François Legault n'exclut plus de tenir un référendum sur la réforme du mode de scrutin. Il a assoupli sa position, mercredi, quelques minutes après que des députés de la Coalition avenir Québec eurent publiquement exprimé des réserves sur ce projet de loi très attendu.

Lors d'un voyage à New York, il y a trois semaines, le premier ministre s'est dit opposé à un référendum sur la question, affirmant qu'il n'a jamais fait une telle promesse. Mais il a tenu des propos nettement moins tranchés mercredi matin.

« On est en discussion, a-t-il dit lorsque questionné sur la tenue possible d'une consultation populaire. Il n'y a pas de décision de prise. On a eu des discussions avec les députés, plusieurs idées ont été mises sur la table. »

« Si on met plusieurs sièges, 45 ou 50 en candidats de liste, c'est un changement important, a-t-il ajouté. Donc on peut comprendre que les gens demandent un référendum. »

M. Legault s'est engagé à déposer d'ici au 1er octobre un projet de loi pour réformer la manière dont les Québécois élisent leur gouvernement. Il souhaite instaurer un système « proportionnel mixte ».

Selon un scénario soumis aux députés caquistes mardi, on créerait deux types de députés : 80 qui représenteraient des circonscriptions et 45 candidats « de liste » qui seraient désignés pour refléter le pourcentage d'appuis de chaque parti. Si cette formule avait été en vigueur aux dernières élections, la Coalition avenir Québec n'aurait pas formé un gouvernement majoritaire.

La proposition de la ministre Sonia LeBel n'a pas fait l'unanimité dans les rangs caquistes. Réunis à huis clos, des députés ont exprimé des réserves et plusieurs ont appuyé l'idée de tenir un référendum.

Certains n'ont pas caché leurs réticences mercredi matin. La députée caquiste de Roberval, Nancy Guillemette, a dit craindre que les services à la population pâtissent de la création de circonscriptions plus grandes. Elle s'est dite favorable à ce que la population se prononce par référendum.

« Personnellement, pour moi, je pense que c'est un gros enjeu et on devrait demander à la population son avis », a dit Mme Guillemette.

Sa collègue Marie-Louise Tardif, qui représente Laviolette-Saint-Maurice, a pour sa part indiqué que les citoyens de la Mauricie n'ont pas un grand appétit pour une réforme du mode de scrutin.

« Ce n'est pas notre sujet prioritaire, a dit Mme Tardif. Sur le terrain, on n'en entend pas parler pour l'instant. »

La ministre LeBel a assuré qu'aucune décision n'est encore prise.

« Présentement, il n'y a aucune décision dans aucune sphère qui est arrêtée, a-t-elle dit. Je suis en mode consultation et surtout en mode écoute de tout le monde. »

Le PQ ouvert, QS s'oppose

Le Parti québécois (PQ) pourrait appuyer la tenue d'un référendum avant 2022 sur un nouveau mode de scrutin si cela assurait qu'une réforme électorale soit appliquée à temps pour le prochain scrutin.

Le chef par intérim du PQ, Pascal Bérubé, a affirmé mercredi qu'il y a « de l'ouverture » au sein de sa formation politique à ce qu'un référendum soit organisé au cours de la présente législature. Le plus important, a-t-il dit, « c'est que la prochaine élection se fasse avec un nouveau mode de scrutin ».

La cheffe de Québec solidaire, Manon Massé, a pour sa part affirmé mercredi qu'elle ne souhaitait pas la tenue d'un référendum sur une réforme du mode de scrutin.

« Je nous rappelle collectivement que trois partis politiques qui représentent le deux tiers des sièges actuellement à l'Assemblée nationale [...] ont été clairs sur leur engagement de transformer le mode de scrutin » lors des dernières élections, a-t-elle dit.

« On avait dit que l'important était d'avoir un mandat fort, je pense que 94 députés [sur 125 qui appuient ce projet] est un mandat très clair », a-t-elle dit.

Charbonneau déçu

Le président du Mouvement démocratie nouvelle et ex-président de l'Assemblée nationale, Jean-Pierre Charbonneau, s'est dit déçu par la tournure des événements. Il rappelle que François Legault faisait partie d'un front commun qui a pris position pour la réforme du mode de scrutin il y a un an à peine.

« Ce qui existe actuellement, c'est un bras de fer entre les partisans de respecter la parole donnée et les partisans de tout faire pour que ça ne marche pas », a-t-il déploré.

Il exhorte le premier ministre à tenir tête à ses députés et à aller de l'avant avec la réforme.

« Je dis à ces députés-là : vous avez été élus sur cette promesse, a dit M. Charbonneau. L'avantage de M. Legault, c'est que c'est lui qui les a choisis. Il peut tous leur dire : si tu n'es pas content, tu as embarqué dans mon autobus, à mes conditions, c'est moi qui t'ai choisi, tu vas respecter ma parole et tu ne vas pas m'obliger à renier mon engagement. »

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pascal Berubé.