(Ottawa) Certains ont vu son saut en politique fédérale avec les libéraux fédéraux comme une sorte de trahison. D’autres encore ont décrié le fait que Justin Trudeau ne l’a pas nommé au ministère de l’Environnement. Devant ces critiques, Steven Guilbeault reste calme et affirme qu’il conserve toute son influence, même au ministère du Patrimoine.

D’abord, souligne-t-il en entrevue avec La Presse, il est à la table du Cabinet et il est membre du Comité du Cabinet chargé de l’économie et de l’environnement. Ensuite, lui et le ministre de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, se parlent fréquemment. Et surtout, Justin Trudeau a affirmé que sa présence allait contribuer à aiguiser davantage le réflexe environnemental de son gouvernement.

« Le premier ministre m’a demandé de continuer d’être une voix forte sur les questions environnementales au Cabinet, dit-il. Il l’a dit publiquement. Ce n’est pas un secret d’État. Il est là, mon rôle, et collaborer aussi. »

« Je parle à Jonathan Wilkinson tous les deux ou trois jours. Il m’a appelé juste avant de prendre l’avion pour participer à la COP25. Je lui ai donné quelques conseils », soutient-il, rappelant qu’il a participé à une vingtaine de ces rencontres internationales.

L’environnement, ce n’est pas l’affaire d’une personne. Quand j’étais écolo, je disais qu’il ne fallait pas que l’environnement soit juste l’affaire du ministre de l’Environnement. Il faut que ce soit l’affaire du gouvernement dans son ensemble.

Steven Guilbeault, ministre du Patrimoine canadien

« À nous de prouver que c’est une priorité gouvernementale et que peut-être le ministre du Patrimoine a un rôle à jouer aussi, tout comme le ministre des Finances, par exemple, ou encore le ministre de l’Innovation, le ministre des Affaires étrangères aussi », poursuit-il.

Quant au projet d’expansion du pipeline Trans Mountain, qui a été acheté par le gouvernement Trudeau pour la somme de 4,5 milliards l’an dernier, le ministre Guilbeault répète qu’il ne s’est pas lancé en politique à Ottawa pour « réécrire l’histoire ». Cela dit, il votera volontiers pour sa privatisation, si ce dossier revient devant le Cabinet.

Steven Guilbeault comprend la déception des uns, mais s’explique mal la colère des autres. D’emblée, il affirme que s’il a décidé de faire le saut en politique, c’est qu’il voyait là une façon d’essayer « de changer les choses autrement ».

« On a besoin de groupes de pression. Je pense que c’est nécessaire. J’ai été ce manifestant-là. Mon passage en politique n’est pas un jugement pour dire que ça ne marche pas et que je vais faire autre chose qui va marcher mieux. Pour moi, c’est une décision personnelle. J’ai fait cela pendant 25 ans. Et là, je veux essayer de changer les choses autrement. Mais je continue d’avoir beaucoup de respect [pour les militants]. J’ai plein d’amis qui sont demeurés militants », affirme-t-il, disant ne regretter aucunement sa décision.

Toujours écolo

Même s’il a dû renouveler quelque peu sa garde-robe et sa collection de cravates depuis qu’il a été nommé ministre du Patrimoine, le 21 novembre, Steven Guilbeault demeure un écolo dans l’âme.

Quand il est à Montréal, il se déplace le plus souvent possible en enfourchant son vélo. Récemment, il a causé toute une surprise au sein de l’équipe de fonctionnaires de son ministère quand il a quitté sa maison sur deux roues pour se rendre à son bureau ministériel de la métropole, dans le Vieux-Montréal.

À l’instar de ses collègues du Cabinet, il a bel et bien droit à une voiture de fonction. Mais il l’utilise le moins souvent possible, sauf quand il doit se rendre à la Chambre des communes pour assister à la période des questions ou pour voter.

« Je pense qu’ils n’avaient pas vu cela souvent, un ministre qui arrive à vélo ! Ils vont s’y habituer, je pense », laisse tomber Steven Guilbeault dans un éclat de rire.

Je n’ai pas de vélo encore ici [à Gatineau]. Je vais me trouver un vélo, c’est sûr. Mais à Montréal, le plus souvent possible, je voyage encore à vélo. […] J’étais messager à vélo quand j’étais à l’université. J’ai payé mon université en pédalant dans les rues de Montréal pendant cinq ans.

Steven Guilbeault

Son attachée de presse souligne qu’il est aussi ministre responsable du Sport amateur. « Il faut bien prêcher par l’exemple », dit le principal intéressé.

Quant au trajet Montréal-Ottawa, il opte pour le train. Il lui arrive d’ailleurs de rencontrer son collègue ministre des Transports, Marc Garneau, « un fan du train », durant le voyage.

Comment Steven Guilbeault le militant écologiste de longue date réussit-il à mettre son chapeau de ministre du Patrimoine ? Assez bien, confie-t-il, sa longue carrière de militantisme l’ayant bien préparé à affronter les questions pointues des journalistes et à répondre aux critiques des uns et des autres.

Mais il avoue aussi qu’il est encore sous le choc en voyant la plaque fixée à la porte de son bureau sur laquelle figure son nom. Idem pour sa grande photo encadrée qui jouxte celle du premier ministre Justin Trudeau dans le hall du 15e étage du Ministère. « Et tout le monde t’appelle “ministre”. Vraiment, c’est un choc ! Je ne m’y habitue pas encore et j’espère ne jamais m’y habituer non plus. »

Pourquoi ? « Je pense que tu peux perdre un peu la connexion. Ce n’est pas tout le monde dans la vie qui se fait traiter comme cela aux petits oignons tout le temps. Je veux rester le Steven Guilbeault que tout le monde connaît », répond-il.