(Ottawa) Le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, refuse de dire ce que Washington a répondu lorsque le gouvernement canadien lui a demandé de ne pas signer un accord commercial avec la Chine avant la libération des deux Canadiens détenus dans ce pays.

Vendredi, lors d’une entrevue avec La Presse canadienne, le ministre Champagne n’a pas voulu s’avancer sur les jeux de coulisses entourant le sort de l’homme d’affaires Michael Spavor et de l’ancien diplomate Michael Kovrig.

« Il y a beaucoup de choses qui se passent, mais vous comprendrez que dans l’intérêt des deux Michael, ce ne serait pas dans leur intérêt pour moi d’entrer dans tous les détails de ce qu’on est en train de faire », a-t-il affirmé.

La veille, dans une entrevue au réseau TVA, Justin Trudeau a révélé qu’il a demandé aux États-Unis de ne pas finaliser un accord commercial avec la Chine tant que les deux Canadiens seront détenus par les autorités chinoises.

Son ministre préfère rester beaucoup plus discret.

« Notre obligation solennelle, c’est d’utiliser tous les moyens, de prendre tous les forums, toutes les tribunes qui nous sont donnés pour demander la libération immédiate des deux Michael et c’est ce que le premier ministre a fait hier », a-t-il argué.

Quitte à demander à nos voisins américains de refuser de signer un accord commercial ? « Je ne pourrais pas rentrer dans les détails des discussions qu’on a eues avec nos homologues américains », a-t-il fini par laisser tomber.

La Chine, elle, a tourné en dérision les commentaires de M. Trudeau. Un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, cité dans un article du Globe and Mail, a déclaré que cette demande du Canada était « vouée à l’échec ».

Ce porte-parole suggère qu’une entente commerciale sera bénéfique pour les deux grandes puissances mondiales et que le président Trump va sans aucun doute donner la priorité aux bénéfices économiques de son propre pays.

Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine, estime que la virulence de la réaction de Pékin prouve qu’il y a une réelle inquiétude que le président Trump acquiesce à la demande de M. Trudeau.

« Les Chinois pensent que Trump a davantage besoin d’une entente qu’eux, mais ils en ont besoin eux aussi », explique-t-il.

La Chine réclame toujours la libération d’une dirigeante de Huawei, Meng Wanzhou, qui a été arrêtée à Vancouver en décembre 2018. Les deux Canadiens ont été arrêtés en Chine quelques jours après Mme Meng pour des raisons considérées comme arbitraires selon Ottawa.

Lors d’une entrevue avec La Presse canadienne, plus tôt cette semaine, M. Trudeau a réaffirmé que la détention de ces deux hommes est « au premier plan de la relation entre le Canada et la Chine ».

M. Champagne est entièrement d’accord. « Je peux vous dire : il n’y a pas un dossier de politique étrangère au Canada pour lequel on investit plus de temps, plus d’énergie, plus de moyens que la libération des deux Michael », a-t-il précisé.

Dans les derniers mois, le Canada a obtenu le soutien de nombreux pays alliés qui ont fait pression sur la Chine en soulevant le cas de MM. Spavor et Kovrig.

M. Saint-Jacques dit que cette offensive a « pris les Chinois par surprise » et ceux-ci ont compris que ça minait leur réputation à l’étranger.

Les deux Canadiens devraient savoir d’ici la mi-janvier 2020 s’ils seront soumis à un procès ou non. Il ne reste donc qu’une « petite porte de sortie » pour que Pékin libère les deux Canadiens, selon M. Saint-Jacques.

S’ils sont soumis à des procès, il y a « 99,9 % » de chances qu’ils soient reconnus coupables et soumis à des peines « très sévères », décrit l’ancien ambassadeur.

M. Champagne, pour sa part, reste confiant. Il dit qu’il y a un certain « momentum » dans ce dossier depuis la nomination du nouvel ambassadeur du Canada en Chine, Dominic Barton, et la sienne.

Dès son entrée en fonction, M. Champagne a contacté son homologue chinois pour parler de MM. Spavor et Kovrig. Les deux hommes ont discuté pendant une heure en marge d’une réunion du G20 au Japon.

M. Champagne dit aussi qu’il est en contact avec le nouvel ambassadeur du Canada en Chine tous les jours ou presque.

Affaires mondiales Canada a confirmé que les visites consulaires se poursuivent pour MM. Spavor et Kovrig. Les plus récentes visites ont eu lieu cette semaine.