Le dégel est à nos portes. D’ici à la fin de juin, plus de 1 milliard de fonds fédéraux tomberont dans la cagnotte du gouvernement Legault au chapitre de la main-d’œuvre et afin de compenser les frais encourus par Québec pour l’accueil des immigrants irréguliers du chemin Roxham depuis deux ans.

Selon les informations colligées par La Presse, à Québec comme à Ottawa, le gouvernement Trudeau versera 800 millions à Québec pour les mesures actives en formation de la main-d’œuvre, une annonce qui se fera probablement la semaine prochaine avec le retour du ministre québécois du Travail, Me Jean Boulet, actuellement en mission officielle en Europe. Le dossier est à 95 % réglé, indique-t-on à Québec. L’entente, qui prévaudra pour six ans, comporte un volet pour la formation des personnes handicapées et des mesures spécifiques pour les jeunes travailleurs.

Le Québec est la dernière province à renouveler cette entente, échue depuis 2017 – la plus grande partie de ces sommes dormait dans les coffres fédéraux. Ottawa avait annoncé plus de fonds pour la main-d’œuvre pour toutes les provinces, mais ces sommes étaient conditionnelles à de nouvelles ententes. Or, le gouvernement Couillard n’avait pas ratifié d’entente et les discussions s’étaient enferrées dans des échanges sur la reddition de comptes, de cibles, de résultats. Québec voulait reproduire le cadre du comité de gestion de l’entente conclue dès la première entente Ottawa-Québec sur la formation, annoncée par Lucien Bouchard et Jean Chrétien en 1998. Le conservateur Jason Kenney et la péquiste Agnès Maltais avaient signé la dernière mise à jour de cette entente.

Avec l’approche des élections fédérales, en octobre, le gouvernement Trudeau presse le pas pour procéder à des annonces avec Québec.

Hier, c’était l’annonce d’un chantier de 500 millions pour la réfection du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine–Ottawa prend la moitié de la facture. La semaine dernière, le ministre fédéral des Infrastructures, François-Philippe Champagne, avait annoncé seul un investissement sur l’autoroute 19. Québec estimait que le dossier n’était pas complété, mais le fédéral a expliqué que les élus libéraux locaux faisaient face à des pressions importantes dans leur région. Québec et Ottawa confirmeront sous peu le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal. 

Un dernier bras de fer est en cours : Québec veut que le fédéral paie pour 40 % des dépassements de coûts désormais évalués à 600 millions. À Québec, on a bon espoir que le fédéral voudra tout régler avant la Saint-Jean, des annonces tardives à la veille des élections n’étant jamais bien perçues par les électeurs – Philippe Couillard et l’Ontarienne Kathleen Wynne l’ont appris à leurs dépens, rappelle-t-on.

AUTRE ENTENTE À VENIR ENTRE QUÉBEC ET OTTAWA

Une entente est aussi à portée de main entre Ottawa et Québec dans le dossier des immigrants irréguliers qui sont entrés au Québec par le chemin Roxham depuis deux ans – 95 % des immigrants irréguliers passent par là. Pour couvrir les services, l’hébergement et les frais de santé, Québec demandait 298 millions et Ottawa offrait 200 millions. Il faut prévoir ici une solution de compromis, mais à Québec, conscients de la sensibilité électorale, on compte tenir la dragée haute au gouvernement Trudeau.

Le dossier des immigrants avait stagné avec la maladie du ministre fédéral Dominique LeBlanc ; Bill Morneau a repris le relais, et c’est lui qui doit écrire cette semaine au gouvernement Legault. Ottawa doit s’engager aussi sur les « travailleurs temporaires », des ouvriers étrangers pour qui Québec veut accélérer l’entrée sur le marché du travail. Le Québec a un régime différent des autres provinces pour ces employés qui sont accueillis pour une période d’une année généralement. Ils n’ont pas de certificat de sélection du Québec, mais les lois leur donnent les mêmes conditions de travail que l’ensemble des travailleurs. En Ontario, par exemple, ils sont payés moins cher que les autres.

Québec estime avoir un besoin pressant de 120 000 travailleurs actuellement, et le gouvernement Legault a demandé qu’on enlève l’obligation de procéder à une étude de marché préalable tant les besoins sont criants. À Ottawa, on reconnaît des embûches administratives, mais on signale que Québec tolère aussi des entraves. À Québec, par exemple, un employeur qui réclame des travailleurs doit les identifier ; dans les autres provinces, il n’a qu’à faire une demande globale pour un certain nombre de travailleurs.