(Montréal) Québec solidaire a lancé un ultimatum au gouvernement de François Legault ce printemps, exigeant que la province adopte un véritable plan d’action pour répondre à l’urgence climatique. La menace s’accompagnait d’une vaste campagne de mobilisation sur le terrain inspirée de la « méthode Bernie Sanders » observée aux États-Unis.

L’ultimatum lancé au gouvernement de François Legault, le 26 mars, exige le dépôt d’un plan d’action crédible pour lutter contre les changements climatiques d’ici le 1er octobre 2020.

Pour être jugé acceptable, ledit plan doit respecter trois conditions minimales : interdire tout projet gazier ou pétrolier au Québec, se conformer aux cibles fixées par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et être approuvé par un expert indépendant.

En guise de menace, QS prévient le gouvernement caquiste que la deuxième opposition va s’adonner à de l’obstruction parlementaire systématique s’il ne se plie pas à l’ultimatum.

Cette sortie publique que plusieurs ont prise pour une simple stratégie de communication a donné le coup d’envoi à une campagne de mobilisation citoyenne aux quatre coins du Québec.

« L’idée, c’est de mettre en place un réseau d’équipes de mobilisation partout au Québec qui, au courant des prochains mois, va augmenter progressivement sa pression sur le gouvernement », explique le leader parlementaire du parti, Gabriel Nadeau-Dubois.

En quelques mois, une dizaine d’assemblées ont été organisées dans les circonscriptions représentées par QS ainsi qu’à Rimouski. Cette première vague aurait permis la création d’une centaine d’équipes comptant entre trois et dix membres. Des dizaines d’autres assemblées sont prévues pour l’automne afin de multiplier le nombre d’équipes.

Selon Gabriel Nadeau-Dubois, il ne s’agit pas de s’appuyer sur les associations locales de Québec solidaire, mais bien de créer un nouveau réseau parallèle dédié à la cause écologiste.

« Il y a beaucoup de gens, surtout des jeunes, qui sont très interpellés par la question climatique. Ils sont moins intéressés par l’aspect délibération interne du parti, mais plus intéressés par l’action concrète sur le terrain », souligne le député de Gouin.

Ceux-ci sont invités à former de petites équipes avec des amis, des membres de leur famille, des collègues ou d’autres militants de leur région interpellés par l’enjeu du climat.

«Méthode Bernie Sanders»

Lors de sa campagne aux primaires démocrates en 2016, le candidat Bernie Sanders avait misé sur une vaste mobilisation bénévole à travers les États-Unis. Le principe de l’organisation consistait à tenir des assemblées populaires pour recruter des militants qui organisaient à leur tour des assemblées publiques pour recruter d’autres membres et ainsi de suite.

De cette manière, l’équipe Sanders a réussi à multiplier ses appuis et son pouvoir d’action sur le terrain. Chacune de ces petites cellules bénévoles disposait d’une grande autonomie d’action pour rejoindre les électeurs et répandre le message de leur candidat.

Gabriel Nadeau-Dubois reconnaît que la campagne liée à l’Ultimatum 2020 s’inspire directement de ce que le clan Sanders a appelé les « barnstorms », une expression qui se traduirait par des séances de remue-méninges dans les granges.

« Toutes nos petites équipes sont autonomes. Elles peuvent décider d’aller dans un marché public pour faire de la sensibilisation, elles peuvent demander une rencontre avec leur député, elles peuvent installer une bannière dans le cadre d’un événement », énumère le co-porte-parole de Québec solidaire.

Le parti se réserve toutefois un droit d’intervention alors qu’il va envoyer des propositions d’actions à poser toutes les deux semaines. Il pourrait s’agir de pétitions à faire circuler à des manifestations coordonnées.

« On va commencer par des moyens plus doux et progressivement la mobilisation va s’intensifier pour que le gouvernement sente une pression grandissante pour lui forcer la main à agir », ajoute l’élu issu du mouvement étudiant qui espère rallier à nouveau les campus.

Comme la méthode du clan Bernie Sanders a servi de machine électorale, Québec solidaire ne cache pas son intention de mettre à contribution ces nouveaux militants en vue de l’élection générale qui devrait avoir lieu en 2022.

« Bien sûr qu’on souhaite que les gens qui s’investissent dans cette campagne s’impliquent éventuellement avec Québec solidaire pour les élections. On serait bien nono de ne pas le souhaiter ! Par contre, ces gens ne sont pas obligés d’être membre de QS et on ne leur demande pas », affirme le leader parlementaire qui voit dans cette démarche la concrétisation de la transformation d’un parti politique en véritable mouvement social.

Pour le parti politique, il s’agit également d’une stratégie pour maintenir sa présence active sur le terrain en année postélectorale. Alors qu’on observe habituellement un creux de la mobilisation partisane après une élection, QS prétend que la sienne vit une croissance grâce à sa campagne climatique.

Des équipes déjà actives

Dans de nombreuses régions du Québec, des équipes sont déjà actives pour parler de l’ultimatum et sensibiliser la population à l’urgence climatique. Dans la région de Lanaudière, la militante Amélie Drainville a obtenu le lourd mandat de coordonner la campagne dans le bastion du premier ministre François Legault.

« On est tout à fait conscient que l’Assomption, c’est la circonscription de notre premier ministre et il va entendre parler de nous, c’est certain ! C’est sûr qu’on va aller cogner à sa porte pour lui faire signe », annonce l’étudiante de 22 ans native de La Visitation-de-l’Île-Dupas.

Déjà cinq équipes s’activent pour récolter des appuis dans les événements publics. L’une d’entre elles, formée dans la circonscription de Berthier est menée par des gens interpellés par la crise du climat, mais qui ne sont pas du tout membres de Québec solidaire.

Dans la région de Québec, Cedrik Verreault est à la tête d’une équipe de cinq personnes qui a elle aussi entrepris ses interventions locales.

« On a déjà ramassé des signatures, on a fait de la mobilisation contre le troisième lien sur l’île d’Orléans. On veut être présent dans les assemblées publiques et divers événements au cours de l’été », résume l’étudiant en sciences politiques âgé de 19 ans.

Une couche à la fois, en commençant par les militants solidaires, puis leur entourage et enfin la population en générale, le jeune homme qui était également derrière la mobilisation étudiante pour le climat croit que la campagne peut faire beaucoup de bruit.

« On a moins de 15 ans, selon l’ONU, pour donner un coup de barre pour assurer la survie des espèces et de l’humanité, note-t-il. La meilleure chose qui peut arriver, c’est que la campagne n’ait pas à durer parce que le gouvernement va avoir mis son pied à terre pour prendre des mesures concrètes. »