Après un an au pouvoir, le gouvernement Legault imprime sa marque et laisse derrière lui un bilan. La Presse a invité quatre experts de la politique québécoise à l’analyser afin de déterminer ses bons coups et ses mauvais coups.

Thierry Giasson

PHOTO FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ LAVAL

Thierry Giasson, professeur au département de science politique de l’Université Laval, chercheur principal du Groupe de recherche en communication politique

Fonction : professeur au département de science politique de l’Université Laval, chercheur principal du Groupe de recherche en communication politique

Bon coup : la rétrogradation de MarieChantal Chassé

« C’était un message envoyé au caucus de la Coalition avenir Québec que la récréation était terminée et qu’il fallait passer aux choses sérieuses. Le gouvernement comprenait que la communication allait être un enjeu déterminant dans sa capacité à traverser son mandat et à livrer des politiques publiques qui ne génèrent pas toujours une adhésion complète dans la population. Cette [rétrogradation] envoyait aussi un message à la population, comme quoi l’environnement était un sujet pris au sérieux et qu’il fallait que le porte-parole du parti en la matière soit à la hauteur. »

Mauvais coup : les hésitations sur la réforme du mode de scrutin

« Le mauvais coup, il s’en vient. En octobre, quand la ministre de la Justice, qui est aussi responsable de la réforme électorale, présentera son projet de loi sur le mode de scrutin, elle dira qu’une réforme ne sera pas appliquée pour la prochaine élection et qu’il y aura un référendum pour obtenir l’assentiment de la population. C’est un mauvais coup, car ce sera la première fois à l’intérieur du mandat du gouvernement que François Legault ne remplit pas un engagement. Et ce n’est pas n’importe quel engagement ! C’est un engagement qu’il a pris avec d’autres partis politiques. »

Mireille Paquet


PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE CONCORDIA

Mireille Paquet, professeure au département de science politique de l’Université Concordia, chercheuse à la Chaire de recherche sur la politique d’immigration

Fonction : professeure au département de science politique de l’Université Concordia, chercheuse à la Chaire de recherche sur la politique d’immigration

Bon coup : de l’oxygène en francisation

« Un des bons coups du gouvernement est l’augmentation du financement pour les services de francisation et d’intégration, mais aussi l’ouverture de ces services à des clientèles qui n’étaient pas jusqu’à maintenant en mesure d’en bénéficier. C’est une politique généreuse qui augmente par le fait même le financement des organismes responsables d’aider à la francisation des immigrants. Au niveau de l’opinion publique, le gouvernement de la Coalition avenir Québec répond aussi à une préoccupation de ses électeurs, alors qu’il avait répété en campagne électorale vouloir mieux franciser l’immigration au Québec. »

Mauvais coup : des réformes trop rapides

« Toujours en immigration, un mauvais coup du gouvernement Legault est la rapidité avec laquelle il réforme le système d’immigration, notamment en ne traitant plus les dossiers de personnes qui avaient complété le processus dans l’ancien système. Cette façon de faire a créé beaucoup de frustrations auprès de certains immigrants, mais c’est aussi une décision que plusieurs personnes du milieu des affaires ou des employeurs peinent à comprendre dans le contexte de la pénurie de main-d’œuvre. Cela a aussi des conséquences pour le Québec, notamment au niveau de sa réputation. »

Stéphanie Yates


PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UQAM

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique de l’UQAM, titulaire adjointe de la Chaire de relations publiques et communications marketing

Fonction : professeure au département de communication sociale et publique de l’UQAM, titulaire adjointe de la Chaire de relations publiques et communications marketing

Bon coup : l’éducation dans son ensemble

« Ce qu’on voit, ce sont des engagements électoraux qui se concrétisent assez rapidement en éducation. On a observé des réinvestissements progressifs dans les services professionnels, notamment pour déceler les troubles d’apprentissage. Et puis, qu’on soit d’accord ou non avec les maternelles 4 ans, elles commencent à voir le jour. C’est sûr qu’il y a eu un peu de cafouillage en ce qui concerne les détails de leur implantation. Le dossier n’est pas parfait, mais c’est un changement majeur et ils ont fait des avancées. À ce stade-ci, on peut penser que le ministre Jean-François Roberge est dans l’ensemble un ministre fort qui connaît bien ses dossiers. »

Mauvais coup : l’environnement

« L’environnement est le maillon faible du gouvernement. On a senti au début du mandat une certaine ouverture, alors que François Legault acceptait de rencontrer Dominic Champagne du Pacte pour la transition. Mais cette rencontre n’a été suivie d’aucun geste fort. L’ancienne ministre MarieChantal Chassé a péniblement tenu le fort un moment, et il semble y avoir une déconnexion entre le gouvernement et la population face à l’urgence climatique. »

Luc Godbout


PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

Luc Godbout, professeur à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke, titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques

Fonction : professeur à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke, titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques

Bon coup : résister à la tentation des baisses d’impôt

« Malgré la bonne situation budgétaire, le ministère des Finances maintient le cap sur la mise en œuvre des promesses électorales plutôt que de se lancer tous azimuts dans des réductions généralisées de l’impôt. C’est sage, car une partie des surplus est liée à la conjoncture économique. Il faut résister à poser des gestes permanents alors qu’une partie des surplus n’est que temporaire. »

Mauvais coup : affaiblir la Régie de l’énergie

« La modification du rôle de la Régie de l’énergie risque de repolitiser les augmentations futures des tarifs d’électricité. En changeant son rôle, la Régie ne fera pas l’exercice d’estimer les hausses annuelles pour les cinq prochaines années. On ne saura jamais si les hausses décrétées par Québec auront été plus élevées que celles que la Régie aurait établies. »