(Ottawa) La députée néo-démocrate sortante de Salaberry-Suroît, Anne Minh-Thu Quach, a décidé de ne pas se représenter aux prochaines élections quand elle a su qu’elle était enceinte d’un deuxième enfant.

Elle avait passé la dernière campagne électorale, en 2015, à tenter de jongler avec sa réélection et sa petite Mila, qui n’avait qu’un an à l’époque. Elle se réveillait la nuit plusieurs fois pour l’allaiter et la faisait garder le jour pendant qu’elle allait faire du porte-à-porte et serrer des mains.

« Je voulais tellement être présente et être disponible pour les gens que j’avais fait garder la petite pendant toute la campagne au complet. Au point où, quand la campagne était finie, quand on allait chez mes parents, elle faisait une crise parce qu’elle pensait qu’elle allait se faire garder encore », se souvient-elle.

Encore aujourd’hui, la maman ressent de la culpabilité quand elle se rappelle de l’angoisse vécue par sa petite. Si c’était à refaire, elle se dit qu’elle aurait transporté sa petite en porte-bébé, qu’elle aurait dû passer plus de temps à faire campagne avec elle.

Son retour au Parlement avec une jeune enfant n’a pas été tellement plus facile, même si elle habite à « juste » deux heures de route d’Ottawa.

« En 2016, je trouvais que la politique était plate. Il n’y avait rien qui me tentait. Si j’avais pu me faire remplacer et qu’il n’y avait eu aucune conséquence pour mon comté, j’aurais tout laissé ça à quelqu’un d’autre. J’avais le goût de rien. C’est après coup que je me suis rendu compte que ce n’était pas moi. »

Souffrait-elle d’épuisement professionnel ? D’une dépression ? Difficile à savoir, mais sa détresse était visible.

« J’ai perdu mes cheveux. À un moment donné, je saignais du nez, jusqu’à ce qu’une députée me dise : “coudonc, fais-tu de la coke ?” J’ai dit : “ben non, pourquoi ?” “ben, tu saignes du nez.” »

Pourtant, elle dit qu’elle adore son travail de députée de terrain, entendre les préoccupations de ses concitoyens. « Ça fait partie de ce que j’aime le plus au monde, parler aux gens. Mais à un moment donné, tu te dis : “je ne dors plus”. Et tu ne le vois pas tout de suite, mais les autres le voient. »

Elle estime avoir eu de la chance d’avoir un conjoint qui a décidé d’être père au foyer, mais elle se sentait mal. Mal d’être là « à moitié » pour sa fille et de ne pas être capable d’être aussi présente qu’avant pour les quelque 30 municipalités et 400 organismes communautaires de sa circonscription.

« Ça prend du temps avant de te rendre compte que tu es au bout du rouleau, que ton rythme de vie n’est pas sain, que tu ne prends pas soin ni de ta santé, ni de celle de ta famille. Quand ça frappe, il n’est pas trop tard, mais il est un peu tard », admet-elle aujourd’hui.

La Chambre des communes s’est adaptée pour améliorer la conciliation travail-famille dans la dernière législature, mais il reste encore du travail à faire pour que la vie de politicienne soit compatible avec la vie de famille.

La collègue de Mme Quach, Christine Moore, a donné naissance en pleine campagne électorale, en 2015, et n’a pas hésité à traîner sa petite Daphnée partout où elle allait aussitôt revenue à la Chambre des communes.

PHOTO FRED CHARTRAND, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Christine Moore et sa petite Daphnée.

Depuis ce temps, la députée d’Abitibi-Témiscamingue a donné naissance à deux autres filles – Laurence, née en 2017, et Judith, née en avril dernier.

« Entre bébé 1 et bébé 3 », il y a bien eu certaines améliorations du côté administratif. Elle a eu droit à un service de « nounou » à ses frais pour aller en Chambre pour aller voter. Le Parlement s’est doté de chaises hautes et d’une salle familiale, entre autres.

Mais tout ce qui concerne la procédure s’est avéré très compliqué, se désole-t-elle.

« Le congé parental vient d’être accordé, mais on n’a toujours pas réglé la question à savoir si on accorde ou pas la possibilité d’avoir des votes à distance », donne en exemple Mme Moore.

Elle se console cependant avec le fait que son combat pour faire reconnaître la question de la parentalité au Parlement bénéficiera aux autres qui suivront ses traces, peu importe leur couleur politique.

« C’est sûr qu’à partir de maintenant, ça va être un petit peu plus facile de gérer la grossesse, l’accouchement, le post-partum. Ça va permettre de mieux planifier la façon dont on va avoir des enfants. Oui, c’est sûr que ça va rester comme héritage. Je ne pense pas qu’on va reculer », se félicite-t-elle.

Mais après des années à jongler entre le Parlement et la maison, les tâches de députée et de parent pendant deux mandats, tant Mme Moore que Mme Quach ont décidé de retourner dans le cocon familial.

« Avec les deux maisons, les deux vies et tous les détails que tu gères à une place et à l’autre, ça double ta charge mentale. Ça va faire du bien d’avoir une charge mentale moins élevée », lance Mme Moore.

Mme Quach, elle, doit accoucher de son deuxième enfant en septembre, au même moment où sa fille Mila va rentrer en maternelle.

Elle a du même coup un conseil pour les autres élus qui tenteront de remplir leur agenda à pleine capacité avec des épluchettes de blé d’Inde, des soupers spaghetti et autres activités de financement.

« Tu n’es pas obligé de toutes les faire. […] C’est rare les fois où je me suis fait reprocher de ne pas avoir été là. Mais c’est rare que j’aie utilisé la carte : “Je dois rester à la maison avec ma famille”. »