La colline d’Ottawa recommence à bourdonner d’activité : tandis que Justin Trudeau a les deux yeux rivés sur la transition, des recrues ont commencé à débarquer dans la capitale fédérale, histoire d’apprendre les rouages de la machine parlementaire.

Le premier ministre désigné s’est présenté hier matin à Rideau Hall, où il a signalé dans une audience avec la gouverneure générale du Canada, Julie Payette, son intention de former un gouvernement minoritaire.

Il le fera en s’appuyant sur les conseils de deux femmes qu’il a repêchées pour mener la transition : l’ancienne ministre libérale Anne McLellan et l’ambassadrice du Canada dans la République française, Isabelle Hudon.

La première est issue de l’Alberta, où les libéraux ont été rayés de la carte, et la seconde est originaire du Québec, où les velléités des troupes libérales de faire des gains ont été refroidies par la percée du Bloc québécois.

Depuis qu’il a été reporté au pouvoir, mais avec un mandat minoritaire, Justin Trudeau multiplie les coups de fil. Il a parlé à tous les premiers ministres, à de nombreux députés défaits le soir des élections ainsi qu’à Jean Chrétien, a-t-on précisé à son bureau.

Les échanges ont porté sur la façon dont les divers ordres de gouvernement peuvent « rendre la vie plus abordable pour les Canadiens, bâtir une classe moyenne plus forte et collaborer pour créer un pays plus uni », a déclaré sa porte-parole Chantal Gagnon.

Les libéraux n’ayant fait élire aucun député en Alberta et en Saskatchewan, le premier ministre désigné doit trouver une façon de s’assurer que ces provinces ne demeurent pas sans voix à Ottawa.

Il devra travailler à unir un pays divisé entre le mouvement « Wexit » [expression calquée sur « Brexit »] dans l’Ouest, la mainmise libérale en Ontario et la résurgence des bloquistes sur l’échiquier politique.

En coulisses, des libéraux arguent — et ce, depuis un bon moment — que Justin Trudeau doit s’entourer de proches conseillers provenant d’ailleurs que Toronto. L’emprise des Gerald Butts et Katie Telford faisait grincer des dents plusieurs députés et ministres.

On tient pour acquis que le premier, qui a démissionné dans la foulée de l’affaire SNC-Lavalin, mais a poussé à la roue pendant la campagne, ne sera pas de retour. Quant à la seconde, des rumeurs l’envoient comme ambassadrice à Washington.

Rentrée pour nouveaux députés

Le premier ministre désigné n’est pas le seul à avoir du pain sur la planche.

Dans une pièce de l’édifice Wellington, hier, une poignée de novices étaient sagement assis, munis d’un ordinateur, d’une tablette ou encore d’un calepin, dans une salle de comité transformée en salle de classe pour l’occasion, hier matin.

Sur les 338 candidats élus lundi dernier, 90 effectuent leurs premiers pas en politique fédérale. Huit sont de retour après avoir siégé antérieurement comme députés à la Chambre des communes.

C’est notamment le cas de la bloquiste Claude DeBellefeuille, qui prenait part hier à une séance d’orientation –, et ce, même si l’élue, qui a été nommée whip du caucus, connaît bien les rouages du Parlement, y ayant siégé entre 2006 et 2011.

De retour également : son collègue Stéphane Bergeron. « Ça me faisait un peu étrange de revenir ici aujourd’hui, pas seulement en tant que visiteur, mais en tant que député », a laissé tomber en mêlée de presse le vainqueur dans la circonscription de Montarville.

Celui qui a représenté le Bloc québécois aux Communes entre 1993 et 2005 n’est pas en terrain inconnu dans cette situation de gouvernement minoritaire, ayant connu celui du libéral Paul Martin.

À l’instar de son chef Yves-François Blanchet, l’ancien péquiste a exprimé le souhait que le Parlement canadien fonctionne, invitant ses collègues à « garder la tête froide » face à un gouvernement qui pourrait « préférer être battu et retourner en élections ».

Les séances d’orientation pour députés sont offertes par le personnel d’administration de la Chambre des communes. Les petits groupes sont composés d’élus de toutes les formations.

Le processus de prestation de serment des 338 députés de la Chambre doit se mettre en branle sous peu. Quant au Conseil des ministres, il prêtera serment le 20 novembre, a annoncé Justin Trudeau la semaine dernière.

Il reste à voir si les députés seront appelés à siéger d’ici à la fin de l’année.