(Ottawa) Une militante des droits des Noirs exhorte les partis politiques fédéraux à choisir plus de candidats noirs dans des circonscriptions gagnables afin d’accroître les chances d’une plus grande représentation de la communauté au sein du prochain Parlement.

Jusqu’à présent, moins de 20 candidats noirs ont été choisis, dont deux députés libéraux sortants, observe Velma Morgan, la présidente de Operation Black Vote Canada, un organisme multipartite qui vise à faire en sorte que davantage de Noirs soient élus à tous les ordres de gouvernement.

Il n’y a actuellement que sept députés noirs à la Chambre des communes : trois au Québec et en Ontario, et un en Colombie-Britannique.

« Six députés appartenant à un parti politique et une indépendante ne sont pas suffisants pour représenter notre voix de manière adéquate, soutient Mme Morgan. Nous devons pouvoir élire plus de Canadiens noirs. C’est pourquoi nous avons besoin d’un plus grand nombre de Canadiens noirs candidats. »

Le nombre de Noirs vivant au Canada a doublé de 1996 à 2016 pour atteindre 1,2 million, soit 3,5 %, selon Statistique Canada. Plus de 627 000 d’entre eux vivent en Ontario, 319 000 au Québec et 130 000 en Alberta.

Selon Greg Fergus, député libéral de la circonscription de Hull-Aylmer et président du caucus réunissant tous les parlementaires noirs fédéraux, le principal défi est d’inciter des Canadiens noirs ou issus d’autres ethnies de se porter candidats à un mandat électif.

La couleur de la peau ou le sexe d’un candidat n’influence pas ses chances de succès. « Le vrai problème est de passer au travers du processus de nomination », dit M. Fergus.

Trop souvent, la perception erronée selon laquelle un candidat de couleur est en quelque sorte inéligible empêche un Noir de remporter une investiture ou même de vouloir obtenir.

« Si on n’a pas d’antécédent de diversité dans les candidatures, certains pourraient penser que cette personne ne pourra pas gagner, explique le député. Mon argument est le suivant : non, présentez-vous. Les gens sont plus généreux si on leur donne une chance. Ne vous autocensurez pas ».

Les défis demeurent

En février, le président de la Chambre des communes Geoff Regan a dû présenter des excuses après un cas apparent de profilage racial lors d’une activité du Mois de l’histoire des Noirs visant à encourager davantage de voix noires en politique. Selon la Fédération des Canadiens noirs, plusieurs participants à l’événement avaient été décrits comme des « gens à peau foncée » et qu’on leur a demandé de quitter une cafétéria du Parlement.

Le Service de protection parlementaire avait également présenté des excuses et promis une enquête approfondie, ajoutant qu’il n’avait « aucune tolérance pour n’importe quelle sorte de discrimination ».

Quelques jours auparavant, M. Fergus avait déploré que les efforts du gouvernement fédéral pour s’attaquer aux problèmes systémiques touchant les Noirs canadiens semblaient stagner, un an après que le premier ministre Justin Trudeau eut affirmé qu’il était temps que les Canadiens reconnaissent que le racisme.

Manque d’informations

Mme Morgan, de son côté, travaille avec ses collègues pour inciter les Noirs à participer à la vie politique canadienne.

Selon elle, l’un des plus importants obstacles à surmonter est le manque d’accès à l’information. « Ils ne savent qu’ils peuvent faire partie d’une association de comté, qu’ils peuvent faire du bénévolat dans le cadre d’une campagne », dit-elle.

Operation Black Vote Canada organise des événements communautaires, des ateliers et de la formation pour informer la communauté sur le processus politique et les élections ainsi que pour mettre en valeur les candidats noirs.

Le conseil d’administration de Black Vote Canada comprend des membres de tout le spectre politique canadien, a-t-elle ajouté. « Nous ne disons pas à notre communauté pour qui voter. Nous voulons une représentation de chacun des partis politiques », assure-t-elle.

L’organisme doit effacer les stéréotypes sur les Noirs afin que les jeunes puissent voir des membres de leur communauté participer au gouvernement. « Tu ne peux pas être ce que tu ne peux pas voir”, constate Mme Morgan.

M. Fergus croit que tous ces efforts commencent à porter leurs fruits.

Il dit avoir remarqué que de plus en plus de Noirs s’impliquent dans la vie politique canadienne, à l’échelle locale, provinciale/territoriale et nationale. Il cite l’exemple d’une campagne de financement très réussie » visant la communauté noire par le club Laurier, un des principaux canaux du Parti libéral.

« Il y a une réelle prise de conscience que nous devons prendre notre place, fait-il valoir. Le premier parti à le comprendre aura vraiment une longueur d’avance. »