(Québec) Le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) demande au gouvernement Legault d’étendre l’interdiction du port de signes religieux « ostentatoires » à l’ensemble des employés de l’État qui ont des contacts avec les citoyens.

« Les symboles religieux ostentatoires n’ont pas leur place dans la fonction publique puisqu’ils sont contraires au principe de neutralité », a affirmé le SFPQ, jeudi, de passage à Québec pour la troisième journée de consultations du projet de loi 21 sur la laïcité de l’État.

Le syndicat, qui représente quelque 30 000 employés de la fonction publique québécoise, ramène ainsi des dispositions qui étaient prévues dans la défunte Charte des valeurs présentée par le gouvernement péquiste de Pauline Marois.

« Ces symboles, qui revêtent une signification importante pour les personnes qui les portent, peuvent être perçus comme très dérangeants par les citoyens et citoyennes qui entrent en interaction avec ces personnes », affirme le SFPQ dans son mémoire, qui fait un parallèle entre le devoir de neutralité politique des fonctionnaires à la volonté d’imposer une neutralité face à une appartenance religieuse.

Le projet de loi 21 présenté par le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) interdit le port de signes religieux (qu’ils soient « ostentatoires » ou non) aux employés de l’État en position d’autorité, incluant les enseignants et les directions scolaires.

Québec prévoit une clause grand-père pour les employés du secteur public qui sont visés par la loi, mais qui sont déjà à l’emploi de l’État en portant un signe religieux. Le SFPQ souhaite que ce droit acquis soit préservé tout au long de leur carrière. À l’heure actuelle, la loi prévoit qu’un employé visé perd son droit s’il change de poste ou d’employeur au sein de la fonction publique.

Stigmatisations des gais et des croyants

Lors de la période des questions, jeudi, la cheffe de Québec solidaire, Manon Massé, a fait un lien entre les droits des homosexuels qui ont été protégés en 1977 dans la Charte des droits et libertés de la personne et les droits que Québec souhaite désormais restreindre à certains employés de l’État qui portent un signe religieux.

« Le premier ministre répète à qui veut l’entendre que c’est parce que c’est comme ça qu’on vit au Québec [qu’il veut interdire les signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité, incluant les enseignants]. Comme si, lorsque nos prédécesseurs ont adopté [la Charte des droits et libertés], tous partis confondus avaient erré, en 1975. Et pourtant, en 1977, lorsque les droits des personnes homosexuelles ont été inclus dans la charte québécoise, ce n’était pas comme ça qu’on vivait au Québec », a dit Mme Massé.

« À l’époque, une large partie de la population était convaincue que nous, les gais et lesbiennes, on ne pouvait pas enseigner ou s’occuper des enfants, parce que, dans les faits, on allait les contaminer avec notre différence. Une chance que les politiciens de l’époque, puis ceux qui ont suivi, n’ont pas appuyé leur seul jugement sur les qu’en-dira-t-on, parce qu’aujourd’hui il manquerait bien des profs à l’école », a-t-elle ajouté.

« Personne ne peut nous reprocher de ne pas avoir été clairs durant la campagne électorale. […] On en parle depuis des années. Je comprends que la cheffe de Québec solidaire n’est pas d’accord, je comprends aussi que certains députés libéraux ne sont pas d’accord […], mais je pense qu’on doit avoir ce débat de façon calme, sans s’accuser de gros mots. Il faut être capable de débattre au Québec de façon respectueuse. Je pense que notre projet de loi est modéré, justement pour essayer de rassembler […]. Je pense qu’on a le droit au Québec de faire ce choix », a répondu le premier ministre François Legault.

Que prévoit le projet de loi 21  ?

Le projet de loi 21 sur la laïcité de l’État, déposé en mars dernier par le gouvernement Legault, prévoit l’interdiction du port de signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité, y compris les enseignants et les directions d’écoles publiques. Les policiers, les agents correctionnels, les agents de la faune, les constables spéciaux, les procureurs de la Couronne et tous les avocats du gouvernement sont également visés. Idem pour le président de l’Assemblée nationale et ses vice-présidents, alors que les députés pourront continuer de porter leurs signes religieux. Une clause de droit acquis est également prévue pour les employés de l’État actuellement en poste et qui portent un signe religieux, tant et aussi longtemps qu’ils ne changent pas de poste ou d’employeur. Tous les signes religieux sont visés par le projet de loi : tant le hijab que la kippa et la croix catholique. Québec a également inclus une disposition de dérogation aux chartes des droits afin que sa loi ne soit pas contestée devant les tribunaux.