(Québec) « Joyeux Noël, M. Côté. On se reverra le 7 janvier ! » La formule de Beau Dommage va être recyclée par François Legault. Parce que la précipitation du ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, a mis subitement fin à la lune de miel entre la CAQ et les électeurs, le nouveau mot d’ordre est passé partout : prenons le temps nécessaire.

Une seule exception, le projet de loi 34, qui fera en sorte que l’examen, jusqu’ici annuel, par la Régie de l’énergie des demandes de hausse de tarifs d’Hydro-Québec se fera désormais tous les cinq ans. Un gel des tarifs d’un an doit s’appliquer dès janvier 2020. Le gouvernement tient à l’adoption de son projet de loi avant l’ajournement du 6 décembre, même au prix d’un bâillon parlementaire.

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Le gouvernement Legault reporte certains projets de réforme prévus pour la fin de 2019.

Pas de voie de passage sur cette question ; le projet de loi de Jonatan Julien occupait encore une bonne place dans la liste des questions des libéraux hier, à l’Assemblée nationale. La liste des groupes opposés au projet s’allonge de semaine en semaine, mais François Legault a un argument assez lourd : il a besoin du projet de loi pour retourner 500 millions de dollars aux abonnés.

Lors du dépôt de méga-projet de loi 40 sur l’abolition des commissions scolaires, fin octobre, du point de vue de ces organisations et des syndicats d’enseignants, le décor semblait dressé pour une adoption aux forceps de ces 320 articles. La Commission scolaire de Montréal et la Fédération autonome de l’enseignement réclamaient le prolongement des consultations, voulaient qu’on évite l’adoption par bâillon à l’Assemblée nationale.

Inquiet d’être taxé à nouveau d’empressement, le gouvernement va permettre que le projet de réforme glisse jusqu’à l’année prochaine. Le plan d’action du ministre Jean-François Roberge prévoyait une application en mars 2020. On pourra attendre le retour des députés, en février, pour en obtenir l’adoption.

En reportant son règlement sur le Programme de l’expérience québécoise, le ministre Simon Jolin-Barrette a parlé d’une suspension temporaire. Elle durera un bon moment, bien après la fin de l’année.

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Simon Jolin-Barrette, ministre de l’Immigration

De son ministère, des informations continuent de percoler sur la décision tout à fait étonnante du ministre de ne pas prépublier son règlement dans la Gazette officielle, une décision légale, mais sans précédent pour des modifications qui avaient des conséquences sociales. La détermination de l’avocat Jolin-Barrette était confortée par une nouvelle sous-ministre aussi avocate. Trop de droit tue le droit.

Deux réunions avec quelques groupes, l’une durant l’été, l’autre juste avant l’annonce, s’étaient limitées à de l’information sur une décision déjà prise. Un des invités aux deux réunions a résumé la situation ainsi : l’exemple parfait d’un gouvernement qui travaille sous le radar, craignant que l’opposition s’organise s’il travaillait à visière levée.

Une autre réforme promise par M. Jolin-Barrette prendra davantage de temps. La politique linguistique attendra 2020, c’est confirmé, et elle se soumettra au passage obligé d’une consultation en profondeur.

2020, « l’année de l’environnement »

Québec reporte aussi son projet de revue de la consigne. Le ministre Benoit Charette promettait que ce serait avant Noël. Il accusait le coup hier, expliquant qu’il faudrait attendre à l’an prochain parce qu’il voulait ajouter à la politique une revue du mécanisme de collecte sélective. 

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Benoit Charette, ministre de l’Environnement

À l’origine, M. Charette voulait régler le dossier des matières solides en 2019 pour s’attaquer à la pollution de l’air en 2020. Les stratèges à Québec plaident qu’avec les médecins spécialistes, les tarifs d’Hydro et les négociations du secteur public, l’assiette du gouvernement d’ici Noël est pleine. Aussi, 2020 sera « l’année de l’environnement » et on veut l’entamer avec ces annonces.

La ministre de la Santé, Danielle McCann, a les mains passablement pleines avec la réduction de l’attente dans les urgences, l’éradication de l’influenza et du « temps supplémentaire obligatoire ». Elle est sympathique à la proposition libérale sur l’encadrement du don d’organes – plus de 800 familles sont en attente. Hier, elle a souligné à l’Assemblée nationale qu’en cette matière, la « sensibilisation » de la population était aussi importante. Québec n’a pas davantage l’intention de jouer à nouveau, à court terme, dans la réglementation entourant l’usage du cannabis.

Le projet de refonte d’Investissement Québec était aussi une priorité du gouvernement Legault cet automne. Le projet de loi chemine, sans blocage en vue. Mais quels que soient les développements, le gouvernement n’a pas l’intention de recourir au bâillon pour en forcer l’adoption avant l’ajournement de décembre.