(Toronto) Le premier ministre François Legault n’a pas l’intention de remettre sur le tapis la controverse de la semaine dernière entourant la Loi 21 ni aucune autre pomme de discorde entre les provinces, souhaitant davantage se concentrer « sur les sujets qui rassemblent » les premiers ministres du pays.

« Je pense que si on veut avoir du succès dans nos demandes auprès de [Justin] Trudeau, c’est mieux qu’on parle d’une seule voix sur des sujets sur lesquels on s’entend », a expliqué François Legault, en mêlée de presse ce matin, avant le début de la réunion spéciale du Conseil de la fédération, qui se tient aujourd’hui à Toronto.

C’est la première fois que les élus des provinces se rencontrent depuis la réélection des troupes libérales de Justin Trudeau à la tête du pays. La réunion revêt une importance particulière alors que les provinces tenteront de mettre en commun leurs forces pour parler d’une voix forte à Ottawa, dans le contexte du nouveau gouvernement minoritaire.

Les premiers ministres semblent d’ailleurs être prêts à mettre leurs différends de côté et miser sur la collaboration. « Depuis [dimanche] soir, c’est exactement ce qu’on essaye de faire, de trouver quelques points sur lesquels on est tous d’accord pour être capable de faire front commun dans nos demandes au fédéral », a-t-il ajouté.

On peut comprendre entre les lignes que M. Legault ne reviendra pas sur l’achat, par le gouvernement manitobain, de publicités parues dans des journaux québécois pour critiquer la loi sur la laïcité de l’État. « J’ai déjà eu l’occasion de plaider et d’expliquer pourquoi on a adopté la Loi 21 », a rappelé le premier ministre québécois.

Il s’attend par ailleurs à ce que ses vis-à-vis fassent de même. « Je souhaite idéalement qu’on ne parle pas des oléoducs, qu’on ne parle pas de la taxe sur le carbone, qu’on ne parle pas de la péréquation. Il y a des sujets qui nous divisent et on souhaiterait, en tout cas moi je souhaite, qu’on travaille sur des sujets qui nous unissent », a-t-il dit.

Le ton de la réunion présidée par le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, semble par ailleurs déjà plus cordial alors que la plupart des élus ont indiqué vouloir travailler à renforcer l’unité nationale. « J’étais content de voir Jason Kenney, Doug Ford, Scott Moe éviter les sujets sur lesquels on ne s’entend pas », a précisé M. Legault.

Bien jouer ses cartes

L’élection d’un gouvernement minoritaire pourrait d’ailleurs donner des munitions aux provinces, estime-t-il. « C’est certain que M. Trudeau ne peut pas imposer ses vues, il doit aller chercher un certain support dans les provinces au cas où il y aurait une élection dans 18 mois, mais il y a contexte où effectivement si on joue bien nos cartes, les provinces, on pourrait faire des gains avec Ottawa », a admis le chef du gouvernement caquiste.

La santé et l’énergie sont certainement des thèmes au cœur des discussions. Déjà, M. Legault réclame la hausse des transferts en santé notamment dans le contexte où Justin Trudeau souhaite mettre en place un régime d’assurance-médicaments universel. « On a déjà un régime d’assurance-médicaments, donc ce qu’on voudrait, c’est que l’argent qui vient d’Ottawa en santé soit utilisé là où le Québec le souhaite », a indiqué M. Legault.

Sur le plan de l’énergie, même si Doug Ford a de nouveau fermé la porte à l’achat de l’hydroélectricité québécoise, le week-end dernier, François Legault ne perd pas espoir pour l’avenir. « À court terme, on savait que M. Ford est en surplus et qu’il ne voulait pas d’hydroélectricité, mais l’avenir est loin et moi je suis encore confiant qu’à long terme, on va encore être capable d’augmenter nos exportations d’hydroélectricité », a-t-il soutenu.

Dimanche, avant la tenue d’un souper privé entre les premiers ministres, Scott Moe, Blaine Higgs du Nouveau-Brunswick et M. Ford ont annoncé qu’ils allaient miser sur de petits réacteurs nucléaires modulaires. Interrogé sur la question, M. Legault a rappelé que ces projets étaient « petits » avant de se dire confiant que « la pression [sera] de plus en plus forte pour utiliser en énergie, moins de gaz ».

« Donc, il va y avoir une tension sur l’Ontario pour aller vers des énergies propres, des énergies renouvelables. Je reste très confiant à long terme », a-t-il offert.

Au cabinet du premier ministre, on confirme également que M. Legault s’attend à ce qu’Ottawa respecte l’autonomie des provinces. François Legault voudra aussi sensibiliser ses vis-à-vis qu’il y a urgence de réitérer à M. Trudeau l’importance de renégocier le « Buy America Act », qui nuit pour l’heure aux exportations d’entreprises québécoises.

Les provinces pourraient aussi trouver un terrain d’entente pour identifier des assouplissements dans la mise en œuvre de la Loi C-69, qui viendra modifier l’examen environnemental fédéral des grands projets énergétiques. L’Alberta, l’Ontario et la Saskatchewan se sont déjà exprimées contre les visées d’Ottawa alors que le Québec n’y est pas non plus tellement favorable.

Les premiers ministres doivent tenir une conférence de presse commune autour de 14 h cet après-midi.