(Québec) Le premier ministre albertain, Jason Kenney, ne s’est pas gêné pour manifester son opposition à la loi sur la laïcité lors de son tête-à-tête avec François Legault.

C’est ce qu’il a répondu à une question du Nouveau Parti démocratique (NPD), mercredi, à l’Assemblée législative de l’Alberta.

Le porte-parole néo-démocrate en matière de multiculturalisme, Jasvir Deol, s’était levé pour lui demander s’il avait fait part de ses préoccupations à « son nouvel ami » québécois lors de leur rencontre du 12 juin dernier.

Les deux hommes ont tenu une rencontre de travail à Québec, puis soupé ensemble à la résidence officielle de M. Legault.

« Considérant que le premier ministre dit être en train de bâtir une nouvelle amitié avec le premier ministre du Québec, et considérant que les deux ont soupé ensemble mercredi dernier, avant que le premier ministre du Québec ne passe sa fin de semaine à se battre pour forcer l’adoption de sa loi raciste, M. le premier ministre, avez-vous exprimé des préoccupations à votre nouvel ami, le premier ministre du Québec, et lui avez-vous demandé d’abandonner immédiatement ce projet de loi ? » lui a demandé M. Deol.

À cela, M. Kenney a répondu : « Je lui ai fait part de mon opposition, et je pense parler pour la vaste majorité des Albertains quand je dis que nous croyons en la liberté de conscience, et que cette liberté doit être protégée, par exemple, pour les employés de l’État qui portent des signes religieux ostentatoires. »

Loi « haineuse »

M. Deol faisait écho au gazouillis de sa chef, Rachel Notley, diffusé lundi dernier, dans lequel elle dénonce « un jour triste pour le Canada quand le racisme devient loi ».

En Chambre, il a qualifié la loi québécoise de « haineuse », et a exhorté le premier ministre Kenney à la dénoncer sur les réseaux sociaux, ce que M. Kenney n’a finalement pas fait.

Or, Jason Kenney a tenu à rappeler lors de cet échange qu’il a déjà siégé comme ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme sous Stephen Harper, à l’époque de la Charte des valeurs du Parti québécois, et qu’à ce titre, il était prêt à la contester devant les tribunaux.

« Je me suis toujours clairement opposé au projet de loi (du gouvernement Legault sur la laïcité), à cette approche, a-t-il déclaré mercredi. Même que quand j’étais ministre du Multiculturalisme, j’ai menacé publiquement de contester devant les tribunaux la Charte des valeurs du Parti québécois, qui comprenait des dispositions semblables. »

Il a également rappelé à l’opposition néo-démocrate qu’il avait soutenu la cause Multani en 2006, pour que les enfants de religion sikhe puissent porter un kirpan à l’école publique au Québec, et qu’il avait changé les règles pour que le kirpan puisse être porté dans les consulats canadiens, ainsi que dans les hauts-commissariats, partout à travers le pays.

En outre, a-t-il poursuivi, « j’ai appuyé le droit des filles à Montréal de porter le hidjab pour jouer au soccer. […] Mon bilan en cette matière est très clair », a-t-il indiqué.

La loi québécoise sur la laïcité, adoptée le 16 juin dernier, interdit le port de signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité. Une enseignante au Québec qui tient à porter le hidjab, par exemple, ne pourra être embauchée par une commission scolaire.

D’ailleurs, le premier ministre François Legault a annoncé dans une entrevue à La Presse vendredi qu’il pourrait mettre une commission scolaire récalcitrante sous tutelle, après que la Commission scolaire de Montréal (CSDM) eut déclaré qu’elle allait reporter l’application de la loi à 2020.

Ombre sur le Conseil de la fédération ?

L’enjeu de la laïcité pourrait jeter une ombre sur la rencontre annuelle du Conseil de la fédération, qui se tiendra à Saskatoon du 9 au 11 juillet.

En entrevue à La Presse canadienne, M. Deol a dit s’attendre à ce que tous les premiers ministres du Canada dénoncent d’une seule voix la loi votée par le gouvernement Legault.

Traditionnellement, les premiers ministres s’abstiennent de commenter les affaires internes des autres provinces. La situation est d’autant plus délicate que MM. Kenney et Legault sont à discuter d’autres enjeux, tels que le transport de pétrole et la sélection des immigrants.

« C’est discriminatoire […] ce n’est pas ça la laïcité, a plaidé le député d’Edmonton-Meadows. La laïcité rassemble les gens, respecte les religions de façon égale, et non seulement ça, mais elle permet aux gens de […] contribuer à la société », a-t-il dit.

« Clairement, cette loi divise les communautés en criminalisant les choix faits par les minorités », a-t-il ajouté.