(Edmonton) Après Jason Kenney, de l’Alberta, c’est au tour du premier ministre conservateur du Manitoba de dénoncer vertement la Loi sur la laïcité adoptée la semaine dernière à l’Assemblée nationale du Québec.

Brian Pallister souhaite d’ailleurs profiter de la réunion de ses homologues de l’Ouest, jeudi, pour offrir une condamnation commune à cette loi « dangereuse, non canadienne, qui mérite qu’on s’y oppose ». En entrevue mercredi, il a estimé que le Canada n’est pas un pays avec des droits à deux vitesses, mais un pays qui célèbre la diversité, et non l’uniformisation.

La loi québécoise, adoptée le 16 juin, interdit aux enseignants, aux juges, aux policiers et aux autres fonctionnaires en situation d’autorité de porter des symboles religieux ostentatoires, afin d’assurer le caractère laïque de l’État québécois. Ses opposants affirment toutefois que la loi s’attaque injustement aux musulmanes, aux sikhs et à d’autres minorités religieuses.

Les dirigeants des quatre provinces de l’Ouest ainsi que des trois territoires nordiques devraient discuter jeudi à Edmonton de préoccupations communes concernant les soins de santé et la réduction des barrières au commerce interprovincial. Mais le premier ministre Pallister a déclaré en entrevue qu’il présenterait aussi une proposition pour envoyer un message conjoint de l’Ouest condamnant la Loi sur la laïcité de l’État. « Nous devons veiller à ne pas restreindre les libertés des personnes, qu’il s’agisse de liberté de parole, de mouvement ou de religion », a-t-il déclaré.

Le premier ministre Justin Trudeau a indiqué, la semaine dernière, qu’il était « évidemment préoccupé par une atteinte aux droits fondamentaux des Canadiens » ; mais comme ses ministres, il n’a jamais voulu dire ce que son gouvernement ferait concrètement pour répondre à cette « atteinte ».

Selon le premier ministre manitobain, la réponse des leaders politiques fédéraux a été probablement atténuée en partie à cause des élections qui s’en viennent. « Ils ne souhaitent pas irriter la province de Québec, mais le Québec est une province dans un beau pays », a soutenu M. Pallister. « Le Canada est un phare dans le monde entier pour le soutien qu’il apporte aux libertés, pas pour la suppression de ces libertés. »

« Un jour triste pour le Canada »

C’est le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, qui est l’hôte de la réunion des premiers ministres de l’Ouest. M. Kenney, qui a rencontré François Legault à Québec le 12 juin, a soutenu mercredi dernier à l’Assemblée législative de l’Alberta qu’il avait fait part au premier ministre du Québec de son opposition au projet de loi sur la laïcité — qui n’était pas encore adopté à ce moment.

« Je pense parler pour la vaste majorité des Albertains quand je dis que nous croyons en la liberté de conscience, et que cette liberté doit être protégée, par exemple, pour les employés de l’État qui portent des signes religieux ostentatoires », a-t-il répondu à une question de l’opposition néo-démocrate.

Au lendemain de l’adoption de la Loi sur la laïcité, la chef de ce parti, l’ex-première ministre Rachel Notley, a d’ailleurs parlé d’« un jour triste pour le Canada quand le racisme devient loi ».

Les premiers ministres des provinces et territoires se rencontreront à Saskatoon du 9 au 11 juillet pour la réunion estivale du Conseil de la fédération. Les leaders s’abstiennent habituellement de commenter les affaires internes des autres provinces, et la situation est d’autant plus délicate que MM. Kenney et Legault ont d’autres marrons au feu, notamment le transport de pétrole et de gaz.