Moins de 24 heures après avoir déposé sa réforme tant attendue sur l'immigration, Québec se fait fermer la porte à doubles tours par Ottawa quant à sa demande de retrouver le pouvoir d'imposer des conditions au statut de résidence permanente émis aux immigrants.

La réponse du gouvernement Trudeau a été rendue rapidement, dès jeudi soir, aux cabinets du premier ministre François Legault et du ministre Simon Jolin-Barrette. C'est « non », a pu confirmer La Presse vendredi matin.  

« Les compétences en matière d'immigration sont clairement définies dans l'Accord Canada-Québec et nous respecterons toujours celles-ci. Plus d'analyses sur le projet de loi 9 est nécessaire, mais de prime abord, nous ne sommes pas favorables à la réintroduction de la résidence permanente conditionnelle », a finalement déclaré par courriel plus tard en journée le ministre fédéral des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc.

Un premier pas vers un test des valeurs 

Jeudi, à l'Assemblée nationale, le ministre de l'Immigration du gouvernement Legault, Simon Jolin-Barrette, critiquait sévèrement le gouvernement libéral de Philippe Couillard pour avoir enlevé une disposition qui permettait autrefois au Québec de dicter des conditions à l'octroi par Ottawa de la résidence permanente aux nouveaux arrivants.

Dans son projet de loi, déposé jeudi, M. Jolin-Barrette décrète désormais que « lorsque le ministre sélectionne un ressortissant étranger, il peut lui imposer des conditions qui affectent la résidence permanente conférée en vertu de la Loi sur l'immigration [fédérale] afin d'assurer, notamment [...] la satisfaction des besoins régionaux ou sectoriels de main-d'oeuvre [...] ou l'intégration linguistique, sociale ou économique du ressortissant étranger ».  

Ces « conditions » pourraient notamment viser les connaissances du français et des valeurs québécoises, testées à l'aide d'un examen, ou bien déterminer les régions où les immigrants s'établissent. Or, pour ce faire, le gouvernement fédéral de Justin Trudeau devait modifier les règlements de sa propre loi sur l'immigration pour donner à Québec ce pouvoir.  

À Québec, on s'étonnait vendredi du refus d'Ottawa de redonner au gouvernement provincial ce pouvoir qui était inclus, dit-on, dans l'accord historique négocié entre les deux paliers de gouvernement pour faire de l'immigration une compétence partagée.  

Alors que se tiendront des élections sur la scène fédérale plus tard cette année, le gouvernement Trudeau devra expliquer aux Québécois pourquoi il ne leur permet pas d'évaluer les connaissances des valeurs et du français aux immigrants qui s'établissent au Québec, affirme-t-on vendredi à Québec.  

Entre-temps, les équipes des deux ministères de l'Immigration - tant du côté d'Ottawa que du côté de Québec - poursuivront ces prochaines semaines des discussions afin de trouver « des pistes d'atterrissage » concernant les autres demandes du gouvernement Legault, notamment en matière des seuils d'immigration.  

L'opposition réagit 

Les partis d'opposition à Québec ont réagi vendredi au refus d'Ottawa d'octroyer à Québec le pouvoir d'établir des conditions à l'octroi du statut de résident permanent pour les immigrants s'installant sur son territoire.  

« Deux NON retentissants du gouvernement canadien en à peine quelques jours : pouvoirs en immigration et rapport d'impôt unique. On propose au gouvernement de la CAQ un projet emballant qui mettra fin à ces refus : l'indépendance du Québec », a écrit sur Twitter la députée péquiste Véronique Hivon.  

« Québec solidaire veut tous les pouvoirs au Québec en immigration comme dans tous les domaines. Si le Québec détenait tous ses leviers en immigration on ne serait pas là à tergiverser sur les dissensions Québec/Ottawa, on parlerait du sujet de fond », a pour sa part déclaré par voie de courriel Andrès Fontecilla, député solidaire de Laurier-Dorion.