En confirmant la candidature de l’olympienne Sylvie Fréchette en vue des prochaines élections fédérales, le Parti conservateur ajoute à son équipe une cinquième personnalité issue du monde du sport. La notoriété des athlètes peut être payante, mais elle n’est pas une garantie de succès, prévient un expert.

De la piscine au Parlement

Double médaillée des Jeux olympiques de Barcelone puis d’Atlanta en nage synchronisée, et désormais entraîneuse de jeunes athlètes de niveau national, Sylvie Fréchette souhaite troquer la piscine pour le Parlement. La femme de 52 ans a confirmé hier qu’elle défendrait les couleurs du Parti conservateur du Canada (PCC) dans la circonscription de Rivière-du-Nord, dans les Laurentides. Dénonçant le « système des petits amis » du gouvernement Trudeau, elle a affirmé hier en entrevue qu’après avoir plusieurs fois décliné des propositions de différents partis politiques au cours des années, elle en était venue à la conclusion qu’en se « désengageant », elle n’allait « jamais changer les choses ».

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Le candidat conservateur Bernard Barré, vice-président du Groupe Yvon Michel, en compagnie du chef Andrew Scheer, lors d'une visite à l'Expo agricole de Saint-Hyacinthe, en juillet

Brochette de sportifs

Au PCC, Sylvie Fréchette rejoint une brochette de candidats issus, comme elle, des rangs sportifs. Au mois d’avril dernier, le parti annonçait que l’ex-hockeyeur Angelo Esposito tenterait sa chance dans Alfred-Pellan, à Laval. Quelques jours auparavant, c’est le multiple médaillé paralympique en natation Philippe Gagnon qui était investi dans Jonquière–Haut-Saguenay. Toujours au printemps, on a appris que Bernard Barré, vétéran du domaine de la boxe et vice-président du Groupe Yvon Michel (GYM), serait sur les rangs dans Saint-Hyacinthe–Bagot. Les troupes d’Andrew Scheer souhaitent résolument reproduire le succès obtenu avec Richard Martel, prolifique entraîneur dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), élu en 2018 dans Chicoutimi–Le Fjord.

Candidatures de choix

Lieutenant québécois du PCC, le député Alain Rayes affirme qu’il cherche avant tout à recruter des personnes d’horizons différents « dans lesquelles la population peut se reconnaître ». N’empêche, il ne cache pas que ces candidatures sportives sont attrayantes pour le parti. « C’est une image qui revient souvent, mais la politique et le sport se ressemblent, fait-il remarquer. Il y a la joute partisane, les gérants d’estrade, les médias. Ce sont des milieux de passion et de travail. Les sportifs sont des gens d’équipe, habitués à travailler ensemble pour atteindre un objectif commun. Ils savent ce que ça prend pour réussir. »

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Isabelle Charest

Formule éprouvée

À ce compte, les conservateurs n’ont rien inventé. La cycliste Lyne Bessette et le kayakiste Adam van Koeverden tenteront de se faire élire sous la bannière libérale en octobre. La patineuse de vitesse Isabelle Charest et le hockeyeur Enrico Ciccone ont tous les deux décroché un siège à l’Assemblée nationale aux dernières élections québécoises. Et on peut aussi penser à Ken Dryden, mythique gardien de but du Canadien qui a été député fédéral de 2004 à 2011. « C’est un classique », constate André Lamoureux, chargé de cours au département de sciences politiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Les sportifs sont la plupart du temps très largement connus du grand public, ajoute-t-il. Tout le monde les reconnaît instantanément. L’impact de masse est donc visé, c’est clair. »

La victoire comme atout

La candidature d’un athlète ou d’une personnalité sportive permet par ailleurs de recourir à toute la rhétorique de la victoire, de la compétitivité. Non seulement présente-t-on une figure connue, mais en outre on tente de faire élire une personne qui sait gagner. Le cas d’Angelo Esposito est particulièrement flagrant. Bien que cet ancien espoir n’ait jamais disputé un seul match dans la LNH, le parti souligne à gros traits sa victoire à la Coupe Memorial en 2006 ainsi que sa médaille d’or au Championnat du monde junior de 2009. « Une personne qui a remporté des médailles, c’est une personne qui a livré la marchandise. Ça ne veut pas dire que cette personne va être compétente en politique, mais on essaie d’utiliser à fond son image », souligne le politologue André Lamoureux.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Richard Martel, député conservateur et ex-entraîneur de la LHJMQ

La recette Richard Martel

Pour André Lamoureux, il ne fait pas de doute que le PCC veut tirer parti du succès de Richard Martel, l’entraîneur le plus victorieux de l’histoire de la LHJMQ. Son triomphe avec plus de la moitié des voix dans une partielle en 2018 a certes été attribuable à son incroyable notoriété – le candidat néo-démocrate l’avait décrit comme un « personnage plus grand que nature » –, mais le mécontentement envers le gouvernement Trudeau et la déroute du NPD avaient aussi pesé dans la balance. « Ça m’apparaît une évidence que les conservateurs vont essayer la même chose avec Sylvie Fréchette, mais rien n’est garanti dans son cas, estime André Lamoureux. Les conservateurs ont créé beaucoup d’insatisfaction au Québec en défendant le projet Énergie Est, et le Bloc fait une belle remontée. Ça va être compliqué. »

Défi de taille

De fait, pour son baptême politique, Sylvie Fréchette n’a pas choisi la voie facile. En se présentant dans Rivière-du-Nord, elle souhaite représenter une communauté qu’elle connaît bien – elle réside elle-même à Saint-Jérôme, où se trouve le club Neptune, qui l’emploie comme entraîneuse. Or, le Parti conservateur n’y possède aucun enracinement historique et n’y a même pas récolté 10 % des votes en 2015. De 2004 à 2019, la circonscription a été bloquiste, avec une parenthèse néo-démocrate après la vague orange de 2011. C’est Rhéal Fortin, du Bloc, qui en est le député sortant. Malgré tout, Sylvie Fréchette croit fermement en ses chances. « Mon attitude est la même que lorsque j’étais athlète : chaque compétition commence à zéro-zéro, dit-elle. Ce que je veux, c’est que ma circonscription aille bien. Alors que le meilleur gagne. »