(Montréal) Le nouvel ambassadeur chinois au Canada menace de « contre-mesures très fermes » si le Parlement adopte une motion visant à imposer des sanctions pour violations présumées des droits de la personne par la Chine à l’encontre des Ouïghours musulmans et des manifestants prodémocratie à Hong Kong.

La Chine a souvent mis en garde contre ce qu’elle considère être de l’ingérence étrangère dans ses affaires intérieures, mais l’ambassadeur Cong Peiwu a durci le ton jeudi à Montréal en affirmant qu’il y aurait des conséquences si le Parlement appuyait une motion devant être déposée au Sénat la semaine prochaine.

Le sénateur conservateur Leo Housakos a récemment annoncé que le sénateur Thanh Hai Ngo déposerait une motion demandant au gouvernement libéral de sanctionner des dirigeants chinois en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, aussi connue sous le nom de Loi Magnitski.

La loi, nommée en l’honneur de l’avocat moscovite Sergueï Magnitski, qui a été torturé et qui est mort dans une prison à Moscou après avoir découvert une fraude en Russie, vise les ressortissants étrangers « responsables de violations flagrantes des droits de la personne internationalement reconnus ».

À la suite d’un discours devant le Conseil des relations internationales de Montréal, M. Cong a déclaré que si le Sénat ou la Chambre des communes adoptait la motion, « il s’agirait immédiatement d’une violation très grave des affaires intérieures chinoises sous le prétexte des droits de la personne ou de la démocratie ».

Il a soutenu qu’il en résulterait « des contre-mesures très fermes ».

« Ce n’est pas dans l’intérêt du Canada, a-t-il ajouté. Nous espérons qu’ils vont arrêter ce genre d’activité dangereuse. »

Dans une déclaration transmise par courriel, le sénateur Housakos a indiqué que les commentaires de l’ambassadeur illustrent la raison pour laquelle sa motion est nécessaire.

« Le vrai danger est que plus nous les apaisons, plus on leur donne du courage, a-t-il déclaré. Il est temps que le Canada se tienne debout pour défendre nos valeurs. Soit nous sommes des défenseurs de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit, soit nous ne le sommes pas. »

Après son discours, M. Cong a qualifié de « fausses nouvelles » les informations publiées dans des médias du monde entier selon lesquelles la Chine détiendrait des centaines de milliers de musulmans sur le territoire du Xinjiang, la patrie des Ouïghours, dans des centres de rééducation idéologique et comportementale.

Le gouvernement chinois met en place des « mesures préventives de lutte contre le terrorisme » qui assurent la sécurité du pays, a-t-il dit. « Depuis trois ans (il n’y a eu) aucun incident terroriste violent », a-t-il affirmé.

Des documents secrets qui ont été coulés à un consortium d’agences de presse et qui ont été publiés le mois dernier ont révélé une stratégie du gouvernement chinois visant à interner des minorités ethniques afin de les endoctriner et à modifier la langue qu’ils parlent.

« Ils confirment qu’il s’agit d’une forme de génocide culturel, a tranché Adrian Zenz, l’un des principaux experts en matière de sécurité dans l’extrême ouest du Xinjiang, à l’Associated Press. Cela montre vraiment que depuis le début, le gouvernement chinois avait un plan. »

M. Cong a balayé ces informations du revers de la main et a lancé que « les faits parlent d’eux-mêmes ». Plus de 2,4 millions de touristes ont visité le Xinjiang l’an dernier, a-t-il déclaré. « Et ils ont beaucoup aimé. »

Le Congrès américain a approuvé mercredi par une écrasante majorité un projet de loi visant à dénoncer vigoureusement la répression des minorités ethniques musulmanes par Pékin, moins d’une semaine après la signature par le président Donald Trump d’une loi sur les droits de la personne à Hong Kong.

La loi sur la politique des droits de la personne des Ouïghours dénonce la détention d’environ un million de Ouïghours, de Kazakhs et d’autres personnes dans le Xinjiang, où vivent des groupes minoritaires à prédominance musulmane. Il faudrait que le Département d’État détermine si des responsables chinois répondent aux critères pour l’imposition de sanctions pour leur rôle dans la mise en œuvre de politiques oppressives.

Les relations entre le Canada et la Chine sont particulièrement tendues depuis le 1er décembre 2018, lorsque la GRC a arrêté Meng Wanzhou, une haute dirigeante de la société Huawei, à l’aéroport de Vancouver, à la demande des États-Unis.

Quelques jours plus tard, deux Canadiens — Michael Spavor et Michael Kovrig — ont été arrêtés en Chine pour de prétendues raisons de sécurité nationale, et les deux hommes sont encore détenus dans ce pays.