L’échiquier politique a été chamboulé à plus d’une reprise sur la scène fédérale au cours de la dernière décennie. Et cela a entraîné des changements majeurs au sein de la société canadienne. Le Canada a aussi dû s’ajuster à l’arrivée au pouvoir d’un président imprévisible à Washington. Retour sur les événements marquants des 10 dernières années.

Mourir dans la dignité, fumer en toute légalité

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le 17 octobre 2017, le Canada est devenu le premier pays du G7 à permettre à ses citoyens de fumer un joint en toute légalité.

Deux changements majeurs dans la société canadienne. Le premier découle d’un arrêt unanime de la Cour suprême. « La prohibition de l’aide médicale à mourir porte atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne d’une manière non conforme aux principes de justice fondamentale », ont écrit les juges en février 2015. Sous le gouvernement Trudeau, en 2016, on a accouché d’une loi considérée comme restrictive qui est appelée à être élargie. L’autre transformation sociétale vient d’une promesse libérale de légaliser le cannabis. Le 17 octobre 2017, le Canada est devenu le premier pays du G7 à permettre à ses citoyens de fumer un joint en toute légalité. Le gouvernement Trudeau présente la mesure comme une façon d’éloigner la substance des jeunes et de priver le crime organisé de recettes faramineuses.

Bousculés par Trump

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle de novembre 2016 a jeté un doute quasi permanent sur la stabilité des relations canado-américaines.

Le Canada a rarement consacré autant d’énergie et de temps à tenter de sauvegarder ses relations avec son principal allié et partenaire commercial depuis toujours, les États-Unis. La victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle de novembre 2016 a jeté un doute quasi permanent sur la stabilité des relations canado-américaines. Le gouvernement Trudeau a passé la majeure partie de la seconde moitié de son premier mandat à négocier une nouvelle monture de l’Accord de libre-échange nord-américain. Un nouvel accord a été conclu en septembre 2018 après des mois de négociations. Mais l’incertitude continue de planer sur cette entente qui n’a toujours pas été ratifiée par le Congrès américain.

La fin d'un dogme

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Au cours de la campagne électorale 2015, Justin Trudeau a fait voler en éclats le dogme qui entoure l’équilibre budgétaire en promettant des déficits « modestes » pour investir dans les infrastructures, entre autres.

Si les années 90 ont été marquées par une difficile lutte contre le déficit qui a permis d’engranger de faramineux surplus par la suite, la dernière décennie a relégué au second rang la discipline de fer qui avait caractérisé la gestion des finances publiques des gouvernements libéraux de Jean Chrétien et de Paul Martin et, dans une certaine mesure, du gouvernement conservateur de Stephen Harper. C’est Justin Trudeau qui, durant la campagne électorale de 2015, a fait voler en éclats le dogme qui entoure l’équilibre budgétaire en promettant des déficits « modestes » pour investir dans les infrastructures, entre autres. Réélu le 21 octobre, le gouvernement Trudeau n’a pas de plan pour revenir à l’équilibre budgétaire.

Fusillade au parlement

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le caporal Nathan Cirillo a été tué alors qu’il montait la garde devant le Monument commémoratif de guerre, à Ottawa, le 22 octobre 2014.

C’était un mercredi de 2014 comme tous les autres, jusqu’à ce qu’un tireur fasse irruption dans l’édifice du Centre. Il venait d’exécuter froidement, de trois balles dans le dos, un soldat qui montait la garde au Monument commémoratif de guerre. Un garde a tenté de lui bloquer le chemin, mais en vain : il a reçu une balle dans la jambe. Le tireur a ensuite pointé son arme sur la poitrine de l’autre agent, mais il l’a épargné et s’est mis à courir dans le hall d’honneur. Le tireur est passé devant les salles où se trouvaient les députés. Il s’est retrouvé cerné devant la bibliothèque. Il est mort criblé de balles. Il avait prêté allégeance au groupe armé État islamique, selon ce qu’il a prétendu dans une vidéo tournée avant l’attaque. La sécurité sur la colline du Parlement a été resserrée après l’évènement.

Vague historique

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le Nouveau Parti démocratique, avec aux commandes Jack Layton, a fait élire 103 députés lors des élections générales de 2011, devenant ainsi l’opposition officielle à la Chambre des communes pour la première fois de son histoire. M. Layton est mort quatre mois plus tard. 

Personne n’aurait pu prévoir la force de la vague orange qui allait déferler au pays — et principalement au Québec — le soir des élections générales du 2 mai 2011. Le Nouveau Parti démocratique, avec aux commandes Jack Layton, fait élire 103 députés, devenant ainsi l’opposition officielle à la Chambre des communes pour la première fois de son histoire. C’est au Québec que les troupes néo-démocrates font le plus de gains, avec 59 sièges. L’élection-surprise de Ruth Ellen Brosseau, qui n’avait pas fait campagne et qui était introuvable le soir du scrutin, marque d’ailleurs l’imaginaire. Cette victoire fulgurante est cependant assombrie quatre mois plus tard par la mort de M. Layton des suites d’un cancer. Il demeure aujourd’hui une des figures marquantes de la politique canadienne.

Déclin et renaissance

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Le soir des élections de 2011, le Bloc québécois a pratiquement été rayé du paysage politique canadien en ne faisant élire que quatre députés. 

Après avoir régné en maître au Québec sur la scène fédérale pendant près de deux décennies, le Bloc québécois a vu son influence à Ottawa s’estomper à compter de 2011, année électorale où il a été réduit à quatre sièges à la Chambre des communes. La traversée du désert pour ce parti fondé par Lucien Bouchard s’est poursuivie pendant huit ans, au point que beaucoup croyaient à sa disparition. Le Bloc québécois est revenu en force aux élections du 21 octobre dernier en remportant 32 sièges, mais le chef bloquiste Yves-François Blanchet a mis en sourdine l’option souverainiste durant la campagne.

Ascension de Trudeau et fin pour Harper

PHOTO BEN NELMS, ARCHIVES BLOOMBERG

Stephen Harper a été premier ministre du Canada pendant la première moitié de la décennie qui s’achève.

Alors que l’usure du pouvoir se fait sentir après 10 ans de règne conservateur à Ottawa, ce sont les troupes néo-démocrates de Thomas Mulcair qui sont pressenties pour prendre le pouvoir à l’aube du déclenchement des élections de 2015. Mais avec une campagne en dents de scie — la plus longue de l’histoire canadienne, soit 78 jours —, le NPD n’arrive pas à s’imposer et s’empêtre dans le débat sur le port du niqab. Justin Trudeau, qui partait bon troisième, se faufile jusqu’au pouvoir en faisant élire 184 députés. Dès le lendemain de l’élection, le chef libéral envoie le message d’une nouvelle ère politique en prenant un bain de foule dans une station de métro de Montréal.

La parité

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

En 2015, Justin Trudeau a présenté le tout premier cabinet paritaire de l’histoire du Canada.

« Parce qu’on [était] en 2015 », Justin Trudeau a dévoilé la composition du tout premier cabinet paritaire de l’histoire du Canada. Quinze hommes et quinze femmes se tenaient derrière le premier ministre à Rideau Hall, le 4 novembre. Et le concept a fait des petits : ont notamment suivi les gouvernements paritaires d’Emmanuel Macron, en France (mai 2017), ou encore, plus proche d’ici, le Conseil des ministres de François Legault (octobre 2018). C’est d’ailleurs ce mois-là que l’on a atteint un pic historique de gouvernements paritaires à l’échelle mondiale : 10 au total, selon le compte de l’agence ONU Femmes et l’Union interparlementaire internationale. Quant à Justin Trudeau, il a refait le coup en formant un conseil des ministres paritaire en lever de rideau de son second mandat.

Au revoir, Kyoto, bonjour, Paris

PHOTO JACKY NAEGELEN, ARCHIVES REUTERS

L’un des premiers gestes des libéraux, lorsqu’ils ont repris le pouvoir en 2015, a été d’adhérer à l’accord de Paris sur le climat.

Le gouvernement de Stephen Harper a causé toute une commotion en se retirant du protocole de Kyoto. Le Canada a désavoué ce que l’ex-dirigeant conservateur avait qualifié de « complot socialiste » contenant des « cibles stupides » en décembre 2011, provoquant une levée de boucliers tant au pays que sur la scène internationale. L’un des premiers gestes des libéraux, lorsqu’ils ont repris le pouvoir en 2015, a été d’adhérer à l’accord de Paris sur le climat. « Le Canada est de retour », a clamé Justin Trudeau dans la capitale française. Le hic ? Le Canada semble en passe de rater les cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES) qu’il s’est fixées – celles-là mêmes qui avaient été établies par le gouvernement Harper.

Réconciliation avec les autochtones

PHOTO LIAM RICHARDS, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Promesse phare des libéraux lors de la campagne de 2015, la grande réconciliation entre la Couronne et les Premières Nations a progressé de façon historique sous le règne de Justin Trudeau.

Promesse phare des libéraux lors de la campagne de 2015, la grande réconciliation entre la Couronne et les Premières Nations a progressé de façon historique sous le règne de Justin Trudeau. À peine en fonction, le premier ministre a offert des excuses publiques aux autochtones, en décembre 2015, pour le sort qui leur a été réservé dans les pensionnats de la fin du XIXe siècle aux années 70. En cours de mandat, des investissements de toutes sortes s’élevant à 21 milliards ont notamment été faits dans les services aux autochtones. Le gouvernement a aussi fait lever 87 avis à long terme sur la qualité de l’eau potable depuis novembre 2015. Il a de plus autorisé le déploiement de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, dont le rapport a été déposé en juin dernier.