(Québec) Le premier ministre conservateur de l’Alberta, Jason Kenney, a bon espoir de convaincre François Legault d’accepter un nouveau pipeline de pétrole sur le territoire québécois.

« C’est un homme à l’esprit ouvert et on va continuer les discussions », a-t-il déclaré au terme d’un long entretien d’une heure au bureau du premier ministre du Québec, mercredi en fin de journée.

« Je suis resté sur mes lignes, on n’est pas ouvert sur un oléoduc de pétrole », a affirmé M. Legault dans un bref point de presse au sortir de la rencontre. Il avait déjà scandalisé l’Alberta en parlant de son « pétrole sale » pour les hydrocarbures issus des sables bitumineux, un terme qu’il n’a pas répété cette fois.

C’était la première rencontre à Québec entre M. Legault et le nouveau premier ministre de l’Alberta, élu il y a six semaines. Il était aussi l’hôte de M. Legault pour un souper privé à son appartement de fonction mercredi soir dans le Vieux-Québec.

M. Kenney veut des débouchés pour les hydrocarbures de sa province, mais pour ce faire il lui faut un oléoduc notamment vers l’est, ce que refuse M. Legault, sous prétexte qu’il n’y a « pas d’acceptabilité sociale ».

« C’était un bon dialogue, a dit M. Kenney. Évidemment, il a sa position sur les oléoducs », a-t-il admis, en laissant entendre que cet entretien est après tout un premier pas.

Cependant, le chef conservateur dit avoir plaidé la cause des Albertains : le Québec reçoit 13 des 20 milliards versés par les Albertains pour le régime de péréquation, ils demandent donc en contrepartie libre-passage pour exporter leurs hydrocarbures.

« Les Albertains ont du mal à comprendre pourquoi on doit payer les frais dans la fédération », a-t-il fait savoir. M. Kenney menace d’ailleurs de tenir un référendum sur la formule de péréquation s’il n’obtient pas des modifications à sa satisfaction.

Le premier ministre albertain s’est toutefois réjoui de l’appui de son vis-à-vis du Québec accordé au projet de gazoduc et de terminal de liquéfaction de gaz naturel (GNL) à Saguenay, censé pouvoir acheminer par bateau du GNL provenant de l’Alberta vers l’Europe et l’Asie.

Il a mis fin abruptement à la mêlée de presse après trois minutes.

Plus tôt en journée, l’opposition avait demandé à M. Legault de ne pas plier devant le « chantage paternaliste » de M. Kenney.

À la période de questions, la co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Manon Massé, a soupçonné le gouvernement d’être sous l’influence du lobby du pétrole. Les versements de péréquation au Québec ne doivent pas non plus servir à acheter son consentement, a-t-elle insisté.

« La fierté, ce n’est pas de courber l’échine quand Jason Kenney tente de nous faire sentir coupables. Le Québec ne devrait pas avoir honte de vouloir autre chose que leur énergie sale. Est-ce que le premier ministre va se tenir debout ou est-ce qu’il va plier devant le chantage paternaliste de M. Kenney ? »

En mêlée de presse, le chef intérimaire péquiste, Pascal Bérubé, a affirmé que c’est au Québec de trancher, même si le fédéral, par l’Office national de l’énergie (ONÉ), est responsable du dossier du transport d’hydrocarbures interprovincial.

« Le Québec est libre de ses choix, et si les Québécois décident qu’il n’y aura pas de pipeline qui passera sur leur territoire, ce ne sera certainement pas l’Alberta. »

À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau a commenté ce sommet Québec-Alberta. Le gouvernement libéral fédéral est en conflit ouvert avec l’Alberta après avoir imposé une tarification sur le carbone que les conservateurs rejettent catégoriquement.

« J’espère que […] M. Kenney va écouter M. Legault sur l’importance de protéger l’environnement parce que M. Legault est un bon partenaire là-dessus », a dit Justin Trudeau à l’entrée des Communes, mercredi après-midi.