(Québec) Le gouvernement Legault termine une semaine cauchemardesque en battant en retraite complètement : il suspend son règlement controversé modifiant l’accès au Programme de l’expérience québécoise (PEQ).

Les nouvelles règles du PEQ réduisaient considérablement le nombre d’étudiants et d’employés qui pouvaient être acceptés au Québec, alors que la pénurie de main-d’œuvre frappe toutes les régions.

Il s’agit d’un autre revers pour le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, qui avait dû mercredi accorder une clause de droits acquis aux étudiants et travailleurs déjà établis ici, dont le cri du cœur avait ému l’opinion publique.

Vendredi soir, il a annoncé qu’il suspendait le règlement, le temps de mener des consultations. « Au cours des derniers jours, différents acteurs des milieux économiques et de l’éducation ont soulevé des interrogations », a-t-il affirmé dans un communiqué.

« Afin de rassurer l’ensemble de ces acteurs, […] les listes des domaines de formation en demande et des emplois en déficit seront révisées en collaboration avec (eux). »

Le PEQ est un programme qui a été conçu à l’origine pour permettre à tous les étudiants étrangers titulaires d’un diplôme admissible, ou aux personnes avec une expérience de travail au Québec, de recevoir rapidement un certificat de sélection du Québec, et ainsi de pouvoir s’installer ici. En 2018, il y avait 11 000 personnes admises en vertu du PEQ au Québec.

Tandis que la tension montait jeudi, les partis d’opposition ont recensé un nombre impressionnant d’organismes économiques, d’établissements d’enseignements, de cégeps et d’universités qui se prononçaient contre le resserrement des règles en immigration.

Autant le premier ministre François Legault que le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, ainsi que le ministre de l’Emploi, Jean Boulet, ont été questionnés à ce sujet, mais aucun ne s’est risqué à nommer un seul allié économique en faveur de cette réforme.

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Le ministre de l’Emploi, Jean Boulet.

Toutefois, en mêlée de presse, M. Legault a affirmé qu’il puisait la légitimité de sa réforme ailleurs, soit les commentaires rédigés sur sa page Facebook. « Je peux dire que 90 % des gens appuient ce que fait le gouvernement », avait-il lancé en anglais.

« Grande victoire »

L’annonce du recul complet du gouvernement Legault vendredi soir a suscité de nombreuses réactions, à commencer par celle du chef intérimaire du Parti libéral du Québec (PLQ), Pierre Arcand.

Il considère que le premier ministre Legault vient de porter un « coup de grâce » à son ministre en le désavouant publiquement.

« Le ministre Simon Jolin-Barrette a échoué. Il n’a pas la sensibilité nécessaire pour mener à bien cette réforme. François Legault le reconnaît aujourd’hui en retirant le règlement. Il doit maintenant lui retirer complètement le dossier de l’immigration », a déclaré M. Arcand sur Twitter.

Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire, a également réagi sur les réseaux sociaux. « Victoire pour les étudiants qui se sont mobilisés ! Le règlement-catastrophe de Simon Jolin-Barrette est maintenant chose du passé. La preuve que rien, même un gouvernement arrogant et insensible, n’est plus fort que la colère populaire. Restons vigilants ! »

« Ce recul du PM, de Simon Jolin-Barrette et de la CAQ est une grande victoire pour des milliers de personnes qui choisissent de contribuer au développement économique et social du Québec. C’est aussi une victoire pour nos cégeps et universités, surtout en région », a renchéri pour sa part le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé.

Appel à la collaboration

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain a salué la prise par le gouvernement du Québec de « la bonne décision dans les circonstances ».

« Les consultations que mènera le ministre Jolin-Barette aideront à déterminer la meilleure façon de continuer d’attirer des étudiants internationaux désireux d’apprendre dans nos établissements d’enseignement et qui sont susceptibles de contribuer par la suite à notre élan économique. Le premier ministre vient de faire preuve de leadership », a affirmé par communiqué le président et chef de la direction, Michel Leblanc.

Plus tôt cette semaine, M. Legault avait pris à partie M. Leblanc. Le premier ministre disait croire que M. Leblanc critiquait la réforme parce qu’il souhaitait l’admission massive de main-d’œuvre à bon marché, tandis que lui, le premier ministre, « travaillait pour tous les Québécois ».

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) a dit vouloir « souligner l’ouverture du gouvernement qui a mis sur la glace sa réforme du Programme de l’expérience québécoise ».

« Nous réitérons notre entière collaboration afin de dégager des mesures en arrimage avec les besoins du Québec et de ses entreprises », a affirmé par communiqué le président et chef de la direction du CPQ, Yves-Thomas Dorval.