(Québec) Rien ne va plus entre les libéraux et les caquistes, à trois semaines de la fin de la session parlementaire.

Les deux partis sont à couteaux tirés dans deux dossiers majeurs, soit l’immigration et la création d’une commission spéciale sur la protection de la jeunesse, appelée communément Grandir dans la dignité.

Mardi, la porte-parole libérale en matière d’immigration, Dominique Anglade, a posé trois conditions au gouvernement afin de souscrire à l’adoption du projet de loi 9 réformant le système d’immigration au Québec.

Piqué au vif par la sortie de Mme Anglade, le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, a immédiatement dénoncé la « menace » des libéraux de bloquer les travaux parlementaires. Il les a accusés de faire du « niaisage ».

En point de presse, Mme Anglade a fait valoir que les députés n’ont passé à ce jour que 26 heures à étudier le projet de loi 9, et que son parti demandait seulement à le bonifier. Elle a assuré qu’elle ne cherchait aucunement à bloquer les travaux.

Le premier ministre François Legault ne l’a pas crue.

« Ils retardent, elle a même à mots couverts dit qu’ils feraient du filibusting pour que le projet de loi ne soit pas adopté », a-t-il râlé en mêlée de presse.

Grâce au projet de loi 9, le gouvernement veut modifier les règles de sélection des immigrants, pour assurer une meilleure adéquation entre les compétences professionnelles des requérants et les besoins du marché du travail.

Mme Anglade a déclaré que son parti appuiera la pièce législative à condition que le gouvernement s’engage à ce que les 18 000 dossiers d’immigration en attente soient tous traités et que les articles qui prévoyaient leur annulation soient retirés du projet de loi.

Dans un deuxième temps, l’opposition officielle demande l’abolition des conditions à la résidence permanente et la publication des détails du fameux « test des valeurs » que veut imposer la Coalition avenir Québec (CAQ) aux immigrants.

Enfin, le gouvernement doit faire « disparaître » le fardeau administratif supplémentaire qui est imposé aux entreprises, jugent les libéraux.

Ils disent s’attendre à ce que le projet de loi 9 facilite la vie des entrepreneurs qui embauchent de nouveaux arrivants.

Bisbille autour de Grandir dans la dignité

Les impromptus de presse se sont multipliés mardi, dans les corridors de l’Assemblée nationale, alors que libéraux et caquistes se renvoyaient la balle par médias interposés.

La députée libérale en matière de services sociaux, Hélène David, a suggéré que le gouvernement pèche par excès de partisanerie dans le dossier de la protection de la jeunesse.

Début mai — après le drame de Granby où une fillette aurait été victime de négligence parentale —, le premier ministre François Legault a promis de lancer une « grande réflexion » sur le système de protection des enfants en vigueur au Québec, qui inclura tous les partis.

Le gouvernement a depuis choisi seul la présidente de la commission, Régine Laurent, ainsi qu’au moins un vice-président.

« Le problème fondamental, c’est qu’on ne part pas de la même définition de ce que c’est la transpartisanerie, a déploré Mme David en mêlée de presse. La réponse qu’on nous fait beaucoup c’est : “Écoutez, c’est la prérogative gouvernementale ».

« Pour nous la transpartisanerie, c’est plus de coconstruire ensemble », a-t-elle ajouté.

Mme David a indiqué que son parti pourrait ne pas participer à l’annonce gouvernementale, mercredi, officialisant le mandat de cette commission.

Réaffirmant qu’il est de son ressort de prendre des décisions, M. Legault a également avisé Mme David qu’il n’acceptera jamais sa suggestion de nommer la commission « Grandir dans la dignité ».

« On n’est pas d’accord avec ce mot-là qui est utilisé par Hélène David, a-t-il déclaré. Je sais qu’Hélène David se bat pour mettre le mot “dignité”, on n’est pas d’accord. Je pense que ça s’applique de mourir dans la dignité, que les personnes âgées soient traitées avec dignité, mais les jeunes, ce n’est pas de ça qu’on parle. On parle de jeunes qui sont violentés, abusés. »

« C’est mal parti », a quant à elle souligné la coporte-parole de Québec solidaire (QS), Manon Massé.

Poils dans la soupe

Par ailleurs, signe de l’acrimonie entre les partis d’opposition et le gouvernement, le premier ministre y est allé d’une remarque sarcastique en lien avec l’éloge qu’a fait la députée Catherine Dorion, de QS, de la pilosité féminine.

Mme Dorion a partagé une photo de son aisselle poilue sur les réseaux sociaux, lundi, dans le cadre du défi Maipoils, qui invite les participants à ne pas s’épiler dans le but d’éclater les diktats de beauté.

Manon Massé a défendu sa collègue, mardi, en faisant allusion à sa propre moustache qui ne la rendrait pas moins crédible.

Cela lui a valu un commentaire pour le moins surprenant de la part de M. Legault, qui répondait à sa question en Chambre sur les « claims » miniers.

« M. le Président, je suis content que la chef du deuxième groupe d’opposition dise qu’elle ne va pas cracher dans la soupe. Ce n’est pas le fun non plus d’avoir des poils dans la soupe. »

Catherine Dorion n’a pas été tendre sur Facebook : « Nous avons le pire mononcle “ever” à la tête du Québec. Et puis non, c’est trop injuste envers les mononcles de dire ça », a-t-elle écrit.