(Québec) La controverse autour de l’élimination de 18 000 dossiers de candidats à l’immigration aura duré jusqu’à la toute fin du processus d’adoption du projet de loi 9, samedi.

En raison d’un long débat de procédure qui aura duré plusieurs heures, l’étude du projet de loi controversé, qui devait commencer en matinée, a été retardée et devrait s’étirer jusqu’au milieu de la nuit de samedi à dimanche. Le gouvernement disposant de la majorité parlemetaire, le projet de loi devrait être adopté.

Au total, c’est le sort réservé à quelque 50 000 personnes désireuses d’émigrer au Québec qui était en jeu.

Mais malgré les supplications de dernière minute de l’opposition, le premier ministre François Legault est demeuré inflexible.

Les dossiers de candidature en question seront donc éliminés comme prévu et les personnes toujours intéressées à venir vivre au Québec devront reprendre tout le processus depuis le début et présenter une nouvelle demande en vertu du nouveau programme Arrima.

« Les anciens critères (de sélection) ne répondent pas aux besoins du marché du travail », a réaffirmé le premier ministre, samedi matin, en mêlée de presse, au moment où l’Assemblée nationale s’apprêtait à lancer la procédure exceptionnelle de bâillon, donc en mode accéléré pour le projet de loi 9.

« Tout ce qui avait à être dit a été dit » dans ce dossier, selon M. Legault, qui invoque l’urgence d’agir pour répondre aux besoins de main-d’œuvre exprimés par les employeurs.

Le projet de loi 9 prévoit une réforme du processus de sélection des candidats, désormais axé sur les compétences professionnelles, pour mieux répondre aux besoins de main-d’œuvre du Québec.

Il inclut l’élimination de 18 000 dossiers de candidature déposés sous l’ancien système, basé sur le principe du premier arrivé premier servi. Ces dossiers étaient en attente de traitement.

Samedi, le début des travaux a été retardé pendant quelques heures, les trois partis d’opposition croyant avoir trouvé une faille dans la motion de procédure d’exception présentée par le leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette. Ils estimaient que le déroulement des travaux du week-end prévu par le gouvernement ne respectait pas l’esprit de la réforme de 2009, qui stipulait qu’un bâillon ne pouvait viser qu’un seul projet de loi.

Comme le bâillon de M. Jolin-Barrette visait deux projets de lois à étudier samedi et dimanche, le projet de loi 9 et le projet de loi 21 sur la laïcité de l’État, ils ont demandé au président de l’Assemblée nationale, François Paradis, de statuer et d’édicter des balises plus claires.

Le président a finalement donné raison au gouvernement, et l’étude du projet de loi 9 a pu commencer vers 15 heures pour un marathon d’une douzaine d’heures d’étude additionnelle.

Le plan de match du gouvernement prévoit qu’après une bien courte nuit, les élus devront reprendre les travaux parlementaires dès 9 hdimanche pour l’étude et l’adoption du projet de loi 21 avant la fin de la journée.

Le gouvernement a à maintes reprises invoqué l’urgence d’agir pour justifier le recours au bâillon pour ces deux mesures législatives.

Mais la situation d’urgence n’a pas été démontrée, a plaidé de son côté le leader parlementaire de l’opposition officielle, Sébastien Proulx.

Depuis le dépôt du projet de loi 9, en février, le gouvernement n’a fourni « aucune explication crédible » justifiant de mettre à la poubelle ces 18 000 dossiers, selon la porte-parole libérale en immigration, la députée Dominique Anglade.

Elle note que ce bâillon, qu’elle attribue à « l’entêtement » du premier ministre et du ministre Simon Jolin-Barrette, était inutile car il ne reste que quelques articles du projet de loi 9 à étudier.

L’opposition péquiste et Québec solidaire ont dit souhaiter que les dossiers des 3700 candidats à l’immigration déjà installés au Québec soient traités en priorité, en vertu des nouvelles règles.

Le député solidaire Andrés Fontecilla a supplié le gouvernement d’accomplir un « dernier geste d’humanité » pour ces personnes sans statut déjà présentes au Québec.

En Chambre, durant la période de questions, la coporte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a « imploré » le premier ministre, invité à faire un geste « d’humanité » et de « compassion » pour ces candidats à l’immigration.

Tableau à l’appui, l’autre co-porteparole solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a fait la démonstration que le gouvernement avait « agi beaucoup plus rapidement » que ses prédécesseurs pour décréter un bâillon.

« Contrairement aux prétentions du gouvernement, il n’y a pas eu d’obstruction, il n’y a pas eu de blocage, il n’y a pas eu de niaisage, mais un coup de force autoritaire d’un gouvernement qui se croit tout permis », a-t-il estimé, en mêlée de presse avant le début de la séance extraordinaire.

Baroud d’honneur, les partis d’opposition ont profité des dernières heures d’étude du projet de loi pour déposer des amendements visant à convaincre le gouvernement de traiter en priorité les 18 000 dossiers en attente.

Test de valeurs

Les fameux tests de français et de valeurs, promis par le gouvernement, n’apparaissent pas comme tels dans le projet de loi, qui vise cependant à fournir au Québec les bases légales pour aller en ce sens, dans un deuxième temps, par voie réglementaire.

Pour un immigrant de fraîche date, un échec à ces tests pourrait avoir un impact sur les chances d’obtenir le statut de résident permanent.

Cette question aura été au cœur de la soixantaine d’heures d’étude du projet de loi, l’opposition cherchant en vain à en savoir davantage sur le contenu, les objectifs et l’impact de ces tests.

Le ministre Jolin-Barrette a dit que cela ferait partie de discussions à avoir avec le gouvernement fédéral.

La réforme de l’immigration prévoit aussi réduire le délai de traitement des dossiers des travailleurs qualifiés de 36 à six mois.

Le ministre s’engage aussi à améliorer l’offre de cours de francisation aux nouveaux arrivants et à assurer un parcours personnalisé à chacun.