(Québec) Le gouvernement Legault compte profiter des surplus importants pour remplir plusieurs promesses électorales dès cet automne, a appris notre chef de bureau à Québec. Sur la table, la fin de la contribution additionnelle modulée sur le revenu au service de garde, la bonification de l’allocation familiale et l’accélération de l’harmonisation des taxes scolaires.

Pas de baisse générale des impôts à l’horizon, mais les contribuables et les parents qui attendent un peu d’oxygène ont raison d’espérer : le gouvernement Legault compte utiliser au cours des prochains mois les surplus importants qu’il encaisse pour accélérer la réalisation des promesses électorales de la CAQ.

La synthèse de l’état des finances publiques, cet automne encore, sera l’occasion pour le ministre des Finances d’y aller de plusieurs annonces fiscales. Le point sur les finances publiques sera probablement rendu public début novembre, à temps pour que des mesures décidées puissent être appliquées dès janvier 2020.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Le gouvernement de François Legault compte profiter des surplus importants pour remplir plusieurs promesses électorales dès cet automne. Sur la photo, à l'arrière-plan, le ministre des Finances, Eric Girard.

« Les surplus appartiennent aux Québécois », a déjà dit publiquement François Legault, et non au gouvernement. L’argent sera retourné aux contribuables, mais l’aile économique du gouvernement se méfie des baisses générales des impôts, une mesure récurrente qui risque d’exercer une pression sur les finances publiques si le ralentissement, mille fois annoncé, se matérialise. Au lieu d’une baisse des tables d’impôts, on a opté pour l’accélération de la concrétisation des engagements pris par François Legault en campagne électorale.

La croissance robuste de l’économie a fait gonfler encore cette année les surplus du gouvernement (l’an passé, les surplus prévus de 2,5 milliards avaient atteint 4,4 milliards). La croissance prévue à 1,8 % au dernier budget atteint déjà 2,2 % pour 2019.

Trois avenues 

Le ministère des Finances n’a pas encore décidé quel levier il utilisera. Mais trois avenues sont envisageables. D’abord, Québec peut abolir plus vite que prévu la contribution additionnelle (modulée sur le revenu) pour la garde d’enfants, frais imposés sous le gouvernement Couillard. Le dernier budget retranchait 42 millions à cette facture aux parents. L’abolition complète (185 millions) était prévue pour 2023-2024.

Autre avenue considérée : accélérer l’uniformisation des taux de taxes scolaires. La mesure, progressive jusqu’ici, réduisait de 200 millions le fardeau des propriétaires pour l’année 2019-2020. La CAQ est moins qu’à mi-chemin de son engagement, qui portait sur l’ensemble du mandat.

Enfin, la CAQ s’était engagée à bonifier l’allocation famille. La synthèse du ministre des Finances Eric Girard, à l’automne 2018, a fait passer de 1235 $ à 1735 $ cette allocation pour les deuxième et troisième enfants. Le gouvernement a réalisé le quart de son engagement électoral pour la durée du mandat (plus de 700 millions). Là encore, la cible pourrait être devancée grâce aux surplus.

Un automne occupé pour Legault

Le premier ministre Legault sera affairé tout l’automne : il quitte le Québec pour le Nouveau-Brunswick pendant deux jours, où il participe à la 43e Conférence annuelle des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l’Est du Canada. L’Assemblée nationale reprend ses travaux le 17 septembre. Pour le moment, aucune mission à l’étranger n’est à l’agenda de François Legault. Début 2020, il se rendra à Davos, au Forum économique mondial, un passage habituel pour les premiers ministres du Québec.

Programmes de francisation

Le gouvernement Legault mettait cette semaine la question linguistique sous les projecteurs : le dossier jusque-là confié à Nathalie Roy est passé à Simon Jolin-Barrette. Ce dernier aimerait arriver aux Fêtes avec une politique pour rafraîchir les programmes de francisation. On vise du même coup une refonte des organismes encadrant la Charte de la langue française et la création d’un Commissaire à la langue française. Mais mercredi, François Legault refusait d’avancer un échéancier précis.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Il y aura sept mois demain que le directeur général de la Sûreté du Québec, Martin Prud’homme, a été relevé de ses fonctions, pour des raisons encore inconnues.

La question policière

Dans les médias, les commentaires se multiplient sur la pagaille qui règne dans les milieux policiers. L’annonce hier de la retraite imminente du directeur général par intérim de la Sûreté du Québec (SQ), Mario Bouchard, ajoute à l’impression d’improvisation. Il ne cachait pas qu’il n’aime pas ces responsabilités et que les lignes de communication avec la ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault ne sont pas évidentes. 

Il y aura sept mois demain que le directeur général, Martin Prud’homme, a été relevé de ses fonctions, pour des raisons encore inconnues. Au gouvernement, on aimerait beaucoup tirer un trait sur toute cette saga. On veut en finir avec l’opacité, les guerres internes entre factions de policiers et on envisage de plus en plus la nomination d’un civil pour diriger la police. Sous Lucien Bouchard, feu Guy Coulombe avait mis de l’ordre au 11e étage de Parthenais. Le gouvernement Legault cherche une autre perle rare, un civil pour la SQ, voire peut-être aussi pour l’UPAC.

Mode de scrutin

La Coalition avenir Québec s’était engagée à déposer un projet de loi sur la réforme du mode de scrutin d’ici octobre. Ce sera fait. Le cadre général a été communiqué aux députés caquistes avant l’été – la formule permettait à la CAQ d’espérer cinq ou six circonscriptions sur l’île de Montréal, au lieu de deux actuellement. Mais le caucus des députés est tenté de repousser la réforme au-delà des élections de 2022 – il en rediscutera dans une réunion d’avant-session à Rivière-du-Loup, la semaine prochaine.

François Legault va probablement saisir la perche d’une consultation générale, un référendum pour sonder la volonté de la population, en même temps que le prochain scrutin général. « Il n’y a rien de plus démocratique qu’un référendum », se prépare-t-on à répondre aux tenants, souvent véhéments, d’une réforme plus rapide. La CAQ ne fera pas campagne pour la réforme en 2022. Un tel projet avait été repoussé par les électeurs de l’Île-du-Prince-Édouard et ceux de la Colombie-Britannique.

Et les commissions scolaires ?

Autre promesse tirée du programme caquiste : la disparition des commissions scolaires, remplacées par des centres administratifs. Un projet de loi sera au menu de l’automne à l’Assemblée nationale. Un changement important : ce sera la fin des élections scolaires, des commissaires élus par la population.

Aide aux médias

Un programme général d’aide aux médias écrits, dont les revenus publicitaires se sont réduits comme peau de chagrin à cause des Facebook et Google, sera rendu public fin septembre ou début octobre. Le plan d’aide, qui coûtera probablement autour de 50 millions par année en fonds publics, ne fera pas gagner de points politiques au gouvernement. Québec sent l’urgence parce qu’il sait qu’aucun repreneur ne se manifestera pour Groupe Capitales Médias tant qu’il n’aura pas fait connaître les règles du jeu.

Négociations avec le secteur public

Le grand ballet des négociations entre le gouvernement et le secteur public débutera fin octobre avec le dépôt des demandes syndicales. Ici, le gouvernement se trouve devant deux défis. D’abord, il doit tempérer les attentes des centrales, qui salivent devant l’importance des surplus budgétaires. Mais surtout, Québec veut casser le carcan qui fait en sorte qu’en fin de course, on débouche sur des augmentations de salaire paramétriques pour l’ensemble des employés. On voudra favoriser certains groupes, des salariés modestes qui perdent au change quand les augmentations se chiffrent en pourcentage uniforme.

À la Santé, le libéral Gaétan Barrette avait voulu amener des offres sectorielles, mais il s’était heurté aux centrales. Cette fois, on voudra porter une attention particulière aux préposés en santé et aux enseignants.

Dossier des médecins spécialistes

François Legault avait promis de récupérer 1 milliard dans la rémunération des médecins spécialistes. L’affrontement n’est pas pour demain : le rapport de l’Institut canadien d’information sur la santé, qui servira de mise au jeu pour la négociation, est décalé vers la fin de l’année. On s’attend à ce que l’avantage des spécialistes québécois sur leurs collègues d’Ontario soit clairement moindre que le milliard évoqué. Québec brandira le spectre d’une loi spéciale, une simple mise en scène.

Pacte fiscal avec les municipalités

En campagne électorale, François Legault s’était engagé devant le monde municipal à ce qu’un gouvernement de la CAQ accorde aux villes l’équivalent de 1 point de pourcentage de la taxe de vente. Un pactole qui, selon la méthode utilisée, oscille entre 750 millions et 1 milliard par année. Une collision est à prévoir avec la renégociation du Pacte fiscal qui débutera cet automne : le monde municipal a compris qu’on ajouterait ce point de pourcentage aux transferts actuels. François Legault plaidera que les subventions existantes doivent entrer dans le calcul. En liant ces transferts à la taxe de vente, on les rend plus prévisibles, plaidera Québec.

New York, New York

Avant l’été, les déclarations du maire de New York avaient suscité bien de la fébrilité à Québec. On imaginait signer rapidement un ambitieux contrat d’exportation d’électricité. Or, il y a loin de la coupe aux lèvres. Les perspectives sont désormais moins claires. Idem pour l’Ontario, en qui on voyait un client naturel d’Hydro-Québec, qui doit pallier le vieillissement du parc de centrales nucléaires. Le gouvernement Ford a fermé la porte.