(Ottawa) Des élus libéraux et néo-démocrates exhortent le chef conservateur Andrew Scheer à condamner le geste de son député Michael Cooper, qui a cité un extrait du manifeste du tireur de Christchurch en pleine réunion de comité un peu plus tôt cette semaine.

Le député libéral Randy Boissonnault a été estomaqué de voir l’élu puiser dans le texte, et ce, pour attaquer un témoin musulman qui était venu comparaître devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne plus tôt cette semaine.

«C’est aberrant, et c’est une tentative flagrante de normaliser des idées complètement inacceptables qui ont été propagées par un terroriste», s’indigne-t-il en entrevue avec La Presse, vendredi.

PC

Michael Cooper

Il rappelle que le chef Scheer a assuré, dans un discours sur l’immigration prononcé cette semaine, qu’il n’aurait aucune tolérance pour les intolérants – et qu’il est donc maintenant temps de joindre la parole aux actes.

«Il a clairement dit, M. Scheer : Si vous n’êtes pas accueillant, tolérant, voici la porte. Donc est-ce qu’il va montrer la porte du caucus à M. Cooper? C’est une question ouverte», argue Randy Boissonnault à l’autre bout du fil.

Sa collègue néo-démocrate Tracey Ramsey abonde dans le même sens. «C’était extrêmement inapproprié. Et je pense qu’Andrew Scheer a l’obligation, comme chef de parti, de dénoncer le comportement de son député», lance-t-elle à La Presse.

Au bureau d’Andrew Scheer, on se montre satisfait que Michael Cooper se soit excusé auprès du témoin, car c’«était la bonne chose à faire», signale la porte-parole Virginie Bonneau dans un courriel à La Presse.

«Par contre, son point général demeure. Il est dangereux et irresponsable de lier conservatisme et actes de violence de masse. Ce genre de rhétorique ne fait qu’enflammer le débat», précise-t-elle.

Lien conservatisme-extrémisme

Le témoin qui s’est attiré les foudres de l’élu conservateur avait établi un lien entre le conservatisme et les attaques perpétrées par des extrémistes. Pour ce faire, Faisal Khan Suri a utilisé en exemple le cas du tireur de la mosquée de Québec.

«Le contenu de l’ordinateur [d’Alexandre] Bissonnette montre qu’il cherchait constamment du matériel de commentateurs anti-immigration, “alt-right” […] sur le président américain Donald Trump et sur les musulmans», a-t-il exposé.

PC

Jacinda Ardern a rencontré Justin Trudeau lors d'un évènement à Paris, le 16 mai.

Au fil de son exposé, Faisal Khan Suri en est ainsi venu à plaider que le portrait du tireur qui a fait 51 victimes dans deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en mars dernier, semblait le même.

Rappelons que le tireur d’origine australienne, dont la première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern a juré de ne jamais prononcer le nom, avait inscrit plusieurs noms sur son arme, dont celui d’Alexandre Bissonnette.

«Vous devriez avoir honte»

C’est le réseau CBC qui a révélé en premier, hier soir, ce qui s’est joué en comité plus tôt cette semaine.

Le comité se penchait sur la propagation de propos haineux en ligne. Le débat a tourné au vinaigre lorsque le député Cooper s’est offusqué du parallèle. Pour étayer son propos, il a puisé dans le manifeste que le tireur a laissé derrière lui.

«Il a laissé un manifeste de 74 pages dans lequel il a dit : “Le conservatisme est du corporatisme déguisé, et je ne veux rien savoir de ça. La nation qui reflète le plus mes valeurs politiques et sociales est la République populaire de Chine”», a-t-il énoncé.

AP

Le représentant de la Louisiane à la Chambre des représentants, Steve Scalise.

L’élu a ensuite ajouté qu’il «ne voudrait certainement pas tenter de lier Bernie Sanders à l’individu qui a tiré sur des membres républicains du Congrès et atteint presque mortellement le représentant Scalise [lors d’un match de baseball en 2017]».

Puis : «Alors vous devriez avoir honte», a-t-il lâché à l’intention du témoin.

Libéraux et néo-démocrates ont bondi de leur chaise et réclamé une intervention du président du comité, Anthony Housefather.  

Le comité est allé en huis clos pendant un certain temps avant que, de retour en public, le président donne la parole à M. Cooper.

Celui-ci a présenté ses excuses au témoin, reconnaissant son comportement «non parlementaire», mais il a insisté sur le fait qu’il ne retirait «certainement pas le reste de ce qu’[il avait dit]».

PC

Tracey Ramsey

«Ses excuses n’étaient pas du tout sincères», lâche Tracey Ramsey, qui tente de voir quels outils parlementaires pourraient être mis à profit pour faire en sorte que les propos ne soient pas inscrits dans la transcription finale de la réunion de comité.

«On tente de trouver en comité des moyens de contrer la diffusion de contenu haineux, et lui cite des propos haineux qui se retrouveront dans un procès-verbal d’un comité de la Chambre des communes? C’est tout simplement absurde», avance-t-elle.

Le député Michael Cooper n’a pas répondu à un courriel envoyé par La Presse, vendredi.