(Québec) Les sondages au beau fixe pour la Coalition avenir Québec (CAQ) sont autant de nuages sombres au-dessus du Parti libéral du Québec (PLQ). Dans l’aile parlementaire, la morosité est prévisible, l’irritation à l’égard de la permanence l’est tout autant.

Quand ils se retrouvent entre eux, les libéraux grincent des dents. Première boulette : qui a décidé qu’il fallait se dépêcher de lancer le parti dans une course à la succession de Philippe Couillard ? À Sherbrooke, à la fin de novembre, ce sera le début officiel d’une course d’un maximum de sept mois, qui doit déboucher sur le choix d’un nouveau chef au printemps 2020. La direction du PLQ avait entériné le scénario privilégié par l’équipe du député de Pontiac, André Fortin. Or, ce dernier s’est désisté, à la surprise générale.

Pierre Arcand, chef intérimaire, répète à qui veut l’entendre que l’absence de course serait « une catastrophe » pour le PLQ. Pas de course, pas de débats en région, moins d’espace dans les médias, peu d’intérêt chez les membres – l’effectif est déjà à un creux historique.

Or, jusqu’ici, seule Dominique Anglade est sérieusement sur les rangs. Elle annonçait vendredi un nouvel appui, Jean Rousselle, député de Vimont. La direction du parti s’est déjà mise à l’heure de Dominique Anglade, indique-t-on – des employés de la permanence sont vus régulièrement aux évènements de l’ex-ministre de l’Économie.

Dans les renouvellements d’exécutifs des associations de circonscription, on retrouve toujours un représentant du camp Anglade, signe d’une connivence certaine entre la permanence et la candidate, observent les vétérans.

Mme Anglade risque fort d’être seule en piste. Gaétan Barrette laisse entendre qu’il considère se lancer dans la course. Il captive l’attention, s’amuse de l’intérêt que soulève sa candidature dans les médias ; en réalité, sa décision est prise, semble-t-il. Il annoncera après les élections fédérales qu’il ne sera pas candidat. Populaire auprès des libéraux, il est devenu un homme-orchestre pour son équipe à l’Assemblée nationale, mais n’aiderait pas la cote du PLQ auprès des électeurs.

Marwah Rizqy insiste : elle est toujours en réflexion. Mais les lieutenants qu’elle aurait pu avoir en matière d’organisation sont rentrés chez eux. Alexandre Bibeau, ancien de la permanence du PLQ, a pris ses distances, accaparé par son emploi. Bernard Gagné, organisateur de Sébastien Proulx, devenu orphelin, s’occupe davantage du sort des conservateurs dans la région de Québec. 

Mme Rizqy ne passe aucun coup de fil aux militants susceptibles de l’appuyer, même si on lui a maintes fois conseillé de le faire. Relancée, la députée de Saint-Laurent n’en démord pas : il y a suffisamment de temps, elle doit d’abord décider si elle fait le saut – l’organisation suivra. Rizqy souhaite ardemment se lancer en piste, mais sa léthargie côté organisation risque fort de lui couper les ailes. Monopolisée par son travail à l’Assemblée nationale, elle ne sort pas en région. La question du financement est aussi déterminante – une campagne coûte cher. Les candidats doivent donner 50 000 $ à la permanence pour soutenir les coûts de l’organisation, avant même de faire face aux dépenses suscitées par leur campagne.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La députée libérale, Dominique Anglade, et le chef intérimaire du PLQ, Pierre Arcand

À moins que, pour obtenir à tout prix une course, la permanence du PLQ décide de lui donner un coup de main, pour recueillir les signatures nécessaires en région, par exemple. Mme Rizqy annoncera sa décision au début de novembre.

Le courant passe bien mal entre la permanence et l’aile parlementaire.

Le choix de Véronyque Tremblay comme directrice générale après Sylvain Langis était une surprise pour de nombreux élus – Mme Tremblay, ex-ministre déléguée aux Transports, avait Véronique Normandin comme chef de cabinet. Cette dernière est passée chef de cabinet de Pierre Arcand. Les choses avaient mal commencé pour Mme Tremblay. Au début de l’été, elle avait présenté aux élus son « plan stratégique », une feuille de route bien théorique, un travail d’étudiant en administration, a confié un élu. La directrice s’adresse aux élus « avec des lignes de presse », chuchote-t-on.

Aucune critique n’a été entendue, mais bien des élus ont pris dès ce moment la mesure de la nouvelle direction. Pas d’enthousiasme non plus il y a deux semaines, quand, béni par la permanence, un comité dirigé par Yu Cai Tian, jeune militant, a proposé un système de scrutin « préférentiel », une réponse au projet de loi de la CAQ sur la proportionnelle. Ronald Poupart, ancien de l’époque Bourassa, tire les ficelles dans ce dossier, tout comme Michel Morin, ex-employé du Directeur général des élections. 

Le scrutin « préférentiel » est encore plus compliqué que la proposition du gouvernement, personne ne peut faire de simulations fiables. Mais la formule servira d’argument aux libéraux quand ils s’opposeront au projet de loi sur le nouveau mode de scrutin, explique-t-on sans détour à l’interne.

Mme Tremblay aurait aussi voulu être candidate dans la partielle de Jean-Talon, indique-t-on, mais cela n’a pas passé la rampe dans le caucus. Elle tenait à une candidature féminine, comme Gertrude Bourdon, ex-PDG du CHU de Québec, qui avait mordu la poussière à l’élection de 2018. 

Candidate de valeur, Mme Bourdon aimerait se présenter. Mais elle avait mené une bien mauvaise campagne, se souviennent surtout les députés, qui ont ainsi réservé un accueil glacial à l’idée d’un retour de la « PDG ».