’opposition. La commission a reçu pas moins de 76 mémoires dans lesquels plus de 700 recommandations ont été proposées par les intervenants. La commission sur les pesticides ne serait pas la seule à aboutir à de simples « observations » plutôt que des recommandations. Le député péquiste Harold LeBel déplore que la commission sur l’avenir des médias d’information subisse le même sort. Il en sera de même pour celle sur la fuite de données personnelles chez Desjardins.