Les propriétaires et chauffeurs de taxis n'auront pas un sou de plus en compensation pour la perte de valeur de leur permis.

Le ministre des Transports, François Bonnardel, a clairement indiqué lundi en mêlée de presse que la somme de 500 millions offerte par le gouvernement est « un montant final ».

Des milliers de chauffeurs de taxis ont pris la rue, lundi matin, notamment à Montréal et Québec en pleine heure de pointe, pour manifester et ralentir la circulation sur des artères névralgiques, provoquant des bouchons monstres.

« Qui va payer la banque ? »

Dans la métropole, des chauffeurs de taxis se sont succédé au porte-voix en s'adressant directement au ministre, bien que celui-ci était à Québec :

« Vous avez mis des familles en faillite. On va se souvenir et on va sortir nous-mêmes le vote avec nos taxis. »

« T'as démoli nos vies, t'as mis nos familles en péril. »

« M. Bonnardel, vous avez posé un geste criminel envers la communauté immigrante. »

« Il n'y pas juste les immigrants ; il y a des Québécois aussi en région et ils sont avec nous autres. Que ce soit des Québécois, des immigrants, des Arabes, des Noirs, t'as mis nos familles en jeu. On a tous des enfants, on a des maisons hypothéquées par nos taxis. Tu viens de tout foirer ça. »

« La banque... qui va payer la banque ? Chaque semaine, les 200 000 $, qu'est-ce que vous allez faire avec ça ? C'est le gouvernement qui nous a autorisés à avoir un permis de taxi. M. Bonnardel, il faut assumer votre responsabilité. »

À ce dernier sujet, les chauffeurs qui sont propriétaires d'un permis de taxi rencontrés par La Presse canadienne ont unanimement dénoncé le niveau de compensation promis. D'après eux, Québec s'apprête à leur offrir un montant tournant autour de 25 000 $ pour des permis payés jusqu'à 200 000 $.

« La retraite, c'est fini. Bye bye »

« Ça m'a coûté plus que 200 000 $ avec des intérêts de 12, 13, 14 % à la Caisse populaire », a confié Habib Helou, chauffeur-propriétaire.

« Il y a des centaines de personnes qui ont des dettes de 150 000 $, 175 000 $ pour un permis qui vaut zéro aujourd'hui. Pourquoi il doit continuer à payer pour avoir zéro dollar à la fin ? »

Pour M. Helou, c'est son fonds de pension qui s'envole avec la nouvelle loi : « Je suis à la retraite, mais la retraite c'est fini, bye bye. La retraite fédérale, la retraite provinciale, ce n'est même pas 500 $ par mois. Comment je vais vivre ? Je suis à la retraite et je continue à travailler pour arriver. »

Ces chauffeurs sont extrêmement mécontents non seulement du niveau de compensation, mais aussi de la déréglementation de l'industrie telle que proposée par le projet de loi déposé par M. Bonnardel.

« Un bel équilibre »

Le ministre, qui procédait à une annonce en matière de transport dans la région de Québec, doit rencontrer les représentants de l'industrie mardi. Il s'est dit prêt à entendre les insatisfactions des chauffeurs, mais aussi à défendre les aspects qui, selon lui, seront bénéfiques pour eux.

« Je pense que j'ai réussi à trouver un bel équilibre entrer les nouvelles technologies et de protéger le taxi traditionnel », a affirmé M. Bonnardel.

« Je comprends que l'industrie peut être bouleversée. Quand on amène des changements, il y a des bouleversements, c'est normal », a dit le ministre, ajoutant qu'il souhaite discuter avec les gens du milieu afin de « comprendre avec eux ce qu'eux aiment et ce qu'ils n'aiment pas ».

Il est déjà acquis, cependant, que l'ajout de 250 millions aux compensations équivalentes déjà mises sur la table par le gouvernement libéral précédent représente la première et plus importante pomme de discorde, mais cet élément n'est pas négociable, selon François Bonnardel qui invoque « la capacité de payer des Québécois ».

Quand on y oppose le coût des emprunts de centaines de milliers de dollars pour l'achat d'actifs dont la valeur est réduite à néant par son projet de loi, le ministre affirme avoir « beaucoup d'empathie », mais s'empresse d'ajouter qu'une foule de frais administratifs vont disparaître avec la déréglementation proposée.

« Je dis aux chauffeurs : le lendemain de cette loi, vous allez pouvoir faire de la tarification dynamique ; le lendemain de cette loi, les charges financières administratives seront moindres pour l'industrie. Vous aurez plus d'argent dans vos poches. »

Moyens de pression : incertitude

Le ministre s'est par ailleurs désolé des moyens de pression, affirmant que ce sont les clients de l'industrie du taxi qui s'en trouvent pénalisés, sans compter les automobilistes pris dans la circulation.

La grève de lundi devait être suivie de moyens de pression indéterminés durant la semaine, mais ceux-ci devaient être suspendus mardi en raison de la rencontre entre le ministre et les représentants de l'industrie.

La déclaration du ministre Bonnardel, à l'effet que le montant de 500 millions est un montant final, a toutefois été très mal accueillie sur le terrain.

À Québec, notamment, de nombreux chauffeurs-propriétaires ont fait part de leur intention de n'accorder aucune trêve mardi, mais la suite des événements reste à déterminer.

Outre Montréal et Québec, des manifestations avaient lieu un peu partout en province.

Liste des villes et régions touchées :

Montréal, Québec, Trois-Rivières, Gatineau, Saint-Hyacinthe, Sherbrooke, Rivière-du-Loup, Repentigny, Laval, Longueuil, Saguenay, Trois-Pistoles, Saint-Georges de Beauce, Saint-Joseph de Beauce, Thetford Mines, Rimouski, Shawinigan, Joliette, Saint-Jérôme, Sorel, Victoriaville, Hull, Drummondville, Granby, l'Abitibi-Témiscamingue, la Gaspésie, la Montérégie, la Côte-Nord.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

François Bonnardel