Les jours de l'ex-ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould au sein du caucus libéral pourraient bien tirer à leur fin.

Montrant des signes d'exaspération lundi, plusieurs députés libéraux ont déclaré qu'elle devrait en être exclue. Ils pourraient d'ailleurs lui montrer la porte dès cette semaine.

Un sort qui pourrait aussi être celui de Jane Philpott, qui a quitté début mars son poste de présidente du Conseil du trésor, en raison de l'affaire SNC-Lavalin, disant haut et fort ne plus avoir confiance envers le gouvernement. Elle avait aussi agi par solidarité avec sa collègue du cabinet.

Bref, les libéraux se demandent depuis si les deux élues ont toujours leur place dans la famille libérale, certains se disant même « trahis ».

Lundi, députés et ministres libéraux ont fortement condamné l'ex-procureure générale pour avoir publié une conversation téléphonique de 17 minutes - qu'elle avait secrètement enregistrée - alors qu'elle discutait de l'affaire SNC-Lavalin avec l'ancien greffier du Conseil privé, Michael Wernick. On l'y entend répéter à plusieurs reprises à M. Wernick qu'elle estime qu'intervenir pour éviter un procès criminel à SNC-Lavalin serait de l'ingérence politique. Cet enregistrement audio visait à appuyer sa version des faits.

Il pourrait aussi être la goutte qui fait déborder le vase pour bien des libéraux - et sceller le sort de l'ex-ministre, qui n'est plus digne de confiance, selon ses collègues.

« Elle devrait être partie. [...] Il y a longtemps », a lancé le député Wayne Easter, en entrant à la Chambre des communes.

Quant à Alexandra Mendès, elle a été sans appel.

La députée de Brossard-Saint-Lambert s'est sentie « trahie ». Un tel enregistrement est « un manque d'éthique, "borderline" illégal », tranche-t-elle.

« Quand vous n'êtes pas capable de faire partie de l'équipe, vous ne faites pas partie de l'équipe. »

Un verdict qui vaut aussi pour l'ex-ministre Jane Philpott, selon elle. Même si ses actions ne sont pas du tout de la gravité et de la nature de celles de Mme Wilson-Raybould, dit-elle, le fait demeure qu'elle a déjà manifesté son manque de confiance dans le gouvernement.

« Si vous cessez de faire confiance au gouvernement, manifestement vous ne devriez pas faire partie du gouvernement ou vous ne devriez pas être dans le caucus qui soutient le gouvernement. »

Cette opinion était partagée par d'autres libéraux, certains disant même qu'ils aimeraient bien savoir si Mme Philpott a approuvé l'enregistrement secret.

La ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, a martelé qu'elle n'enregistrerait jamais quelqu'un à son insu. Pour elle aussi la confiance s'est évaporée.

Marc Garneau, le ministre des Transports, n'a pas voulu commenter une possible exclusion du caucus pour Mme Wilson-Raybould. Mais il a été très dur envers elle, pour cet enregistrement fait sans que M. Wernick le sache.

« C'est un acte complètement inapproprié et ce n'est pas une chose honorable à faire. »

Dans un document soumis au comité, Mme Wilson-Raybould a déclaré qu'elle a agi de la sorte car elle était seule chez elle, sans employé pour prendre des notes, et qu'elle voulait s'assurer d'avoir des traces de ce qui avait été discuté car elle craignait que cette conversation soit inappropriée.

Si le but était d'avoir des notes, elle aurait pu le dire à M. Wernick qu'il était enregistré, a commenté lundi la ministre du Tourisme Mélanie Joly.

Mme Wilson-Raybould a quitté le cabinet après avoir été envoyée à la mi-janvier au ministère des Anciens Combattants par le premier ministre Justin Trudeau.

Son sort et celui de Mme Philpott pourraient être décidés mercredi matin lors du caucus hebdomadaire. Ou avant, si un caucus spécial était tenu.

L'opposition s'est déjà préparée pour cette éventualité.

« Si Justin Trudeau expulse ces dénonciatrices courageuses, ça va être une preuve d'un camouflage et ça va montrer un gouvernement corrompu », a averti lundi le député conservateur Pierre Poilievre.

Discours sans fin

La Chambre des communes a été à nouveau perturbée par l'affaire SNC-Lavalin, lundi.

Peu après 12 h, un député conservateur a entamé un discours qu'il n'entend finir que lorsque le gouvernement libéral acceptera qu'un comité parlementaire reprenne l'étude de cette affaire.

Avant de se lancer dans son discours-fleuve, Pierre Poilievre a convoqué la presse dans le foyer de la Chambre des communes.

« Je vais continuer à parler à la Chambre des communes [...] jusqu'au moment où M. (Justin) Trudeau mettra fin au camouflage et permettra à tous les témoins de paraître devant le comité », a-t-il prévenu.

Son discours étant la réponse de l'opposition officielle au budget déposé le 19 mars dernier, les règles parlementaires n'en limitent pas la durée.

La manoeuvre d'obstruction devra cependant être suspendue quotidiennement pour l'heure de la période des questions, ainsi qu'à la fin de chaque journée. Et on peut déjà prévoir sa fin, puisque la réponse au budget se fait normalement en quatre jours.

Les conservateurs réclament que le comité de la justice ou le comité de l'éthique puisse appeler une douzaine de témoins dont l'ex-ministre Wilson-Raybould pour une deuxième comparution. Les libéraux, majoritaires aux deux comités, ont résisté aux demandes de l'opposition. Mardi, les conservateurs tenteront à nouveau de déposer une motion au comité de la justice pour qu'il reprenne l'étude de cette affaire.