(Québec) Le premier ministre François Legault entend déposer une réforme parlementaire notamment pour limiter la durée d’étude des projets de loi à l’Assemblée nationale. Il a fait cette annonce contre toute attente vendredi, le jour où il a confirmé le recours à deux bâillons, une première en 10 ans, pour faire adopter au plus vite ses projets de loi sur la laïcité et l’immigration.

Selon lui, «il y aurait des risques pour la cohésion sociale» à «laisser traîner le débat» sur la laïcité. Appelé à préciser ce que sont ces «risques», il a répondu que le Québec «n’est pas à l’abri des extrémismes».

Pourtant, dans l’opposition, François Legault a réclamé de limiter le recours au bâillon. Dans un document adopté en novembre 2015, la Coalition avenir Québec fait valoir qu’«en court-circuitant la procédure parlementaire normale, le gouvernement coupe court aux débats nécessaires pour améliorer un projet de loi et s’assurer de sa conformité».  

«Un gouvernement de la Coalition Avenir Québec révisera la procédure parlementaire afin d’éviter son utilisation abusive (bâillon, projet mammouth, etc.) par le gouvernement dans l’adoption de lois», peut-on lire dans ce document sur la «réforme des institutions démocratiques».

Questionné pour savoir pourquoi ce qui était bon dans l’opposition ne l’est plus une fois au gouvernement, François Legault a reproché à La Presse de ne reprendre qu’un des éléments du document et a suggéré de «lire les autres pages qui avaient été déposées en 2015». Selon lui, limiter le recours au bâillon «suppose aussi de mettre des mécanismes pour ne pas que ça s’éternise en commission parlementaire. Et ça aussi, c’était dans nos propositions».

Après vérification, il n’y a aucune proposition dans le document pour limiter la durée d’étude des projets de loi en commission parlementaire. Le gouvernement cherchait toujours, au moment de mettre en ligne, où se trouve la proposition évoquée par le premier ministre.

Quoi qu’il en soit, François Legault a annoncé que son leader parlementaire, Simon Jolin-Barrette, travaillera à une réforme du fonctionnement du parlement, dossier qu’il a qualifié d’«important». Il fixera «en temps et lieu» le moment exact du dépôt de cette réforme.

«Lors de la présentation des projets de loi, il y a beaucoup de perte de temps. Il y a un problème d’efficacité. C’est la remarque que j’entends le plus chez les nouveaux députés», a-t-il souligné. Selon lui, «bien souvent», les discours faits par l’opposition «ne sont pas constructifs» et servent seulement à écouler du temps. Il faut changer la procédure parlementaire pour «s'assurer d’avoir un vrai débat» mais pour, «un moment donné, être capable de conclure». «On pourrait peut-être fixer un certain nombre d’heures et après passer au vote, sans bâillon.» Il a évoqué «une limite de 50 heures» - les projets de loi sur la laïcité et l’immigration sont à l’étude depuis plus de 60 heures.

«S’il y a un filibuster en commission parlementaire qui s’éternise, il faut quand même conclure, surtout avec un gouvernement qui est majoritaire», a plaidé M. Legault.

Autre exemple: lors de l’étude des crédits budgétaires des ministères, «est-ce que les députés du gouvernement devraient poser des questions? Je pense que ce doit être débattu». L’opposition accuse souvent les élus du gouvernement de poser des «questions plantées», écrites à l’avance et à propos desquelles les ministres sont informés au préalable. «Il y a d’autres forums peut-être pour que nos députés nous posent des questions. Donc il y a une réforme qui va toucher l’opposition et le gouvernement, (dont) l’objectif est d’être plus efficace, plus pertinent», a affirmé M. Legault.

Voici d’autres propositions prévues au document sur la réforme des institutions démocratiques adopté par la CAQ en 2015 que le premier ministre a suggéré de consulter dans son intégralité:

- Instaurer une période de questions par semaine destinée au premier ministre seulement;

- Imposer une obligation d’appeler et de permettre l’étude et l’adoption par l’Assemblée nationale d’un nombre prédéterminé de projets de loi venant des partis d’opposition;

- Moderniser le rôle du président de l’Assemblée nationale afin de s’assurer que les ministres répondent véritablement aux questions, notamment en ce qui concerne son pouvoir de sanctions;

- Créer un poste de directeur parlementaire du budget permettant en tout temps d’avoir un portrait juste de la situation budgétaire du gouvernement;

- Adopter, à un vote aux deux tiers des membres de l’Assemblée nationale, une constitution québécoise;

- Permettre la révocation d’un élu par le biais d’une pétition jugée conforme par le DGEQ et qui recueillerait la majorité absolue des électeurs du comté ou de la municipalité.