(Ottawa) La chef du Parti vert, Elizabeth May, soutient que pour sauver le monde des changements climatiques, le Canada devra se défaire de sa dépendance au pétrole d’ici le milieu du siècle.

D’ici là, elle souhaite que le pays délaisse les importations de pétrole étranger le plus rapidement possible.

La promesse de rendre le Canada autonome sur le plan énergétique est — étonnamment, peut-être — conforme à la stratégie économique et climatique du chef conservateur Andrew Scheer.

M. Scheer souhaite que le Canada cesse d’importer du pétrole étranger d’ici 2030 grâce, entre autres, à un couloir énergétique qui pourrait simplifier la construction de pipelines capables d’acheminer le pétrole albertain vers n’importe quelle côte. Il y voit un moyen de trouver de nouveaux marchés intérieurs pour les sables bitumineux du Canada, dans le but d’en accroître la production.

Le plan de Mme May, qui consiste à « fermer le robinet des importations de pétrole », n’est toutefois qu’une mesure provisoire d’ici à ce que le Canada s’affranchisse totalement du pétrole.

Elle souhaite qu’en 2050, le bitume ne soit utilisé au Canada que par l’industrie pétrochimique pour des produits tels que les plastiques, le caoutchouc et la peinture.

« Tant que nous utilisons des combustibles fossiles, aussi bien utiliser nos propres combustibles fossiles », a-t-elle déclaré.

La popularité grandissante des Verts

Le nouveau plan climatique de Mme May sera probablement examiné de manière plus approfondie que ceux présentés lors des élections précédentes.

Les libéraux et les néo-démocrates ont déjà démontré qu’ils portent une attention particulière au soutien populaire croissant dont bénéficient les Verts.

Les formations politiques ont toutes deux proposé des motions similaires plus tôt ce mois-ci pour que la Chambre des communes déclare une situation d’urgence climatique. Les motions ont été déposées moins d’une semaine après l’élection d’un deuxième député par les Verts lors d’une élection partielle sur l’île de Vancouver et peu de temps après qu’une branche provinciale des Verts ait formé l’opposition officielle à l’Île-du-Prince-Édouard.

Elizabeth May se dit tout à fait à l’aise avec l’idée que la popularité des Verts pousse les autres partis à hausser la mise en matière de lutte aux changements climatiques. Le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique maintiennent que leurs motions étaient en cours de préparation avant même l’élection partielle à Vancouver, mais il ne fait aucun doute dans l’esprit de Mme May que la victoire de Paul Manly a motivé ces manœuvres.

La motion du NPD a échoué parce qu’elle appelait le Canada à abandonner les projets d’expansion du pipeline Trans Mountain, auxquels Mme May s’oppose également. Quant à la motion libérale, elle n’a pas encore été soumise à un vote.

Les Verts proposent que le Canada double ses réductions d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et atteigne le seuil de zéro émission d’ici 2050. Pour ce faire, ils prévoient mettre fin à la vente de véhicules dotés de moteurs à combustion en 2030 et retirer tous ces véhicules des routes d’ici 2040.

Pas du jour au lendemain

Le Canada importe environ un million de barils de pétrole par jour et en produit quatre fois plus. En 2017, le Canada a produit un total de 4,2 millions de barils de pétrole et en a exporté 3,3 millions. Les raffineries canadiennes ont traité 1,8 million de barils.

Les producteurs de pétrole canadien en pompent déjà suffisamment pour répondre à la demande intérieure, mais deux problèmes subsistent : il n’y a pas de pipeline reliant l’ouest, riche en pétrole, aux raffineries de l’est, et même s’il y en avait un, ces raffineries ne sont pas équipées pour traiter le bitume plus lourd qui caractérise la production albertaine.

Pour les raffineries de l’est, le bitume doit être d’abord transformé en pétrole brut de synthèse. Mme May compte donc d’investir dans des préraffineries.

Elle reconnaît que le sevrage du Canada face au pétrole étranger ne se fera pas du jour au lendemain, considérant les contrats existants des raffineries canadiennes et les défis de raffinement et d’acheminement des sables bitumineux.

En coulisses, des critiques du gouvernement libéral soulignent qu’il est impossible que la côte est du pays se mette à consommer du pétrole canadien en l’absence d’un nouveau pipeline pour le transporter. Mme May n’appuie pas la construction d’un autre pipeline, mais elle affirme que le bitume brut pourrait être acheminé par train si le Canada investit davantage dans ses services ferroviaires.

L’oléoduc Énergie Est proposé pour transporter le bitume dilué vers l’est a avorté en 2017, en raison d’une levée de boucliers au Québec. Cette opposition de la province se poursuit sous le nouveau gouvernement de François Legault.

Andrew Scheer mise pour sa part sur un corridor énergétique qui permettrait à un pipeline similaire à Énergie Est de longer les réseaux électriques interprovinciaux.

Selon Elizabeth May, sa formation est le « seul parti à avoir un plan qui permette à la civilisation humaine de survivre ».

« Ce n’est pas un choix de style de vie canadien, a-t-elle lancé. Toute l’humanité est en danger. »