(QUÉBEC) Il n’y aura pas de commission parlementaire spéciale pour étudier l’utilisation des données personnelles par les partis politiques. Le gouvernement Legault a rejeté cette recommandation du Directeur général des élections (DGEQ), hier, au grand dam de l’opposition.

Les députés de la Coalition avenir Québec (CAQ) ont confirmé la décision lors d’une rencontre à huis clos hier midi. Ils ont aussi rejeté une initiative du député libéral Marc Tanguay pour qu’une commission parlementaire ordinaire se saisisse de la question.

M. Tanguay dit être « tombé en bas de [sa] chaise » en apprenant la position du gouvernement.

« La CAQ nous envoie un signal que ce n’est pas important pour eux », a-t-il dénoncé.

Le député du Parti québécois Harold LeBel a abondé dans le même sens.

« Ce que j’en conclus, c’est qu’ils n’étaient pas préparés à ça et ils n’ont pas pris ça au sérieux, a-t-il indiqué. Ce que j’en conclus, c’est qu’ils ont d’autres chats à fouetter. »

Selon Sol Zanetti, député de Québec solidaire, la protection des données personnelles des Québécois devrait pourtant être une priorité pour le gouvernement Legault. D’autant plus qu’il va bientôt fermer la quasi-totalité des serveurs informatiques de l’État et confier les données qu’ils contiennent à des sous-traitants.

Le député solidaire s’explique mal que Québec refuse d’inviter des experts dans un cadre non partisan pour se pencher sur les pratiques des partis.

« Je ne comprends pas la réticence du gouvernement à vouloir donner quelque chose de très simple au DGEQ », a déploré M. Zanetti.

Une réforme à venir, selon la CAQ

Le gouvernement Legault est bien préoccupé par la protection des données personnelles et compte réformer la Loi sur l’accès à l’information, a assuré la députée de la CAQ Stéphanie Lachance, qui siège à la Commission des institutions. Cependant, il souhaite aborder la question de manière plus large, et non strictement sur la manière dont elles sont utilisées par les partis politiques.

Mme Lachance a aussi fait valoir que la Commission d’accès à l’information (CAI) tiendrait un colloque sur le sujet à l’automne.

« Donc il m’apparaît peu utile, actuellement, de précipiter les choses, a-t-elle expliqué. La Commission va déjà avoir l’occasion d’écouter, d’émettre ses opinions et de commenter directement au gouvernement. »

Changements réclamés depuis 2013

Le DGEQ réclame depuis 2013 des changements à la Loi électorale pour encadrer la manière dont le monde politique compile, analyse et utilise à des fins partisanes les renseignements sur les électeurs. Grâce à des outils informatiques sophistiqués, des opérateurs politiques peuvent désormais croiser des millions de données et prédire le comportement électoral des citoyens.

Les appels du directeur général des élections Pierre Reid se sont faits de plus en plus pressants dans la foulée du scandale Facebook-Cambridge Analytica l’an dernier. Il a publié un rapport spécial sur la question en février, au terme duquel il recommandait la tenue d’une commission spéciale.

Contrairement aux entreprises privées, les partis politiques ne sont soumis à aucune loi pour restreindre leur usage des données personnelles.

Le DGEQ n’est pas seul à s’inquiéter de la situation. Selon un rapport interne de la CAI, révélé par La Presse en février, les partis politiques possèdent maintenant une telle masse de données personnelles sur les électeurs qu’ils mettent en cause le « caractère confidentiel et secret du vote en démocratie ».