(Québec) En 13 mois d’exercice du pouvoir, le premier ministre François Legault n’a pas trouvé le temps de suivre une formation de deux heures sur le harcèlement sexuel et psychologique.

Cette formation, créée dans la foulée du mouvement planétaire #moiaussi, est pourtant obligatoire pour les 125 élus de l’Assemblée nationale, incluant le premier ministre.

Et il est loin d’être le seul à ne pas avoir à son actif ce passage obligé, car une forte proportion des parlementaires n’a toujours pas inscrit à son horaire cette séance d’information et de sensibilisation.

Il est d’ailleurs impossible de savoir exactement combien d’élus se conforment à la règle, car les chiffres compilés par La Presse canadienne mardi ne concordent pas avec les documents officiels.

Le rapport annuel de l’Assemblée nationale pour 2018-2019 — premier rapport produit sur le sujet — dénombre 55 députés de la présente législature ayant reçu la formation. Or, selon les données fournies par les quatre groupes parlementaires, on arrive plutôt à un total de 68 députés.

Avec ses 75 députés, le caucus de la Coalition avenir Québec (CAQ) compterait 29 élus l’ayant suivie (38%), contre 27 des 29 députés libéraux (93%), 8 sur 10 (80%) des députés solidaires, et 4 sur 9 (44%) des élus péquistes.

À ce jour, les élus ont pu participer à l’une des deux séances organisées en vue de sensibiliser les députés à ces questions et les inviter à les prendre au sérieux. La première a eu lieu en décembre, la seconde en mars. D’autres sont prévues en 2020, mais aucune date n’est encore fixée.

Comme tout autre milieu de travail, l’Assemblée nationale n’est pas à l’abri des diverses formes de harcèlement psychologique et sexuel. Qu’on se rappelle quelques cas récents : en 2017, deux candidats, un libéral et un caquiste, ont dû se retirer, lors de l’élection complémentaire dans Louis-Hébert, en raison d’allégations de harcèlement psychologique au travail.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Yves St-Denis

L’ex-député libéral d’Argenteuil, Yves St-Denis, a été reconnu coupable d’agression sexuelle. Des allégations d’inconduite sexuelle ont visé l’ex-ministre Pierre Paradis et écourté la carrière politique du député libéral Gerry Sklavounos.

Les parlementaires doivent désormais rendre des comptes sur les moyens entrepris en vue de prévenir ce genre de dérapages et de gérer les plaintes, s’il y a lieu.

Dans le gouvernement précédent, la députée libérale de Hull et vice-présidente de l’Assemblée nationale, Maryse Gaudreault, a présidé le groupe de travail chargé d’étudier cette question, qui lui tient particulièrement à cœur.

«J’aimerais bien que tout le monde ait la formation le plus rapidement possible », a commenté Mme Gaudreault, mardi, lors d’un entretien téléphonique.

Celle qui est toujours vice-présidente de l’Assemblée nationale dit se fier sur les whips des quatre groupes parlementaires pour s’assurer que tous les élus s’acquittent de leur obligation et acceptent d’accélérer la cadence.

«Je vais relancer le message auprès des whips», pour les sensibiliser «à l’importance» qu’ils doivent accorder à ce problème social trop souvent caché, voire toléré.

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Maryse Gaudreault

Le nombre de séances à inscrire au calendrier devrait donc augmenter en 2020, la prochaine devant normalement avoir lieu en février.

Il revient à l’ensemble des élus du Parlement «de donner l’exemple, de faire en sorte que notre environnement de travail soit exempt de toute forme de harcèlement et d’incivilité», rappelle la députée de Hull.

La formation de deux heures comporte un volet théorique et un autre axé sur les mises en situation.

Le personnel de cabinet et des bureaux de circonscription doit également suivre cette formation.

Au cabinet du whip en chef du gouvernement, Éric Lefebvre, on explique que vu le grand nombre de députés de la CAQ, on n’a pas le choix de procéder par petit groupe.

«L’arrivée massive de nos nouveaux députés nous obligeait à nous concentrer totalement au bon déroulement des travaux parlementaires», a indiqué un porte-parole du whip dans un courriel.

Son objectif : que tous les députés caquistes aient suivi la formation en février.

Il n’a pas donné suite à une demande d’entrevue.

Plaintes

Le rapport annuel indique que peu de cas ont été répertoriés durant l’année.

Au total, six femmes et un homme ont dit être victimes de harcèlement ou ont porté plainte au cours de l’année. Il s’agit de trois employés d’un député et de quatre membres du personnel administratif de l’Assemblée nationale. Aucun député n’a déposé de plainte. Il n’y a eu qu’une seule plainte formelle de harcèlement psychologique, aucune de harcèlement sexuel. La plupart des dossiers ont été classés.

La loi précise désormais que les gestes à caractère sexuel peuvent être considérés comme faisant partie des conduites vexatoires incluses dans la définition du harcèlement psychologique.

En 2015, Québec s’était doté d’une politique visant à prévenir et combattre les violences à caractère sexuel, mais elle ne prévoyait pas de reddition de comptes sur le traitement des plaintes et les mesures de prévention, telles les campagnes de sensibilisation et la formation des élus. Une modification est venue par la suite corriger cette situation à compter de la présente législature.