(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau promet de ne pas laisser ses homologues provinciaux faire obstacle aux plans des municipalités visant à interdire les armes de poing.

Dans une entrevue avec La Presse canadienne, M. Trudeau a également défendu l’intention de son gouvernement de permettre l’interdiction des armes de poing ville par ville plutôt que de promulguer une interdiction fédérale radicale.

Certains politiciens municipaux de Montréal, d’Ottawa et de Toronto, préoccupés par les fusillades mortelles, ont appelé à des mesures pour contrôler les armes de poing dans leurs villes.

Le gouvernement Trudeau prévoit habiliter les provinces et les villes à prendre des mesures pour gérer l’entreposage et l’utilisation des armes de poing sur leur territoire, étant donné qu’elles ont des besoins et des préoccupations différentes.

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Justin Trudeau

« Nous avons entendu un certain nombre de grandes villes nous dire qu’elles voulaient pouvoir interdire les armes de poing dans les limites de leur ville, a déclaré M. Trudeau. C’est quelque chose que nous entendons dans certains endroits très spécifiques à travers le pays, mais pas partout à travers le pays. Nous pensons que ce serait une étape importante pour aller de l’avant et donner aux villes et aux provinces des moyens pour le faire. »

Le groupe PolySeSouvient, une voix de premier plan pour le contrôle des armes à feu, plaide pour une interdiction des armes de poing à l’échelle nationale, arguant que les réglementations locales sont généralement inefficaces, comme le montre ce qu’il nomme « la mosaïque désastreuse de lois et de règlements disparates [à l’échelle] des villes et des états » aux États-Unis.

Les interdictions locales devraient également surmonter « d’énormes obstacles », dressés notamment par les gouvernements provinciaux idéologiquement opposés au contrôle des armes à feu. Les municipalités doivent aussi faire face à toute « une gamme de complications légales et juridictionnelles », a déploré le groupe dans une lettre ouverte envoyée au nouveau ministre de la Sécurité publique, Bill Blair.

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Le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a déjà manifesté son opposition à l’interdiction des armes de poing malgré le soutien du maire de Toronto, John Tory.

Le gouvernement fédéral souhaite confier certains pouvoirs sur les armes à feu aux provinces, ce qui permettrait aux municipalités d’adopter leurs propres règlements, a confié M. Trudeau.

« Dans certaines situations, nous pouvons avoir une province qui n’est pas disposée à agir malgré la volonté d’une ou de plusieurs villes de le faire, a-t-il souligné. On m’a assuré qu’il y avait d’autres moyens que nous pouvons utiliser, mais qui ne seraient toutefois pas idéaux, car cela impliquerait des désaccords avec des provinces à un moment nous souhaitons une plus grande collaboration. »

M. Trudeau a refusé de préciser la teneur de ces mesures « parce que c’est quelque chose que nous espérons ne pas avoir à utiliser. »

Il a maintenu que de nouvelles restrictions ne représentent qu’un élément de la stratégie fédérale sur les armes de poing.

Le gouvernement poursuivra la lutte contre la contrebande d’armes de poing au Canada. Il veut avoir les moyens pour obtenir plus d’informations sur les achats auprès des détaillants et mieux entreposer les armes à feu dans les commerces et les maisons afin d’en empêcher le vol, a ajouté le premier ministre.

Selon les libéraux, la lutte contre la violence urbaine passe également par les dépenses consacrées à la lutte contre les bandes criminelles, aux centres communautaires et aux services de police locaux.

Ils veulent adopter rapidement une interdiction des armes à feu d’assaut comme le populaire AR-15. Ils soutiennent que les armes conçues pour infliger des pertes massives n’ont pas leur place au Canada. Les propriétaires de ces armes achetées légalement se verront offrir des prix équitables sur le marché pour s’en débarrasser.

M. Trudeau refuse de croire que le statut minoritaire de son gouvernement lui laissera peu de temps pour se lancer dans un contrôle plus strict des armes à feu.

« Notre principale préoccupation est de bien faire les choses, mais même dans une situation minoritaire, nous avons vu qu’il y a un consensus très clair de trois des partis à la Chambre — nous, le NPD et le Bloc — pour faire d’un meilleur contrôle des armes une priorité. »