(Ottawa) L’environnement politique actuel, caractérisé par un fort stress, une implication élevée et des horaires de travail impitoyables, sera éventuellement fatal pour un élu, préviennent des députés.

Le leader parlementaire adjoint des libéraux, Kevin Lamoureux, se dit particulièrement préoccupé par les longs votes nocturnes, un des rares moyens que disposent les partis de l’opposition pour s’immiscer dans la capacité d’un gouvernement majoritaire à faire adopter un projet de loi.

Au cours de la dernière législature, les députés ont dû composer avec trois marathons de ce genre.

« Ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un en meurt, soutient M. Lamoureux. C’est fou et complètement irresponsable. »

M. Lamoureux a été un député pendant 25 des 29 dernières années, principalement à l’Assemblée législative du Manitoba. À l’exception des quatre dernières années, il a toujours siégé aux banquettes de l’opposition. Il dit bien connaître la frustration des partis d’opposition qui tentent d’empêcher un gouvernement majoritaire à faire adopter des projets de loi controversés, mais il rappelle qu’aucun autre lieu de travail ne tolérerait que l’on oblige les gens à rester éveillés aussi longtemps.

M. Lamoureux dit connaître au moins un député dont l’état de santé l’a empêché de participer aux séances de vote nocturnes. D’autres ont eu recours à des couches pour les aider à traverser ces séances.

Le député Tony Clement, qui a été expulsé du caucus conservateur après s’être fait prendre à envoyer des textos et des photos explicites de lui, l’automne dernier, affirme que personne ne sait mieux que lui en quoi les pressions de la vie politique peuvent contribuer à prendre de mauvaises décisions personnelles.

« Je sais que personne ne va sortir les mouchoirs pour les politiciens, reconnaît M. Clement. Mais un jour, il y en a un qui va se suicider. Les gens meurent avant leur temps. D’autres vont commettre des erreurs horribles et je peux évidemment en parler en toute connaissance de cause. »

Pour lui, c’est beaucoup plus qu’un vote au jour le jour. Il s’agit du « harcèlement et du jugement en ligne quasi constants », des heures de travail ininterrompues, des déplacements constants, des décisions très stressantes et de l’anxiété suscitée par la connaissance de la fragilité de votre travail.

Il mentionne une récente enquête du British Medical Journal auprès de députés britanniques. Plus du tiers d’entre eux souffraient d’au moins un problème de santé mentale, contre environ un quart de la population britannique dans son ensemble. Les maux les plus courants étaient l’anxiété et la dépression. M. Clement croit qu’une enquête menée auprès des députés canadiens obtiendrait des résultats similaires.

Les deux élus estiment que les partis d’opposition devraient disposer de nouveaux outils pour protester si les votes nocturnes deviennent interdits.

En mars, les députés fédéraux ont dû siéger pendant plus de 30 heures consécutives pour se prononcer sur les 257 résolutions présentées par l’opposition. Les conservateurs voulaient ainsi protester contre la décision du gouvernement fédéral de poursuivre l’enquête parlementaire sur l’affaire SNC-Lavalin.

M. Lamoureux propose que le gouvernement soit forcé à présenter un projet de loi dans les délais impartis pour ménager un minimum de temps de débat, et donner aux partis de l’opposition le moyen de retarder les projets de loi pendant une certaine période.

Le député libéral Nathaniel Erskine-Smith, qui a un jeune enfant, affirme que les votes se déroulant en soirée posent également un problème. Selon lui, déplacer ces votes pendant le jour contribuerait à encourager un meilleur équilibre tout en encourageant plus de jeunes à se faire élire.