La députée de Québec solidaire (QS), Ruba Ghazal, se dit à l'aise à ce qu'une téléphoniste de l'État chargée de servir les citoyens puisse porter le voile intégral comme le niqab ou la burqa. « Si ça lui permet de gagner sa vie, pourquoi pas ? » a-t-elle affirmé au dernier jour du conseil national du parti, dimanche.

Pour elle, « ce qui est important, c'est que la femme puisse avoir la totale liberté de gagner sa vie ».

Depuis samedi, les représentants de QS y vont de toutes sortes d'interprétations quant à une proposition adoptée par les 300 délégués qui cible, sans le nommer, le voile intégral cachant le visage. Les deux co-porte-paroles, Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois, ont eu bien du mal à l'expliquer - ce dernier reconnaissant lui-même une « confusion » autour de la question.

Selon la proposition adoptée, une employée de l'État pourrait porter le niqab ou la burqa hormis dans certaines circonstances. « Le port de vêtements couvrant le visage peut être restreint pour les fonctionnaires ou personnes employées de l'État lorsque ces vêtements contreviennent » à l'un ou l'autre de quatre critères, indique-t-on.

Ainsi, il ne faut faire le recrutement d'adeptes (prosélytisme) et manquer à son devoir de réserve. Le signe religieux ne doit pas non plus entraver l'exercice de la profession ou encore contrevenir à des normes de sécurité. Les militants ont par ailleurs rejeté un critère qui aurait eu pour effet d'interdire le voile intégral à toute personne donnant des services directs à la population.

Les trois autres partis représentés à l'Assemblée nationale appuient la règle selon laquelle un employé de l'État doit exercer ses fonctions à visage découvert.  

« Nous sommes contre une interdiction mur à mur » du voile intégral dans la fonction publique, expliquait Gabriel Nadeau-Dubois samedi. « Mais nous pensions qu'il est possible et souhaitable de l'interdire dans plusieurs circonstances. » Ce serait aux employeurs de déterminer les situations où le visage doit être découvert. Mais une enseignante ne pourrait se couvrir le visage selon la proposition adoptée, selon M. Nadeau-Dubois. Il n'a pas voulu donner d'exemple où une employée pourrait porter le voile intégral.

« Je ne suis pas capable de vous donner un exemple d'une situation où ce serait compatible avec l'exercice de la profession », disait-il dans un deuxième point de presse organisé en catastrophe, parlant de situations « hypothétiques » et « fictives ».

D'autres représentants du parti ont pourtant trouvé des exemples : l'animatrice de l'assemblée plénière, celle qui dirigeait les débats, affirmait à La Presse samedi qu'une commis de la SAAQ, par exemple, pourrait très bien porter le voile intégral selon la proposition adoptée.

De son côté, la militante de longue date, Denise Veilleux, « trouve ça difficile à avaler », cette proposition. « Je ne suis absolument pas d'accord avec ça. Il faut donner et recevoir les services à visage découvert. Pour la prestation de services, c'est inadmissible » le voile intégral, a soutenu cette ancienne porte-parole de l'Union des forces progressistes, un parti qui a fusionné avec le mouvement Option citoyenne pour former Québec solidaire.

Députée de Mercier, Ruba Ghazal se dit quant à elle « à l'aise » avec la proposition « parce qu'on a été extrêmement restrictif ». « On fait ça pour aider l'employeur de la fonction publique à prendre une décision claire quand est-ce qu'il l'interdise ou pas », le visage couvert.

« En ce moment, il n'y en a pas,  ça n'existe pas, mais quand ces cas-là vont se présenter, on va les analyser froidement avec les critères qu'on a votés » et « au cas par cas », a-t-elle soutenu. Elle a ensuite déclaré qu'il serait approprié à ses yeux qu'une téléphoniste ayant le visage couvert par un voile soit à l'emploi de l'État pour servir les citoyens.

« Savez-vous ce qui me met mal à l'aise ? C'est qu'on parle de très très peu de personnes, on les stigmatise, et moi je n'ai pas envie d'en rajouter encore plus », a-t-elle dit.

Ruba Ghazal s'était positionnée publiquement pour que le parti appuie toujours la recommandation du rapport Bouchard-Taylor, celle de proscrire les signes religieux pour les agents de l'État ayant un pouvoir de coercition (policiers, gardiens de prison, juges et procureurs de la Couronne). Les militants ont voté par une écrasante majorité pour changer de positon et s'opposer à toute interdiction sur le port de signes religieux.

« J'étais pour Bouchard-Taylor, mais je n'étais pas fondamentalement contre » la proposition adoptée, a-t-elle affirmé. « Je ne pense pas que les gens tombent des nues avec cette position de Québec solidaire. Je pense que les gens s'y attendaient. On a un membership beaucoup plus jeune que les autres partis, et ce qui est le plus important pour eux n'est pas ce genre de débat sur l'identité. »