(Québec) Le gouvernement doit recourir au bâillon pour adopter au plus vite le projet de loi sur la laïcité, car « il y aurait des risques pour la cohésion sociale » à « laisser traîner le débat », soutient le premier ministre François Legault.

Le gouvernement utilisera également le bâillon dans le cas du projet de loi sur l’immigration. L’Assemblée nationale siégera donc samedi et dimanche. L’opposition condamne la décision.

François Legault a plaidé que les députés travaillent depuis plus de 60 heures sur chacun des projets de loi en cause.

Il considère que les Québécois appuient ses intentions dans le dossier de la laïcité, un enjeu qui fait l’objet de débats depuis plus de 10 ans. « Je pense que de laisser traîner le débat, il y aurait des risques pour la cohésion sociale », a-t-il soutenu lors d’une mêlée de presse vendredi.

Selon lui, « c’est un débat de société qu’on doit mettre derrière nous ».

Quant au projet de loi sur l’immigration, c’est « pour le bien de l’économie » qu’il doit être adopté dès maintenant. « On ne peut pas traiter 50 000 personnes selon les critères qui existaient à l’époque, parce qu’ils ne répondent pas aux besoins des entreprises », a-t-il fait valoir.

Québec déposera des amendements 

S’il suspend les règles parlementaires pour adopter de force les projets de loi sur l’immigration et la laïcité, le ministre responsable des deux dossiers, Simon Jolin-Barrette, entend lui-même proposer des amendements pendant le bâillon.  

« C’est à mon grand désarroi que nous utilisons la procédure législative d’exception, mais au Québec, il faut avancer », s’est justifié le ministre, vendredi.  

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Simon Jolin-Barrette

« Devant le blocage systémique du Parti libéral, nous n’avons d’autres choix que d’invoquer [cette procédure] pour ces deux projets de loi. […] Les Québécois souhaitent du changement et c’est ce que le gouvernement leur offre », a-t-il ajouté.  

Simon Jolin-Barrette, qui est ministre de l’Immigration, ministre responsable de la laïcité et leader parlementaire du gouvernement, a affirmé que l’utilisation du bâillon est justifiée puisqu’il est motivé par « l’intérêt public et l’intérêt collectif ».  

Dans le cas de la laïcité, le projet de loi modifie sans avoir l’unanimité des parlementaires la Charte québécoise des droits et libertés. La pièce législative se protège également de toutes contestations judiciaires en vertu de certaines dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés.  

« Dans le travail parlementaire, on ne peut pas juste faire de l’obstruction. On ne peut pas juste chialer. On ne peut pas juste dénoncer », a dit M. Jolin-Barrette en visant le Parti libéral.

Rien de réglé

Les partis de l’opposition ont dénoncé le recours au bâillon pour forcer l’adoption du projet de loi sur la laïcité, vendredi. D’autant plus que sa ratification par l’Assemblée nationale ne mettra pas fin à l’explosif débat sur le port des signes religieux, estiment-ils.

Le gouvernement serait en effet bien « naïf » de croire que le dossier sera clos après le vote final de dimanche, a affirmé le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

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Gabriel Nadeau-Dubois

« Ce sera un triste jalon dans l’histoire de l’Assemblée nationale du Québec : adopter sous bâillon une loi qui suspend la Charte des droits et libertés du Québec, a-t-il dénoncé. C’est un triste exploit que va réussir le gouvernement de François Legault à sa première session parlementaire. »

Le chef du Parti québécois, Pascal Bérubé, reproche au gouvernement caquiste d’avoir été « brouillon ». Il lui reproche de précipiter l’adoption du projet de loi « fondamental » sur la laïcité parce qu’il a mal planifié la session parlementaire.

« On a commencé tardivement à l’étudier et nous sommes d’avis que, si on se retrouve dans cette situation, c’est aussi lié à la planification parlementaire et au fait que le premier ministre a choisi de donner deux projets de loi à un ministre qui était aussi leader parlementaire, qui a été surchargé. »