(Québec) On devrait « interdire aux ex-ministres libéraux de venir verser devant les caméras des larmes de crocodile », lance avec ironie l’ancien chef péquiste Jean-François Lisée dans le débat concernant la protection de la jeunesse, à la suite de la mort d’une fillette de sept ans victime de sévices à Granby.

Dans le texte de son balado obtenu par La Presse canadienne avant sa parution, M. Lisée, qui a déjà été porte-parole de l’opposition officielle en matière de protection de la jeunesse pendant près de deux ans, dénonce « l’insondable sans-gêne des libéraux » et leur demande de présenter des excuses. Il fait ainsi écho à la députée libérale Marwah Rizqy qui avait déjà suggéré que son parti fasse un acte de contrition pour les coupes budgétaires imposées par le gouvernement Couillard.

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Jean-François Lisée

Les élus à l’Assemblée nationale ont jusqu’à présent été assez prudents et ont évité de faire de la surenchère partisane concernant les problèmes de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), sauf certaines critiques concernant la réforme du réseau de la santé de l’ancien ministre libéral Gaétan Barrette sous le gouvernement Couillard. Les partis se sont d’ailleurs tous ralliés à l’idée d’une vaste consultation.

Cependant, M. Lisée, battu dans Rosemont en octobre dernier et affranchi de la ligne de parti, y va d’une attaque frontale : « On ne peut cependant passer sous silence l’extraordinaire toupet des membres de la députation libérale du Québec dans le nouveau et nécessaire débat sur la protection de la jeunesse vulnérable, écrit-il. Pendant leur dernier passage au pouvoir ils ont été les artisans conscients de l’affaiblissement constant des services rendus à nos jeunes. »

Un grand débat ?

Selon lui, il est « particulièrement absurde » que les libéraux réclament ce débat. En vertu de la loi, le gouvernement Couillard devait faire une consultation en 2016, avec un projet de loi et une commission parlementaire, mais l’exercice a été bâclé selon lui avec « des aménagements à la marge » et ils « se sont déclarés parfaitement satisfaits de leur travail ».

Il rappelle que le gouvernement Couillard a sabré de 20 millions en 2014 le budget de la DPJ et que même les directeurs régionaux de cette institution avaient publiquement dénoncé la décision. Puis, les DPJ ont perdu leur autonomie et ont été avalées par les nouvelles grandes structures régionales, CISSS et CIUSSS.

M. Lisée évoque les nombreux signaux d’alarme qui se sont pourtant succédé à l’époque, notamment la hausse des signalements, ainsi qu’une décision d’une juge en 2017 relative à un enfant de 5 ans dont les droits ont été lésés, décision dans laquelle elle dénonçait le « désordre administratif » de la réforme Barrette.

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L'ex-ministre libéral de la Santé, Gaétan Barrette

Également, il rappelle la « crise des fugueuses de Laval » en 2015. Un rapport d’expert soutenait qu’« il serait illusoire de penser qu’on peut respecter les conditions de succès de ces projets en même temps qu’on réduit les engagements financiers ».

L’ancien chef péquiste fait aussi référence à des témoignages du personnel de la DPJ qui se plaignait de la surcharge de travail et d’une perte d’expertise.

Des recommandations

Jean-François Lisée recommande de redonner à la DPJ son autonomie et idéalement de l’intégrer à un grand ministère de la Jeunesse, avec éducation préscolaire, primaire et secondaire.

Il suggère aussi d’ajuster à la hausse le budget de la DPJ en fonction du nombre de signalements. En outre, il propose aussi de lancer une « Politique nationale de bienveillance » avec comme objectif de réduire la maltraitance sur un horizon de quatre ans. Et également, il faudrait selon lui nommer au Bureau du premier ministre un Chargé de mission pour l’enfance qui ferait le suivi.

Enfin, l’ancien chef du PQ invite le Parti libéral à reconnaître sa « lourde part de responsabilité » s’il veut retrouver un peu de crédibilité dans ce débat. Il souhaite même qu’on retire à Hélène David le dossier de porte-parole de l’opposition en matière de services sociaux, parce qu’elle était ministre à l’époque.

« S’excuser auprès des enfants du Québec serait un bon début, écrit-il. Puis, de toute urgence, confier le dossier à un (e) député qui n’était pas présent, ou du moins pas ministre, au moment de la prise de ces très mauvaises décisions. Finalement, interdire aux ex-ministres libéraux de venir verser devant les caméras des larmes de crocodile. »