L’adoption de la loi 21 sur la laïcité fait grincer des dents à Ottawa, où certains députés libéraux ont réitéré leur inconfort, lundi. Dans le camp néo-démocrate, on regrette que la mesure ait été adoptée sous le bâillon, mais on exhorte le gouvernement Trudeau à ne pas s’en mêler.

Le gouvernement fédéral ne dit « ni oui ni non » quant à une possible contestation judiciaire de la nouvelle loi sur la laïcité du Québec, adoptée par bâillon dimanche tard en soirée.

À l’entrée de la période des questions, lundi, le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, a précisé qu’il allait prendre le temps d’« étudier prudemment » les amendements ajoutés et que son gouvernement allait entamer une « réflexion interne » à ce sujet.

Mais le malaise était palpable parmi ses collègues libéraux, qui choisissaient méticuleusement leurs mots devant les journalistes pour éviter d’exprimer le fond de leur pensée.

Le ministre fédéral de l’Infrastructure, François-Philippe Champagne, estime que le Québec s’engage sur un « terrain glissant ».

« La Charte des droits et libertés, ça nous a bien servi au Québec. Je suis toujours un peu prudent quand on décide de choisir quand ça fait notre affaire », a-t-il dit.

La ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, a finalement admis qu’elle avait toujours eu un « inconfort » par rapport à ce projet de loi qui est devenu loi dimanche.

Son collègue Joël Lightbound était plus direct : à son avis, le gouvernement Legault a agi de « façon excessivement cavalière » pour brimer les droits fondamentaux des minorités. Il s’est dit « très attristé » de la situation.

À son arrivée au parlement, le député libéral Denis Paradis a dit regretter que le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) ait eu recours à la disposition de dérogation dans sa mesure législative. « Ce qui me fait peur, c’est l’intolérance [que la loi pourrait entraîner] », a-t-il exposé en mêlée de presse.

Son collègue Anthony Housefather avait été nettement plus cinglant sur Twitter la veille. « Cette loi bafoue les droits individuels et brise les rêves de certaines personnes. Elle représente une incompréhension fondamentale de ce que devrait signifier la séparation de l’Église et de l’État », a-t-il écrit.

Le premier ministre Justin Trudeau et ses députés n’ont jamais caché leur opposition au projet de loi. À maintes reprises, alors que l’Assemblée nationale se penchait sur la mesure législative, le Bloc québécois a exhorté le gouvernement à s’engager à ne pas la contester devant les tribunaux – ce que les libéraux n’ont jamais vraiment fait.

Le ministre de la Justice, David Lametti, n’avait pas réagi dans l’immédiat. Au bureau de Justin Trudeau – le premier ministre n’est pas en Chambre lundi –, on a référé les questions de La Presse à celui du ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez.

« La loi porte atteinte aux droits fondamentaux et aux libertés individuelles parce qu’elle force des gens à choisir entre leur religion et leur emploi. On va continuer suivre la mise en œuvre de la loi », a écrit l’attaché de presse du ministre.

« Notre position est claire : ce n’est pas aux politiciens à dire aux gens quoi porter ou ne pas porter. Le Canada est déjà un état laïc et ça se reflète dans nos institutions », a-t-il ajouté dans un courriel envoyé à La Presse.

Le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD), Alexandre Boulerice, a déploré en entrevue à La Presse le fait que le projet de loi ait été « enfoncé dans la gorge » avec un bâillon, un processus démocratique « brutal ». Il ne veut pas pour autant que le fédéral s’en mêle dans l’éventualité où il y ait contestation judiciaire.

Ailleurs au Canada aussi, l’adoption de la loi sur la laïcité a fait réagir. L’ex-première ministre de l’Alberta, Rachel Notley, s’est tournée vers Twitter pour le commenter. « C’est un jour triste pour le Canada lorsque le racisme devient loi », a-t-elle dénoncé sur le réseau social.

- Avec La Presse canadienne